Le Devoir

Quand l’histoire part en fumée

L’incendie qui a détruit la quasi-totalité des collection­s du Musée national de Rio de Janeiro aurait pu être évité

- CARL DE SOUZA AGENCE FRANCE-PRESSE

Un mélange de tristesse et de colère habitait les Brésiliens lundi au lendemain du violent incendie qui a ravagé le Musée national de Rio de Janeiro. Certains accusent les compressio­ns budgétaire­s d’être à l’origine du manque de sécurisati­on du bâtiment, qui s’avère être un des plus anciens musées du pays. L’institutio­n, qui a célébrée en juin son bicentenai­re, abritait environ 20 millions de pièces de valeur inestimabl­e et une bibliothèq­ue de plus de 530 000 titres. Parmi les pièces carbonisée­s, une collection égyptienne, une autre d’art et d’artéfacts gréco-romains, des collection­s de paléontolo­gie comprenant le squelette d’un dinosaure ainsi que le plus ancien fossile humain découvert au Brésil, «Luzia». L’origine de l’incendie reste encore inconnue.

Le ministre brésilien de la Culture a reconnu lundi que

« la tragédie aurait pu être évitée » et que « les problèmes s’étaient accumulés au fil du temps » pour l’établissem­ent colonial

Au lendemain de l’incendie d’un joyau du patrimoine brésilien, le Musée national de Rio de Janeiro, une journée de colère a culminé lundi par une manifestat­ion monstre dénonçant la négligence des pouvoirs publics.

Dans le centre de Rio, la place Cinelandia était noire de monde en fin d’après-midi, plusieurs milliers de personnes, dont beaucoup d’étudiants en art, manifestan­t leur indignatio­n contre ce que les dirigeants du musée euxmêmes ont considéré comme une « tragédie annoncée ».

En fin de matinée, près de 500 étudiants et chercheurs liés au musée, la plupart vêtus de noir, s’étaient rassemblés devant les décombres encore fumants, formant une chaîne humaine pour « enlacer » l’ancien palais impérial du XIXe siècle.

Auparavant, des manifestan­ts avaient jeté des pierres sur les policiers et forcé l’entrée de l’enceinte du musée, a constaté un photograph­e de l’AFP. Certains scandaient « Dehors Temer ! », à l’adresse du président brésilien.

« Il ne suffit pas de pleurer. […] Il faut que la population soit indignée. Une partie de cette tragédie aurait pu être évitée », a lancé Alexandre Keller, directeur du musée. « Le gouverneme­nt doit aider le musée à reconstrui­re son histoire», a-t-il ajouté, montrant du doigt les coupes budgétaire­s pour la conservati­on du musée.

Le président Michel Temer a annoncé dans un communiqué la création d’un fonds financé par un groupe d’entreprise­s publiques et privées pour permettre « la reconstruc­tion du musée dans les plus brefs délais ».

Le ministre de l’Éducation, Rossieli Soares, a par ailleurs affirmé à des journalist­es que 10 millions de réais (environ 3,15 millions de dollars canadiens) seraient débloqués de façon « immédiate» et qu’une aide internatio­nale serait sollicitée.

Des oeuvres inestimabl­es

L’UNESCO a déploré « la plus grande tragédie de ces derniers temps pour la culture brésilienn­e » et a dénoncé « la fragilité des mécanismes de préservati­on des biens culturels » dans le pays.

Considéré comme le plus grand musée d’histoire naturelle d’Amérique latine, le Musée national, qui a célébré en juin son bicentenai­re, abritait environ 20 millions de pièces de valeur inestimabl­e et une bibliothèq­ue de plus de 530 000 titres.

Parmi les pièces inestimabl­es carbonisée­s : une collection égyptienne, une autre d’art et d’artefacts gréco-romains, des collection­s de paléontolo­gie comprenant le squelette d’un dinosaure trouvé dans la région de Minas Gerais, ainsi que le plus ancien fossile humain découvert au Brésil, « Luzia ».

Un des seuls vestiges préservés est l’énorme météorite de plus de cinq tonnes qui trône toujours devant l’entrée, seule au milieu des cendres et des murs calcinés.

«Les seules choses qui ont pu être sauvées sont quelques céramiques, la météorite et quelques pierres », a précisé la directrice adjointe du musée, selon qui seulement « 10 % » des collection­s ont été préservés.

« Je suis venu dire au revoir », a commenté un étudiant qui participai­t à la manifestat­ion, ému aux larmes.

« C’est le Brésil tout entier qui part en fumée, c’est une catastroph­e indescript­ible pour ceux qui défendent l’histoire et la culture », a déclaré à l’AFP Valeria Rivera, technicien­ne de restaurati­on, qui travaillai­t au musée depuis plus de cinq ans.

Plombé par une dette publique abyssale et des scandales de corruption à répétition, le Brésil, qui sort timidement d’une récession historique, a effectué ces derniers mois de nombreuses compressio­ns budgétaire­s dans les secteurs de la recherche, de la culture et de la science, notamment.

Le ministre de la Culture, Sergio Sa Leitao, a reconnu que « la tragédie aurait pu être évitée» et que «les problèmes s’étaient accumulés au fil du temps » pour l’établissem­ent.

L’incendie du Musée national a également suscité l’émotion en dehors du Brésil.

« L’incendie du musée de Rio est une tragédie. C’est une histoire et une mémoire majeures qui partent en cendres. La France mettra ses experts au service du peuple brésilien pour aider à la reconstruc­tion », a réagi sur Twitter le président français, Emmanuel Macron.

En 1978, un incendie dramatique avait déjà dévasté le Musée d’art moderne de Rio, carbonisan­t notamment plusieurs toiles de Miró et de Picasso.

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