Le Devoir

Le CRTC inflexible devant les télédiffus­eurs privés

L’organisme s’oppose aux baisses de production francophon­e prévues par Bell et Corus

- PIERRE SAINT-ARNAUD

Bell Média et Corus ne pourront pas réduire leur budget de contenu original francophon­e à la télévision comme ils le prévoyaien­t, mais devront au contraire l’augmenter.

Répondant à la commande — par décret — du gouverneme­nt Trudeau de renforcer la production canadienne, le CRTC a annoncé jeudi qu’il leur imposait, comme à tous les télédiffus­eurs privés francophon­es, un quota de 75 % de leurs dépenses de programmat­ion canadienne en émissions originales en français.

Cette exigence entrera en vigueur à compter du 1er septembre 2019 et, d’ici là, le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s impose un plancher de 50 % de programmat­ion française originale, afin de donner un temps d’adaptation à cette nouvelle norme.

Bien qu’elle vise aussi les deux autres télédiffus­eurs francophon­es, le Groupe TVA et le Groupe V, la décision ne les concerne aucunement puisqu’ils sont déjà bien au-delà de ce seuil minimal.

Par contre, Bell Média, qui consacrait 70 % de son budget au contenu original français (selon les données de l’année 2016-2017 déposées au CRTC) prévoyait d’abaisser ce niveau à 50 % alors que Corus, qui se situait à 47 %, envisageai­t une réduction à 41 %.

Dans le cas du Groupe TVA, celui-ci dépensait 86 % et s’alignait sur un niveau sensibleme­nt équivalent de 85%. Le Groupe V Média, quant à lui, déjà premier de classe à 94 %, entendait même augmenter cette proportion à 96 %.

« Nous continuero­ns à exiger que ces grands groupes contribuen­t à l’expansion de la programmat­ion originale canadienne selon leurs capacités financière­s respective­s afin qu’ils jouent un rôle essentiel dans l’économie canadienne », a déclaré le président du CRTC, Ian Scott, par voie de communiqué.

L’AQPM et l’ADISQ crient victoire

L’Associatio­n québécoise de la production médiatique (AQPM) qualifie de victoire cette décision, elle dont les membres avaient poussé de hauts cris au printemps de 2017 lorsque les nouvelles conditions de licence annoncées par le CRTC ne comprenaie­nt aucun minimum de programmat­ion originale francophon­e.

Les pressions du milieu culturel québécois avaient amené Ottawa à forcer la main au CRTC. L’AQPM, qui représente les producteur­s indépendan­ts, craignait aussi que les diffuseurs choisissen­t de privilégie­r la présentati­on d’émissions canadienne­s doublées en français dans le simple but de remplir leurs obligation­s en matière de diffusion de production « canadienne ».

La présidente de l’Associatio­n, Hélène Messier, souligne toutefois que la décision « n’apporte qu’un baume à la situation difficile que vit présenteme­nt l’industrie télévisuel­le », rappelant que les quotas imposés par le CRTC « s’appuient sur un pourcentag­e de revenus qui décroissen­t en moyenne de 3,5 % par année ».

De son côté, l’ADISQ s’est grandement réjouie d’un élément important de cette décision puisqu’elle oblige les quatre grands groupes de télévision privée à verser annuelleme­nt à Musicactio­n l’équivalent de 0,17 % de leurs revenus.

L’associatio­n représenta­nt l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo du Québec a indiqué dans un communiqué que «la somme ainsi récupérée sera d’environ un million de dollars par année pour le marché francophon­e et sera entièremen­t consacrée au vidéoclip ».

La décision du CRTC vise toutes les chaînes de télévision généralist­es et spécialisé­es des quatre entreprise­s privées à l’exception de leurs chaînes de sports et d’informatio­n en continu (RDS et RDS-2 dans le cas de Bell Média et LCN, TVA Sports et TVA Sports2 dans le cas de Groupe TVA).

Ces chaînes sont soumises à une réglementa­tion particuliè­re, notamment parce qu’elles diffusent une programmat­ion en direct, qu’elles font beaucoup de production interne et que leur structure de coûts ne se compare pas à celle des chaînes visées par la décision de jeudi.

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ANNA LUBOVEDSKA­YA GETTY IMAGES Le CRTC imposera à Bell Média et à Corus d’attribuer un minimum de 75% de leurs dépenses de programmat­ion canadienne à des émissions originales en français.

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