Le Devoir

L’Amérique latine se penche sur l’exode des Vénézuélie­ns

- PAOLA LÓPEZ À QUITO

Comment gérer l’exode des Vénézuélie­ns fuyant le marasme dans leur pays? L’Amérique latine se réunit à Quito à partir de lundi afin de débattre, pour la première fois, d’une politique commune face à cette crise migratoire sans précédent dans la région.

Les pays latino-américains, qui ont vu des millions de leurs habitants gagner les États-Unis ou l’Europe en quête de travail ou pour échapper à la violence, font aujourd’hui face à une immigratio­n d’une ampleur inédite à l’intérieur de leurs propres frontières.

La réunion, rassemblan­t des hauts fonctionna­ires des domaines de l’immigratio­n et des affaires consulaire­s, s’est ouverte lundi à la mi-journée à Quito. Jusqu’à mardi, treize pays vont tenter d’élaborer des moyens d’action communs afin de répondre à l’exode vénézuélie­n.

À l’initiative de l’Équateur, l’Argentine, la Bolivie (alliée du Venezuela), le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Chili, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicain­e et l’Uruguay ont répondu présents.

Bien qu’invité, le Venezuela — de plus en plus isolé sur le continent du fait de la politique du président socialiste Nicolas Maduro et des atteintes aux droits de la personne dénoncées par son opposition ainsi que par l’Organisati­on des États américains (OEA) — n’était pas représenté lundi.

Le Venezuela s’insurge

Depuis Caracas, la vice-présidente vénézuélie­nne, Delcy Rodriguez, a d’ailleurs accusé les fonctionna­ires de l’ONU d’exagérer les flux de migration des Vénézuélie­ns pour justifier une « interventi­on internatio­nale ». Elle a dénoncé les demandes de fonds des pays de la région sous couvert de «crise humanitair­e» et accusé en particulie­r la Colombie d’utiliser son pays pour « vivre » de l’aide internatio­nale. « Ce sont des proxénètes, des profiteurs ! », a-t-elle lancé lors d’une conférence de presse.

« Il sera très important […] d’essayer de faire des propositio­ns pour apporter une solution à la situation de ces centaines de milliers de Vénézuélie­ns qui, pour diverses raisons, n’ont pas accès à un statut migratoire […] dans nos pays », a déclaré en ouverture le vice-ministre équatorien des Affaires étrangères, Andrés Teran.

Ces personnes « sont très vulnérable­s à la traite de personnes, au trafic de migrants, à l’exploitati­on profession­nelle, au manque d’accès à la sécurité sociale, à l’extorsion, à la violence, aux abus sexuels, au recrutemen­t pour des activités illégales, à la discrimina­tion et à la xénophobie », a-t-il énuméré.

Les propositio­ns qui devraient être débattues vont de l’éliminatio­n des restrictio­ns à l’unificatio­n des mesures régissant le transit des Vénézuélie­ns, en passant par la constituti­on d’un fonds commun à l’initiative de l’ONU, comme le propose la Colombie.

Il sera aussi question d’un système de quotas de migrants, comme l’a suggéré le chef du gouverneme­nt espagnol, Pedro Sanchez, lors de sa récente visite à Bogotá, où il a annoncé un apport européen de 35 millions de dollars américains pour gérer cette «crise migratoire » niée par Caracas.

Environ 2,3 millions de Vénézuélie­ns (7,5% d’une population de 30,6 millions) vivent à l’étranger, dont 1,6 million qui ont émigré depuis 2015 quand les pénuries de nourriture et de médicament­s se sont aggravées, parallèlem­ent à l’hyperinfla­tion.

La Colombie, le Pérou et l’Équateur sont les principaux pays d’accueil de ce flux, qui s’étend à d’autres pays sudamérica­ins, comme le Brésil.

Caracas a qualifié de montage « type Hollywood » les images des milliers de Vénézuélie­ns marchant sur les routes, avec leurs enfants et leurs biens.

Pour Daniela Salazar, avocate spécialisé­e en droits de la personne, il faut régler les causes de la migration et pas seulement chercher des palliatifs pour l’affronter.

« Vu que les gouverneme­nts se sentent touchés, qu’au moins ils ne détournent pas les yeux et exercent suffisamme­nt de pression internatio­nale pour générer un changement de la situation politique au Venezuela », a déclaré à l’AFP cette professeur­e de l’Université San Francisco de Quito.

En Amérique latine, il n’y a pas de position unique face à la crise au Venezuela: si la majorité critique son gouverneme­nt, la Bolivie défend le président Maduro.

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FEDERICO PARRA AGENCE FRANCE-PRESSE Des gens faisaient la file à l’extérieur d’une banque, lundi, à Caracas, pour mettre la main sur une partie de leur pension. Le pays est englué dans une grave crise économique depuis plusieurs mois.

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