Drôle de père, un film au ton réaliste, doux-amer
Dix ans après Taken, le cinéaste français Pierre Morel reprend la formule, et la féminise
Pierre Morel fait partie de cette frange de cinéastes français pour qui leur nationalité apparaît souvent comme une fatalité : leur pays, c’est le cinéma, et sa capitale, c’est forcément Hollywood.
Personne n’aurait parié gros sur le succès de son premier film «américain» (lire: produit par Luc Besson) avec une vedette comme Liam Neeson, déjà plus très jeune à l’époque et peu associé au cinéma de gros bras. Contre toute évidence, il fut largement récompensé pour son audace, et dix ans plus tard, devant Peppermint, on ne peut s’empêcher de croire qu’il a calibré toutes les composantes de ce thriller pour en faire une copie conforme, à quelques détails près.
Pas tout à fait une star, mais un visage bien connu, Jennifer Garner, elle, a déjà donné dans les prouesses athlétiques, comme pour le fort ennuyeux
Elektra, encore capable de donner quelques bonnes raclées. Et pas question de s’en priver avec cette prévisible histoire de vengeance au coeur de Los Angeles, là où, sous le prisme de Pierre Morel, plus d’armes que d’habitants semblent circuler dans les rues.
Pour cette autre variation du rêve américain qui tourne au cauchemar, rien ne destinait Riley North (Garner, qui parfois ferait frémir Jason Statham) à devenir un clone de Nikita, cette tigresse parisienne incarnée jadis par Anne Paril- laud, même si on nous épargne les détails de sa dure transition de maman éplorée à dure à cuire. Car pour celle qui a vu mourir sous les balles son conjoint et sa fille, le deuil prendra une tournure dramatique lorsqu’elle découvrira que, du policier au juge en passant par les avocats, tous sont soumis au chantage, et aux dollars, du puissant cartel de la drogue qui a assassiné sa famille.
À partir de cette prémisse pessimiste, en accord avec un certain cinéma de la vengeance aveugle et accentué par un climat politique qui n’incite pas tout à fait au dialogue, Peppermint offre l’étalage habituel de prouesses physiques qui ne s’embarrassent jamais de vraisemblance, surtout à l’heure de la tyrannie des superhéros. Cela ne serait en rien choquant si ça ne suintait pas la routine, celle de ces carnages sur l’air du « seule contre tous » ou du « amenez-en, de la racaille, que je lui règle son compte ». Tout cela dans un ballet démocratique où la toge, l’uniforme et l’accent hispanique n’offrent aucune protection devant la furie de celle qui a mis cinq ans à se transformer.
Cette période, très rapidement évoquée par commodité narrative, pourrait sûrement faire l’objet d’une suite, et ce n’est pas un crime de le souligner tant tout dans Peppermint (le titre rappelle les douceurs d’une enfance bafouée) apparaît usiné pour se démultiplier. Et comme cette héroïne semble capable d’être partout à la fois, même en direct avec un simple téléphone sur une chaîne d’information continue, il n’est pas inconcevable qu’elle survive à tous les coups reçus au cours de cette cavalcade californienne. Même si celle-ci s’apparente davantage à un voyage organisé au pays de tous les clichés.
Déchaînée (V.F. de Peppermint)
★★1/2 Thriller de Pierre Morel. Avec Jennifer Garner, Richard Cabral, John Ortiz, John Gallagher Jr. États-Unis, 2018, 102 minutes.