Le Devoir

Legault joue la carte de l’identité

Les immigrants ne parlant pas français constituen­t une menace potentiell­e, dit le chef de la CAQ

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Le volume d’immigrants qui entrent au Québec sans parler français représente une menace potentiell­e à l’identité québécoise, a soutenu jeudi François Legault — qui a du même coup lancé un appel au vote nationalis­te pour contrer les libéraux.

« À 50 000 [immigrants] par année, c’est un demi-million sur dix ans, a-t-il soumis jeudi en point de presse. Si ces gens-là n’apprennent pas le français, et 59 % ne parlent pas français quand ils arrivent, et qu’ils s’installent tous à Montréal, il y a un risque effectivem­ent [pour l’identité]. Le français sera toujours vulnérable. Et c’est la responsabi­lité du premier ministre de protéger le français. »

Invité à préciser ce qu’il craint plus particuliè­rement, il a évoqué la peur «que nos petits-enfants ne parlent plus français. Je ne voudrais pas avoir à me reprocher ça. Le Québec, entouré de centaines de millions d’anglophone­s, sera toujours dans une position vulnérable. »

C’est la première fois que M. Legault associe son plan en immigratio­n à une défense de l’identité québécoise durant cette campagne. Et il l’a fait lors d’un point de presse où il a aussi explicitem­ent demandé aux électeurs nationalis­tes de se tourner vers la Coalition avenir Québec (CAQ).

« C’est une lutte à deux, tous les spécialist­es le disent, entre la CAQ et les libéraux, a-t-il soutenu. Donc, ceux qui sont nationalis­tes, vous avez le choix de voter pour un parti à genoux devant le fédéral ou un parti nationalis­te qui va défendre le Québec. »

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, n’en revenait pas, en soirée. « C’est incroyable, ce que M. Legault a dit aujourd’hui, que l’immigratio­n est un danger pour la langue française. » Selon M. Lisée, François Legault « fait ça tout croche. Il dit: “Je veux avoir 40 000 immigrants par année qui ne parlent pas français au point d’entrée.” Mais c’est la pire menace pour le français. Nous, on veut les faire rentrer et qu’ils parlent français ».

Dans les faits, M. Legault ne propose pas d’accueillir 40 000 immigrants non francophon­es. Mais il est vrai qu’il a soutenu en décembre que le Québec a accordé « trop d’importance à la connaissan­ce du français » dans le processus de sélection des immigrants, et que « le premier, peut-être même le seul » critère d’accueil devrait être lié à la capacité de répondre aux besoins du marché du travail.

La CAQ propose une diminution de plus de 23 % du nombre de nouveaux arrivants accueillis dès 2019, parce que le Québec aurait « dépassé sa capacité d’intégratio­n. » Le parti veut aussi imposer des examens de français et de connaissan­ce de valeurs québécoise­s après un certain temps passé au Québec, en plus de démontréal­iser le point de chute des immigrants.

M. Legault a réitéré jeudi ses critiques contre le programme de réunificat­ion familiale, qui fournit environ 20 % des immigrants accueillis au Québec et qui est géré par le fédéral. « Il n’y a aucune exigence concernant l’apprentiss­age du français, aucune exigence concernant le respect de nos valeurs, a-t-il dit. Je pense que les Québécois, comme nation, ont le droit de contrôler un peu mieux leur immigratio­n. Et ce n’est pas seulement le Québec qui est dans cette position. En Europe, tous les pays se demandent comment protéger leur identité. »

65 ans

Plus tôt dans la journée, M. Legault avait révélé un autre détail méconnu de son plan en immigratio­n : celui voulant qu’il n’exigera pas des immigrants de plus de 65 ans qu’ils réussissen­t le test de français que la CAQ veut imposer à tous les nouveaux arrivants après trois ans.

« Pour les parents [accueillis par le programme de réunificat­ion familiale], disons de plus de 65 ans, je peux comprendre qu’ils ne parlent pas français. Mais on doit exiger que les autres [membres de la famille qui viennent] apprennent le français, qu’ils trouvent un emploi. »

Mais le seuil de 65 ans serait en réalité une cible… flexible : « c’est une question de jugement », a dit M. Legault avant d’enchaîner sur le besoin, pour l’État, de ne pas «tout mettre dans des règles et des lois ». « On a le droit encore de se servir du gros bon sens. Pour une personne âgée, c’est plus difficile d’apprendre le français. Il faut être souple, être capable d’être humain là-dedans. » Couillard Sept Heures

Le chef libéral, Philippe Couillard, n’a pas réagi à la sortie de M. Legault en soirée. Mais il avait plus tôt dans la journée déjà égratigné le plan d’immigratio­n de la CAQ. « D’une part, il ferme la porte d’entrée [aux] travailleu­rs de l’extérieur, estime-t-il. Il ouvre la porte de l’expulsion avec ses tests et, en même temps, il est prêt à briser des familles : quelle vision sociale extraordin­aire ! » a-t-il lancé jeudi matin.

« Le Bonhomme Sept Heures est encore ressorti aujourd’hui, a rétorqué François Legault. Il essaie de faire peur aux gens. Personne ne veut briser des familles au Québec. » Avec Marco Bélair-Cirino et Marie-Michèle Sioui

Je pense que les Québécois, comme nation, ont le droit de contrôler un peu mieux leur immigratio­n FRANÇOIS LEGAULT

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