Après les compressions
Dans le cadre de la campagne électorale, Le Devoir présente, le mardi 11 septembre à l’UQAM, un « Devoir de débattre » sur les grands enjeux en éducation, avec des représentants des quatre principaux partis. Pour l’occasion, le groupe indépendant « Debout pour l’école ! », un collectif citoyen de réf lexion sur l’éducation, nous a proposé une analyse des programmes des principaux partis. Nous publierons leurs textes d’ici le 11 septembre. Aujourd’hui, les programmes du Parti libéral et du Parti québécois.
On peut se demander en quoi l’éducation constitue la priorité de ce parti pour les quatre prochaines années après lecture du dossier Éducation du PLQ, consulté le 27 août dernier sur le site de ce parti. Notre analyse est centrée sur l’école obligatoire.
D’abord, il faut examiner la réponse du PLQ à la critique des commissions scolaires et des organisations syndicales, entre autres, qui lui reprochent d’avoir opéré des coupes draconiennes en éducation depuis 15 ans.
Réinvestir en éducation
L’ensemble des propositions du PLQ repose sur un réinvestissement de 1,2 milliard en éducation, ce avec quoi nous ne pouvons qu’être d’accord. Le PLQ affirme qu’il n’y a eu « aucune coupe budgétaire » et que « les dépenses gouvernementales ont toujours augmenté depuis 2003 ». Il s’agit d’un argument fallacieux, car il est évident que, sur 15 ans, certaines dépenses incompressibles augmentent sans cesse. En fait, de 2014 à 2018, il y aurait eu des ponctions de 961 millions en éducation selon la Centrale des syndicats du Québec et de près d’un milliard et demi depuis 2010 selon la Fédération autonome de l’enseignement.
Lutte contre le décrochage
Et pourquoi réinvestir en éducation ? La position du PLQ est claire: c’est « une réponse concrète au phénomène massif du décrochage scolaire », point central de la Politique de la réussite éducative présentée en juin 2017 par le ministre Proulx. Cette réalité est socialement inacceptable et on est en droit d’en chercher les causes. Ni le ministre Proulx dans son ouvrage ni le PLQ ne donnent d’explication du décrochage avant l’obtention du diplôme d’enseignement secondaire. Rappelons que tous les spécialistes de la question interrogés lors de la sortie de cette politique ont affirmé que rien n’assurait que les mesures annoncées diminueraient le décrochage, qui est constant depuis longtemps et que d’autres gouvernements ont tenté d’enrayer, avec les mêmes recettes, sans succès.
Le Québec compte environ 23 % de décrocheurs pour la population de moins de 20 ans et 45 % chez les élèves étiquetés HDAA (handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ou scolaire). Or, l’intégration massive de ces derniers dans les classes ordinaires sans l’ajout des ressources spécialisées nécessaires à leur apprentissage de même que le remplacement fréquent des titulaires de classe au primaire et du corps enseignant au secondaire ne facilitent guère la persévérance scolaire de ces élèves. Cela dit, le PLQ souhaite « offrir aux jeunes un environnement d’apprentissage stimulant et les accompagner dans l’optique d’éviter le décrochage scolaire ».
Avec raison, le PLQ entend agir pour améliorer les infrastructures scolaires « en investissant 700 millions de dollars pour la réfection des établissements », mesure importante et plus qu’urgente. Mais pourquoi le PLQ, au pouvoir depuis 2003 (sauf l’intermède péquiste de septembre 2013 à avril 2014), a-t-il tant tardé à intervenir ? Autre mesure louable, le PLQ entend « améliorer les conditions d’accueil des services de garde par des investissements à hauteur de 30 millions de dollars » en adoptant « des mesures fiscales afin que la contribution des familles au réseau soit réellement proportionnelle à leur revenu ». Mais cela suffira-t-il à encourager les familles pauvres à envoyer leurs enfants aux services de garde ?
Enfin, le PLQ s’engage à investir 8 millions pour instaurer la pratique d’activités physiques dans les écoles et 3 millions pour favoriser le contact avec les arts et la culture. Bien que ces mesures demeurent assez floues, si elles se matérialisent, elles seront positives.
En somme, tout n’est pas négatif dans ce programme, mais on déplore l’absence totale d’intérêt pour les contenus mêmes d’enseignement, en particulier pour le français et l’histoire, dont le ministre Proulx a pourtant chanté les louanges dans son livre. Faut-il rappeler que c’est ce ministre qui a imposé unilatéralement en 5e secondaire un cours obligatoire d’éducation financière qui entraîne une diminution de 50% des heures du cours Monde contemporain, qui donnait une base de connaissances sur les enjeux sociaux et économiques actuels ?
Il est aussi étonnant qu’il ne soit plus question d’un ordre professionnel, pourtant réclamé par le ministre Proulx. Le PLQ n’a sans doute pas intérêt à entrer sur le terrain de la CAQ, ou peut-être craint-il la contestation du monde syndical.
Et qu’en est-il du décrochage des enseignants et de leurs misérables conditions de travail ?
Quelle vision de l’éducation ? Un système d’éducation de qualité pour tous, de la petite enfance aux études supérieures, n’aurait-il pour but que de « faciliter la vie des Québécois », comme le clame le slogan de la campagne du Parti libéral du Québec (PLQ) ?
Ce programme relève d’une vision individualiste et économiciste de l’éducation dans la mesure où ceux qui seront instruits et éduqués contribueront à l’économie et à la prospérité du Québec. Qu’en est-il alors du fait que l’acquisition de connaissances fondamentales dans les grands champs du savoir de l’humanité constitue un préalable à l’exercice d’une saine démocratie qui contribuerait au bien-être collectif ? Enfin, le programme du PLQ reste silencieux sur les inégalités sociales et culturelles issues de la hiérarchisation de notre système d’éducation, dont les jeunes des milieux défavorisés et les immigrants sont particulièrement victimes.