Le Devoir

L’accapareme­nt des terres agricoles n’inquiète pas la CAQ

- MARIE-MICHÈLE SIOUI À SAINT-CHARLES-SUR-RICHELIEU MARCO BÉLAIR-CIRINO À LONGUEUIL LE DEVOIR

Philippe Couillard et Jean-François Lisée ont promis jeudi de lutter contre l’accapareme­nt des terres par des fonds d’investisse­ment. Mais là où les chefs libéral et péquiste ont vu un problème à combattre, François Legault n’a rien vu de concret.

« Si on voit qu’il y a un problème d’accapareme­nt de terre par des financiers comme Pangea, on va agir», a dit le chef caquiste, depuis Saint-Colomban. « Mais actuelleme­nt, personne n’a démontré que c’est Pangea qui a fait augmenter le prix des terres. »

À son avis, « il faut voir » : « Y a-t-il ou non accapareme­nt, ou c’est tout simplement que les terres au Québec étaient beaucoup moins chères qu’ailleurs et qu’elles ont commencé à augmenter ? »

Avant lui, le chef libéral s’est engagé à imposer une limite d’achat annuelle de 100 hectares — soit la superficie des plaines d’Abraham — aux fonds d’investisse­ment.

C’est le « comble du cynisme », a répliqué le Parti québécois, qui a déposé un projet de loi prévoyant exactement cela en 2016 et qui n’a jamais été étudié par le gouverneme­nt Couillard.

Les fonds d’investisse­ment ne sont assujettis à aucune limite d’achat à l’heure actuelle. Et pour cause, a pesté le candidat péquiste André Villeneuve, qui a déposé le projet de loi « visant à contrer l’accapareme­nt des terres agricoles ».

« La CAQ n’a jamais voulu admettre qu’il y avait un problème, le Parti libéral n’a jamais voulu admettre qu’il y avait un problème », a-t-il déploré.

Lisée écorche Pangea

Les mesures visant à freiner l’accapareme­nt des terres sont-elles des attaques frontales contre la société Pangea, qui a été cofondée en 2012 par un proche de François Legault, Charles Sirois ? À l’été 2017, Pangea ne possédait pas moins de 6000 hectares de terres répartis dans six régions administra­tives : Saguenay–Lac-Saint-Jean, Lanaudière, Estrie, Bas-Saint-Laurent, Centre-du-Québec et Chaudière-Appalaches, selon le Registre foncier du Québec.

« S’il y en a qui veulent faire des interpréta­tions, libre à eux ou à elles. […] Je n’ai prononcé le nom d’aucun adversaire politique dans ce dossier-là », a répondu Philippe Couillard.

Tout à fait, a pour sa part attesté le chef du PQ, Jean-François Lisée. « Nous

allons […] empêcher des investisse­urs non agricoles d’acheter des terres, on va réduire la pression sur l’augmentati­on de la spéculatio­n. Pangea, qui est le principal acteur, est parrainé par deux amis de François Legault », n’a-til pas manqué de rappeler.

Cela dit, le chef péquiste estime qu’il y a « un vrai débat » à avoir au sujet de Pangea. « Est-ce que, dans certains cas, ça aide la relève à devenir propriétai­re ? Est-ce que, dans certains cas, ça pousse à la spéculatio­n?» a-t-il demandé. Il s’est engagé à faire « une vraie étude » de ce modèle d’affaires, pour combler les lacunes de l’étude « extraordin­airement insatisfai­sante » qu’a publiée Québec en avril 2018.

Pangea a dit jeudi trouver « malheureux » de se retrouver au coeur d’un débat « qui semble être politique ». Elle soutient qu’elle n’est pas un fonds d’investisse­ment, mais plutôt une société agricole « qui se finance différemme­nt ». Elle se défend de faire monter la valeur des terres agricoles.

En bref, Pangea achète des terres et s’associe à des agriculteu­rs locaux pour créer une société de production agricole, au sein de laquelle les équipement­s sont mis en commun et les profits, partagés.

Au printemps 2017, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ ont investi conjointem­ent 20 millions de dollars dans l’entreprise.

Mercredi, le président de l’UPA avait mis en garde le chef de la CAQ au sujet de Pangea. « S’il devient premier ministre, j’espère que [ses liens avec Charles Sirois et l’ex-vice-président de la Caisse de dépôt Christian Dubé] n’auront pas d’incidence sur des décisions que le gouverneme­nt pourrait prendre », avait lancé Marcel Groleau. À son avis, « Pangea est un modèle qui mise sur la spéculatio­n, encouragé par la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité au détriment des fermes familiales et de la relève agricole, de l’habitation et de l’occupation du territoire ». Avec Karl Rettino-Parazelli et Guillaume Bourgault-Côté

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 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le chef péquiste, Jean-François Lisée, a pris un bol d’air frais dans un champ de SaintCharl­es-surRicheli­eu, près du chemin des Patriotes, après la présentati­on de sa vision sur l’agricultur­e aux bureaux de l’Union des producteur­s agricoles, jeudi.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le chef péquiste, Jean-François Lisée, a pris un bol d’air frais dans un champ de SaintCharl­es-surRicheli­eu, près du chemin des Patriotes, après la présentati­on de sa vision sur l’agricultur­e aux bureaux de l’Union des producteur­s agricoles, jeudi.

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