Le temps retrouvé de Gautier Battistella
Retour en force de l’auteur d’Un jeune homme prometteur, Prix Québec-France Marie-Claire Blais
Jusqu’à quel point peut-on effacer son passé, le réinventer ? C’est le genre de question qui hante l’auteur français Gautier Battistella. Et en bon romancier, il n’y répond pas directement.
Ce que l’homme a cru voir, le titre de son 2e opus, emprunté à un vers du Bateau ivre de Rimbaud, fait planer le mystère et joue sur l’ambiguïté. « Je voulais laisser supposer aux lecteurs qu’il y avait dans mon roman une reconstruction de la réalité, mais juste laisser supposer… », indique Gautier Battistella, barbe de deux jours, sourcils arqués et gestes amples.
« Je voulais surtout laisser poindre l’idée que la réalité donnée à lire dans mon roman n’est peutêtre pas la vérité », poursuit le jeune quadragénaire, découvert il y a quatre ans avec Un jeune
homme prometteur. Un roman dense, intense et… prometteur, qui lui avait valu pas moins de trois prix du premier roman, dont le Québec-France Marie-Claire-Blais.
Le héros de Ce que l’homme a cru voir, Simon, fin trentaine, porte en lui un secret inavouable. Dans sa jeunesse, il a commis l’irréparable. Mais il a toujours refusé de voir la réalité en face. Il s’est inventé de faux souvenirs, auxquels il a cru instantanément.
« Simon s’est fabriqué une innocence, il s’est reconstruit dans ce qu’il a cru voir et non pas dans ce qu’il a vu », précise avec une pointe d’accent du Sud l’auteur rencontré à Paris, sa ville d’adoption après une enfance passée dans la région de Toulouse, tout comme son héros.
Après vingt ans à Paris, Simon retourne sur ses terres, à la suite d’un coup de fil lui annonçant la mort imminente d’un ami d’enfance. Le passé qu’il avait fui va ressurgir. Lui qui a pour métier
Les chargés de cours sont de plus en plus nombreux au sein du personnel enseignant dans les universités canadiennes. Et la précarité cause d’importants problèmes de santé mentale pour la très grande majorité d’entre eux, révèle un rapport de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) rendu public aujourd’hui.
Entre 2005 et 2015, le nombre de professeurs permanent a diminué de 10 %, alors que le nombre de chargés de cours a bondi de 79 %, peut-on lire
dans le rapport De l’ombre à la lumière : les expériences du personnel académique contractuel.
«Les postes non permanents sont, pour les établissements d’enseignement postsecondaires, un moyen détourné de se soustraire aux engagements continus sur le plan des salaires, des avantages sociaux et du développement de carrière auxquels ils sont tenus à l’endroit des employés à temps plein permanents», écrivent les auteures du rapport.
Karen Foster, professeure agrégée au Département de sociologie et d’anthropologie sociale de l’Université de Dalhousie, et Louise Birdsell Bauer, agente de recherche à l’ACPPU, ont sondé plus de 2600 chargés de cours travaillant dans des collèges et des universités canadiennes l’automne dernier pour tenter de faire la lumière sur leur situation.
Les membres du personnel universitaire contractuel sont des « travailleurs très compétents et engagés, mais qui sont sous-payés, croulent sous le travail, manquent de ressources et qui sont laissés de côté dans les établissements postsecondaires au Canada », résument-elles.
La majorité d’entre eux passent d’un contrat à l’autre depuis plus de cinq ans, certains même depuis plus de vingt ans. Et ce n’est pas par choix. Ils aspirent généralement à faire carrière en tant que titulaires d’un poste à temps plein.
Santé mentale
La sécurité d’emploi est leur principale préoccupation. Et cette précarité leur cause une source de stress considérable, ajoute-t-on.
Ainsi, 87% des répondants estiment que leur emploi a eu des répercussions négatives sur leur santé mentale, caractérisée notamment par l’anxiété chronique.
«Ce résultat est troublant, affirme David Robinson, directeur général de l’ACPPU. Nous savions, évidemment, que lorsqu’un employé a un emploi précaire, qu’il ne sait pas si son contrat va être renouvelé alors que c’est sa source première de revenu, ça met beaucoup de stress sur une personne et sa famille. Mais nous ne savions pas que les problèmes de santé mentale étaient à ce point répandus dans la profession. »
L’insécurité amène plusieurs d’entre eux à prendre «tout ce qui se passe » de peur de se retrouver sans revenu, « alternant surcharge de travail et chômage ».
Ils sont nombreux également à se sentir «méprisés», «humiliés» ou « marginalisés » à cause de leur statut de contractuel.
Ils ressentent une « contradiction entre le prestige de l’université et leur situation précaire au sein de cette université ». Ainsi, lorsqu’ils sont questionnés sur leur emploi, plusieurs restent flous sur la nature exacte de leur travail, se sentant « gênés » par leur situation.
Revenus instables
« La plupart des gens supposent que je suis un professeur permanent vu mon âge, mon expérience et mes études, que je gagne bien ma vie […] ils ne se doutent pas que ma famille vit presque dans la pauvreté, que nos services d’électricité et de gaz naturel sont souvent coupés parce que je suis incapable de payer les factures », raconte un chargé de cours de façon anonyme dans le rapport.
Le rapport indique également que « le genre et la race avaient une incidence sur le revenu », ces deux groupes étant surreprésentés dans les échelons salariaux inférieurs.
À peine 19 % des répondants soutiennent que leur établissement d’ensei- gnement est un « employeur modèle ».
À l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, on demande à ce que les gouvernements provinciaux légifèrent pour contrer cette «stratégie» des universités qui consiste à remplir les classes avec de la « main-d’oeuvre à bon marché ».
David Robinson donne en exemple des pays d’Europe, où des lois empêchent un employeur d’embaucher une personne à contrat à répétition, l’obligeant à lui offrir un poste après un certain nombre d’années.
« Quand on a des chargés de cours qui sont encore à contrat après vingt ans, c’est la preuve qu’on a un problème, conclut le directeur général. Les gens ne sont pas nécessairement au courant, mais ce rapport démontre clairement qu’il y a de grandes disparités économiques et sociales, et que cela a de grands impacts sur la vie des gens. »