La faim chez les enfants, et ceux qui s’en fichent bien
La faim à l’école est un grave problème. Chaque jour au Québec, des dizaines de milliers d’élèves se présentent en classe sans lunch, ou avec un lunch insuffisant. Cette insécurité alimentaire est l’un des principaux freins à la réussite scolaire. Le reste du monde civilisé le comprend très bien : tous les pays du G7, à l’exception du Canada, se sont donné des programmes nationaux d’alimentation scolaire.
Quiconque se préoccupe de justice sociale devrait donc tendre l’oreille lorsqu’un parti poli- tique propose de lancer un programme de repas scolaires à prix modique. Non ?
Pas au Québec. Des médias, pressés de ridiculiser les politiciens, préfèrent présenter les repas scolaires comme un enjeu futile et « clientéliste ». Le 4 septembre, le panel rigolard de l’émission Plus on est de fous plus on lit décrivait « les sandwichs pas de croûte le midi » et « payer moins cher pour le dentiste » comme de « petites affaires », « peu structurantes », vides de sens. Les penseurs à la table préféraient parler de multiculturalisme, voyezvous. Même mépris pour les lunchs à La soirée est encore jeune du 2 septembre, ou chez un chroniqueur du 15-18 du 22 août, pour nous en tenir aux émissions de notre radio publique.
Bref, on en est là : nos commentateurs dits « progressistes » professent un mépris ouvert pour la justice économique. Le parti qui combat la faim à l’école récolte des railleries ; tel autre parti qui veut étendre l’assurance dentaire pour enfants subit le même sort. On peut bien critiquer les politiciens. Mais si la gauche médiatique meurt un jour de quelque chose, ce sera de son propre embourgeoisement.
Julien Prud’homme
Montréal, le 4 septembre 2018