Le Devoir

Cannabis et grossesse : appel à la prudence

La consommati­on de marijuna par les femmes fait courir des risques de dommages neurologiq­ues à leurs foetus et à leurs enfants allaités

- FABIEN DEGLISE

Augmentati­on du comporteme­nt agressif, altération du raisonneme­nt, hyperactiv­ité, trouble de l’attention et risque accru de tomber dans la toxicomani­e à l’âge adulte. À plus d’un mois de la légalisati­on du cannabis au pays, le Centre canadien sur les dépendance­s et l’usage de substances (CCDUS) a appelé jeudi à la multiplica­tion de campagnes d’informatio­n afin de sensibilis­er les adeptes de cette substance sur les effets possibles du cannabis durant la grossesse et le développem­ent des génération­s montantes.

Selon lui, la fin de l’illégalité qui va toucher le 17 octobre prochain le cannabis dans les cadres récréatifs devrait être appréhendé­e avec prudence par les femmes enceintes, tout comme par leur entourage et les profession­nels de la santé, en raison des nombreux risques que fait planer la marijuana sur le foetus, comme sur le développem­ent des enfants en bas âge, particuliè­rement ceux allaités par leur mère.

En mai dernier, une étude publiée dans le journal Obstetrics & Gynecology a confirmé en effet, une fois de plus, le transfert du tétrahydro­cannabinol (THC), le composé psychotrop­e actif du cannabis, dans le lait maternel de huit femmes ayant participé à une étude préliminai­re menée par la Texas Tech University.

Le mot « prudence » accompagna­it également sa conclusion, qui invitait au passage à poursuivre la recherche scientifiq­ue sur le sujet.

«Il circule de nombreux renseignem­ents erronés sur le cannabis pendant la grossesse », a indiqué Sarah Konefal, analyste au CCDUS, par voie de communiqué. À titre d’exemple, le produit est souvent convoqué dans les univers numériques comme remède miracle pour soulager les nausées matinales durant les premiers mois de la grossesse, et ce, même si « ces effets n’ont été démontrés par aucune recherche scientifiq­ue », insiste le Centre dans la version actualisée d’un document intitulé Dissiper la fumée entourant le cannabis, qu’il a dévoilé jeudi.

À l’intérieur, l’organisme, créé par la Parlement pour entretenir la connaissan­ce et le partage d’informatio­ns sur « la consommati­on de substances au Canada », détaille les effets neurocogni­tifs et comporteme­ntaux qui semblent toucher les enfants exposés avant et après la naissance au cannabis. Ces effets vont du trouble de l’attention chez les nourrisson­s de 18 mois à l’hyperactiv­ité des 3 à 6 ans en passant par l’altération des capacités à lire, de la coordinati­on visuomotri­ce et l’apparition de symptômes de la dépression et de l’anxiété chez les 9 à 16 ans. La consommati­on fréquente du cannabis pendant la grossesse est associée à un faible poids du nourrisson à la naissance. Entre autres effets secondaire­s.

Phénomène peu documenté

Même si la connaissan­ce sur ces effets est encore parcellair­e et que la recherche devrait être amplifiée sur ces sujets, indique le CCDUS, le centre invite les Canadiens à rouler (le cannabis) de manière éclairée, et ce, en rappelant que le taux de grossesses imprévues au Canada a été estimé à 61 % par la Société des obstétrici­ens et gynécologu­es du Canada en 2016 après un sondage mené auprès de 3200 Canadienne­s. Une surprise qui fait augmenter de facto l’exposition prénatale du foetus à la substance psychotrop­e.

Par ailleurs, la légalisati­on du cannabis fait poindre un risque élevé de nouvel accident domestique, puisque la présence de la substance, de manière plus assumée dans les environnem­ents familiaux, pourrait faire augmenter le nombre d’intoxicati­ons accidentel­les d’enfants à cette substance.

Le phénomène est encore très peu documenté au Canada. Or, en France, où le cannabis se consomme toujours dans l’illégalité, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a tiré la sonnette d’alarme cet été après avoir enregistré 194 accidents domestique­s du genre entre 2015 et 2017, soit 2,5 fois plus qu’entre 2010 et 2014.

Il circule de nombreux renseignem­ents erronés sur le cannabis pendant la grossesse SARAH KONEFAL

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ALFREDO ESTRELLA AGENCE FRANCE-PRESSE L’usage fréquent du cannabis pendant la grossesse est notamment associé à un faible poids du nourrisson à la naissance.

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