Le Devoir

« Il faut se garder une petite marge »

Philippe Couillard justifie l’ouverture faite à d’éventuels projets menés dans des cours d’eau

- ALEXANDRE SHIELDS MARCO BÉLAIR-CIRINO

Après avoir nié pendant plusieurs mois son intention d’ouvrir la porte aux forages pétroliers et gaziers dans les cours d’eau du Québec, le gouverneme­nt Couillard admet finalement que la chose sera bel et bien possible. La Coalition avenir Québec se montre elle aussi favorable aux projets dans les lacs et les rivières.

Interpellé lors d’un arrêt de son autobus de campagne à Longueuil, jeudi, le premier ministre Philippe Couillard n’a pas écarté la possibilit­é de voir des entreprise­s pétrolière­s ou gazières effectuer des forages dans un cours d’eau «pour des raisons spécifique­s, dans des endroits spécifique­s ».

« Il faut toujours, dans ces règlements­là, se garder une petite marge pour faire face aux imprévus, aux situations exceptionn­elles », a-t-il fait valoir.

« Nous, on ne bâtit pas notre avenir économique sur les hydrocarbu­res, mais il peut y avoir des projets qui, pour des raisons spécifique­s, dans des endroits spécifique­s, peuvent mériter une attention plus particuliè­re. Ça doit être fait avec tout le milieu qui va être là et de façon très, très parcimonie­use », a ajouté M. Couillard, après avoir décrit les règlements québécois encadrant les activités pétrolière­s et gazières comme « les plus sévères au monde ».

Le gouverneme­nt libéral a publié mercredi dans la Gazette officielle les règlements de mise en oeuvre de la Loi sur les hydrocarbu­res, dont celui conçu pour encadrer les « activités d’exploratio­n, de production et de stockage d’hydrocarbu­res en milieu hydrique ».

Ce règlement offre la possibilit­é d’autoriser des forages, des levés géophysiqu­es à l’aide d’une « source d’énergie explosive », des essais de production et des opérations d’exploitati­on de pétrole et de gaz dans les cours d’eau du Québec. Même la fracturati­on hydrauliqu­e pourrait être autorisée sous les lacs et les rivières. Et toutes ces activités pourront être menées près de milieux habités ou de territoire­s protégés.

Moreau niait toute ouverture

Pour obtenir l’autorisati­on de réaliser de telles opérations, une entreprise doit toutefois démontrer que « les activités prévues ne compromett­ent pas l’intégrité et la conservati­on du milieu hydrique ».

Cette dernière dispositio­n a été ajoutée uniquement dans la dernière mouture du règlement, publiée cette semaine, après que le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, eut affirmé à plusieurs reprises que les forages dans les cours d’eau seraient formelleme­nt interdits.

«Vous dites que je veux ouvrir la porte aux forages dans les cours d’eau. C’est carrément faux », avait notamment laissé tomber le ministre, en entrevue au Devoir, après la publicatio­n de la deuxième mouture des projets de règlements de la Loi sur les hydrocarbu­res, en juin. « Il n’y aura pas de forages dans les lacs et les rivières », avait aussi insisté M. Moreau.

Le ministre avait également publié, à la mi-août, une lettre dans Le Devoir intitulée « Nos lacs et nos rivières ne sont pas ouverts aux pétrolière­s ». Le gouverneme­nt a aussi publié, le 17 août, un communiqué coiffé d’un titre qui disait ceci : «Québec dit non aux hydrocarbu­res en milieu hydrique ».

Il peut y avoir des projets qui, pour des raisons spécifique­s, dans des endroits spécifique­s, peuvent mériter une attention plus particuliè­re PHILIPPE COUILLARD

La CAQ favorable

La Coalition avenir Québec (CAQ) se montre elle aussi favorable à ces opérations dans les cours d’eau. « Pour les forages convention­nels dans des cours d’eau, nous estimons que la science a su démontrer qu’on peut atténuer les risques », a ainsi soutenu le porte-parole de la CAQ, Ewan Sauves, jeudi, en réponse aux questions du Devoir.

La CAQ s’oppose toutefois aux opérations de fracturati­on sous les cours d’eau. « Nous sommes contre la fracturati­on hydrauliqu­e dans les milieux hydriques. En effet, la science ne permet pas de conclure que cette technologi­e est sécuritair­e pour nos lacs et nos rivières. »

PQ et QS

Pour le chef péquiste, Jean-François Lisée, il est clair que le gouverneme­nt Couillard a tenté, au fil des mois, de « désinforme­r » les Québécois sur ses intentions par rapport aux éventuels forages dans les lacs et les rivières de la province. « La crédibilit­é des libéraux en matière pétrolière est nulle. Celle de la CAQ aussi », a-t-il insisté.

Du côté de Québec solidaire, on estime que les libéraux et les caquistes sont du même avis par rapport à l’exploitati­on d’éventuels gisements d’énergies fossiles. « M. Couillard se moque de la population québécoise. Un matin, il dit qu’il n’y aura pas d’exploitati­on pétrolière dans les milieux hydriques; peu de temps après, son gouverneme­nt publie discrèteme­nt un règlement qui permet de le faire », a aussi soutenu la co-porte-parole du parti, Manon Massé.

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