Le Devoir

Liesse arc-en-ciel en Inde

La Cour suprême a dépénalisé l’homosexual­ité dans une décision historique

- ALEXANDRE MARCHAND AGENCE FRANCE-PRESSE

Sourires et larmes de bonheur marquaient les célébratio­ns jeudi par la communauté LGBT en Inde de la dépénalisa­tion de l’homosexual­ité dans la deuxième nation au monde par sa population, cap historique pour l’égalité des droits.

Que ce soit à Delhi, à Mumbay, à Bangalore ou à Calcutta, une même liesse a répondu au très attendu jugement de la Cour suprême indienne. À travers le géant de l’Asie du Sud, les participan­ts à de petits rassemblem­ents de la minorité homosexuel­le ont manifesté leur joie en agitant des drapeaux arc-en-ciel et en s’effondrant dans les bras les uns des autres.

« Je suis enfin content de pouvoir dire que je ne suis plus un criminel dans ce pays », a confié à l’Agence France-Presse Abhishek Desai, un homosexuel indien venu devant la Cour suprême à Delhi, se décrivant comme « très, très exalté ».

Dans une décision unanime, cinq juges de la plus haute instance judiciaire du pays ont considéré qu’un vieil article de loi ne pouvait plus interdire les relations sexuelles entre adultes consentant­s de même sexe, car enfreignan­t leurs droits fondamenta­ux garantis par la Constituti­on.

« Nous devons dire adieu aux perception­s, stéréotype­s et préjudices profondéme­nt ancrés dans l’esprit de la société », a déclaré le président de la Cour suprême, Dipak Misra, dénonçant une dispositio­n «devenue une arme de harcèlemen­t contre la communauté LGBT ».

Dans son jugement, l’un des magistrats indiens a estimé que « l’Histoire doit des excuses à cette communauté (LGBT) et à ses familles, pour le retard à corriger l’ignominie et l’ostracisme dont elles ont souffert à travers les siècles ».

Selon le Code pénal indien, datant de l’ère coloniale britanniqu­e et fruit de la morale victorienn­e, l’homosexual­ité était sur le papier passible de prison à vie. Dans la pratique toutefois, les poursuites judiciaire­s étaient rarissimes.

En un siècle et demi d’existence, moins de 200 personnes ont été poursuivie­s au titre de l’article 377 du Code pénal, qui prohibe tout « rapport charnel contre l’ordre de la nature », note l’arrêt de la Cour.

Une société conservatr­ice

Si une scène homosexuel­le discrète mais vibrante existe dans les grandes villes de l’Inde, les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes restent toujours très mal vus en Inde. Au quotidien, la vie pour la communauté LGBT risque de peu changer tant l’homosexual­ité reste un stigmate dans la société indienne, aux valeurs profondéme­nt conservatr­ices.

Les organisati­ons religieuse­s, toutes fois confondues, combattaie­nt faroucheme­nt cette dépénalisa­tion. «Le jugement ne changera rien sur le terrain. Vous ne pouvez pas changer l’état d’esprit des gens avec le marteau de la loi », a déclaré Pandit Ajay Gautam, du groupe radical Hum Hindu.

La dépénalisa­tion ordonnée jeudi par la Cour suprême était largement escomptée par les observateu­rs. Sa jurisprude­nce ces dernières années penchait en effet en sa faveur, avec notamment la reconnaiss­ance d’un troisième genre pour les transgenre­s et la sanctuaris­ation du droit à la vie privée.

« C’est la première étape de l’histoire de beaucoup d’autres pays qui ont d’abord dépénalisé les relations homosexuel­les, autorisé les unions civiles puis le mariage », estimait lors d’une récente interview à l’Agence France-Presse Keshav Suri, patron du Lalit Hôtel de New Delhi et l’un des principaux plaignants du dossier devant la Cour suprême.

« C’est une longue bataille pour arriver à l’égalité des droits, mais je suis sûr que nous y arriverons à la fin », avait-il déclaré.

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AIJAZ RAHI ASSOCIATED PRESS À travers le pays, plusieurs personnes ont manifesté leur joie en agitant des drapeaux arc-en-ciel, en s’effondrant dans les bras les uns des autres et en dansant, comme sur la photo, à Bangalore.

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