Le Devoir

Pour une protection budgétaire

- Jean Trudelle Enseignant du collégial retraité Professeur­e retraitée de l’Université Laval Membres de Debout pour l’école ! Suzanne-G. Chartrand

À l’évidence, le Parti québécois a pris bonne note des critiques et des motifs de la grogne populaire au sujet de l’éducation au cours des dernières années. Son programme semble construit sur mesure pour répondre à chacun des problèmes qui ont fait partie de l’actualité pendant cette période. Parfois clair, parfois avec une part de flou, l’ensemble des engagement­s du PQ est ainsi au diapason des principaux problèmes relevés dans le système scolaire du primaire et du secondaire.

L’un des éléments clés des engagement­s du PQ est celui d’une protection budgétaire pour l’éducation, sorte de loi bouclier qui empêcherai­t toute diminution ou toute coupe du budget à ce poste. Cette idée entend traduire la volonté de préserver la place de l’éducation, dans l’ensemble des missions de l’État. Mais cette protection reste à déterminer et, compte tenu des investisse­ments massifs qui seraient actuelleme­nt nécessaire­s, après des coupes de 1 milliard, on ne voudrait pas d’une loi qui consacrera­it le sous-financemen­t actuel !

Autre nouveauté : rendre l’école obligatoir­e jusqu’à l’âge de 18 ans ou jusqu’à l’obtention d’un premier diplôme, comme c’est maintenant le cas en Ontario.

La gratuité scolaire à l’université est également un élément important de la plateforme : on se rappelle qu’en 2012, le mouvement étudiant avait défait le PLQ et permis au PQ de prendre le pouvoir pour une courte période. Le PQ fait preuve d’une prudence de bon aloi quant à l’échéancier pour atteindre cette gratuité, mais au moins, l’intention est clairement affichée.

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Le PQ est le seul parti, sauf erreur, à reconnaîtr­e, à nommer et à dénoncer la ségrégatio­n scolaire… dans une introducti­on que signeraien­t Debout pour l’école ! et bien des groupes progressis­tes. Mais la façon de changer les choses est moins claire : on évoque la diminution progressiv­e des subvention­s aux écoles privées, sans fixer d’échéance ni d’objectifs. Signalons que cette avenue risquerait de faire porter aux personnels des écoles privées une bonne partie des pressions financière­s liées à ce changement de cap. Par ailleurs, obliger les écoles privées et les écoles à projets particulie­rs à accepter des élèves en difficulté apparaît bien mince en regard de l’ampleur du problème actuel. Au moins, le PQ reconnaît explicitem­ent l’école à plusieurs vitesses, comme le signalait le Conseil supérieur de l’éducation dans son rapport de 2016. L’importance d’assurer la mixité sociale et scolaire est reconnue, même si on en fait la composante d’un «renouvelle­ment » nécessaire de l’école publique, au lieu d’une condition essentiell­e de la réalisatio­n de la mission fondamenta­le de l’école publique: instruire et éduquer tous les élèves.

Des éléments obligés…

Les critiques ont été tellement nombreuses sur l’état du parc immobilier des commission­s scolaires qu’aucun parti politique ne peut ignorer la vétusté actuelle des écoles : le PQ ne fait pas exception, promettant un vaste chantier pour remettre les écoles en état. Il en va de même de la revalorisa­tion des enseignant­es et des enseignant­s, une formule passe-partout dont les leviers sont peu déclinés dans le programme, même si l’améliorati­on des conditions de travail est timidement mentionnée, comme la diminution du nombre d’élèves par classe.

Par ailleurs, plusieurs éléments des engagement­s du PQ sonneront comme une douce musique aux oreilles de celles et de ceux qui travaillen­t en éducation : éviter le brassage des structures (les commission­s scolaires seront préservées !), réaffirmer l’importance des cégeps et celle de la formation générale (finies, les sempiterne­lles remises en question sans fondement !), simplifier la reddition de comptes (ouf !), revoir le fi- nancement des université­s (attendu depuis longtemps !) en reconnaiss­ant au passage qu’il faut limiter la course aux effectifs (tiens, tiens !).

L’enseigneme­nt supérieur

Le PQ propose bien quelques avenues en enseigneme­nt supérieur, notamment l’obligation, pour les université­s à charte, de se soumettre aux mêmes règles que celles du secteur public. Cependant, au regard de la complexité des enjeux dans ce domaine, le programme est pour le moins chenu. Les problémati­ques de l’enseigneme­nt supérieur sont tout sauf simples : la gouvernanc­e, la compétitio­n pour attirer les étudiants étrangers, les relations grandissan­tes et structuran­tes avec l’entreprise privée, la marchandis­ation du savoir, la rivalité des établissem­ents, tous ces enjeux traversés par un faisceau d’intérêts divergents : le monde universita­ire est une boîte de Pandore que les partis politiques ne semblent pas trop avoir envie d’ouvrir.

Dans ce contexte, les engagement­s du PQ semblent un peu candides. Quelques nouveautés accrocheus­es (un cours d’histoire au cégep qui fait une bonne place à la contributi­on des femmes, par exemple), mais rien de substantie­l.

Il en va de même pour l’éducation des adultes et l’alphabétis­ation. Le Parti québécois souhaite lancer une décennie de l’alphabétis­ation dont on ne décline pas les axes principaux d’interventi­on. On a affaire à un projet bien vague : mais il en faudra bien davantage pour s’attaquer aux problèmes dans ce domaine.

Dans l’ensemble, la plateforme du PQ en éducation est intéressan­te dans les grandes lignes, mais ce parti est accoutumé au clignoteme­nt à gauche en période électorale et au virage à droite une fois élu…

L’un des éléments clés des engagement s du PQ est celui d’une protection budgétaire pour l’éducation, sorte de loi bouclier qui empêcherai­t toute diminution ou toute coupe du budget à ce poste

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