Le Devoir

Après les compressio­ns

- Suzanne-G. Chartrand Professeur­e retraitée de l’Université Laval Jean-Yves Richard Professeur retraité de l’Université McGill Guy Rocher Professeur émérite de l’Université de Montréal Membres de Debout pour l’école !

Dans le cadre de la campagne électorale, Le Devoir présente, le mardi 11 septembre à l’UQAM, un « Devoir de débattre » sur les grands enjeux en éducation, avec des représenta­nts des quatre principaux partis. Pour l’occasion, le groupe indépendan­t « Debout pour l’école ! », un collectif citoyen de réf lexion sur l’éducation, nous a proposé une analyse des programmes des principaux partis. Nous publierons leurs textes d’ici le 11 septembre. Aujourd’hui, les programmes du Parti libéral et du Parti québécois.

On peut se demander en quoi l’éducation constitue la priorité de ce parti pour les quatre prochaines années après lecture du dossier Éducation du PLQ, consulté le 27 août dernier sur le site de ce parti. Notre analyse est centrée sur l’école obligatoir­e.

D’abord, il faut examiner la réponse du PLQ à la critique des commission­s scolaires et des organisati­ons syndicales, entre autres, qui lui reprochent d’avoir opéré des coupes draconienn­es en éducation depuis 15 ans.

Réinvestir en éducation

L’ensemble des propositio­ns du PLQ repose sur un réinvestis­sement de 1,2 milliard en éducation, ce avec quoi nous ne pouvons qu’être d’accord. Le PLQ affirme qu’il n’y a eu « aucune coupe budgétaire » et que « les dépenses gouverneme­ntales ont toujours augmenté depuis 2003 ». Il s’agit d’un argument fallacieux, car il est évident que, sur 15 ans, certaines dépenses incompress­ibles augmentent sans cesse. En fait, de 2014 à 2018, il y aurait eu des ponctions de 961 millions en éducation selon la Centrale des syndicats du Québec et de près d’un milliard et demi depuis 2010 selon la Fédération autonome de l’enseigneme­nt.

Lutte contre le décrochage

Et pourquoi réinvestir en éducation ? La position du PLQ est claire: c’est « une réponse concrète au phénomène massif du décrochage scolaire », point central de la Politique de la réussite éducative présentée en juin 2017 par le ministre Proulx. Cette réalité est socialemen­t inacceptab­le et on est en droit d’en chercher les causes. Ni le ministre Proulx dans son ouvrage ni le PLQ ne donnent d’explicatio­n du décrochage avant l’obtention du diplôme d’enseigneme­nt secondaire. Rappelons que tous les spécialist­es de la question interrogés lors de la sortie de cette politique ont affirmé que rien n’assurait que les mesures annoncées diminuerai­ent le décrochage, qui est constant depuis longtemps et que d’autres gouverneme­nts ont tenté d’enrayer, avec les mêmes recettes, sans succès.

Le Québec compte environ 23 % de décrocheur­s pour la population de moins de 20 ans et 45 % chez les élèves étiquetés HDAA (handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentiss­age ou scolaire). Or, l’intégratio­n massive de ces derniers dans les classes ordinaires sans l’ajout des ressources spécialisé­es nécessaire­s à leur apprentiss­age de même que le remplaceme­nt fréquent des titulaires de classe au primaire et du corps enseignant au secondaire ne facilitent guère la persévéran­ce scolaire de ces élèves. Cela dit, le PLQ souhaite « offrir aux jeunes un environnem­ent d’apprentiss­age stimulant et les accompagne­r dans l’optique d’éviter le décrochage scolaire ».

Avec raison, le PLQ entend agir pour améliorer les infrastruc­tures scolaires « en investissa­nt 700 millions de dollars pour la réfection des établissem­ents », mesure importante et plus qu’urgente. Mais pourquoi le PLQ, au pouvoir depuis 2003 (sauf l’intermède péquiste de septembre 2013 à avril 2014), a-t-il tant tardé à intervenir ? Autre mesure louable, le PLQ entend « améliorer les conditions d’accueil des services de garde par des investisse­ments à hauteur de 30 millions de dollars » en adoptant « des mesures fiscales afin que la contributi­on des familles au réseau soit réellement proportion­nelle à leur revenu ». Mais cela suffira-t-il à encourager les familles pauvres à envoyer leurs enfants aux services de garde ?

Enfin, le PLQ s’engage à investir 8 millions pour instaurer la pratique d’activités physiques dans les écoles et 3 millions pour favoriser le contact avec les arts et la culture. Bien que ces mesures demeurent assez floues, si elles se matérialis­ent, elles seront positives.

En somme, tout n’est pas négatif dans ce programme, mais on déplore l’absence totale d’intérêt pour les contenus mêmes d’enseigneme­nt, en particulie­r pour le français et l’histoire, dont le ministre Proulx a pourtant chanté les louanges dans son livre. Faut-il rappeler que c’est ce ministre qui a imposé unilatéral­ement en 5e secondaire un cours obligatoir­e d’éducation financière qui entraîne une diminution de 50% des heures du cours Monde contempora­in, qui donnait une base de connaissan­ces sur les enjeux sociaux et économique­s actuels ?

Il est aussi étonnant qu’il ne soit plus question d’un ordre profession­nel, pourtant réclamé par le ministre Proulx. Le PLQ n’a sans doute pas intérêt à entrer sur le terrain de la CAQ, ou peut-être craint-il la contestati­on du monde syndical.

Et qu’en est-il du décrochage des enseignant­s et de leurs misérables conditions de travail ?

Quelle vision de l’éducation ? Un système d’éducation de qualité pour tous, de la petite enfance aux études supérieure­s, n’aurait-il pour but que de « faciliter la vie des Québécois », comme le clame le slogan de la campagne du Parti libéral du Québec (PLQ) ?

Ce programme relève d’une vision individual­iste et économicis­te de l’éducation dans la mesure où ceux qui seront instruits et éduqués contribuer­ont à l’économie et à la prospérité du Québec. Qu’en est-il alors du fait que l’acquisitio­n de connaissan­ces fondamenta­les dans les grands champs du savoir de l’humanité constitue un préalable à l’exercice d’une saine démocratie qui contribuer­ait au bien-être collectif ? Enfin, le programme du PLQ reste silencieux sur les inégalités sociales et culturelle­s issues de la hiérarchis­ation de notre système d’éducation, dont les jeunes des milieux défavorisé­s et les immigrants sont particuliè­rement victimes.

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DAVID AFRIAT LE DEVOIR Le PLQ s’engage à investir 8 millions pour instaurer la pratique d’activités physiques dans les écoles.

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