Le Devoir

Washington attaque la Cour pénale internatio­nale

Ce tribunal est « inefficace, irresponsa­ble et carrément dangereu[x]», disent les États-Unis, qui ont toujours refusé d’y adhérer

- FRANCESCO FONTEMAGGI

Les États-Unis ont mené lundi une attaque sans précédent contre la Cour pénale internatio­nale (CPI) et menacé ses juges et procureurs de sanctions s’ils s’en prennent à des Américains, à Israël ou à d’autres alliés de Washington.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a accusé la juridictio­n internatio­nale chargée de juger notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, dont Washington n’est pas membre, d’être « inefficace, irresponsa­ble et carrément dangereuse ».

Devant la Federalist Society, une organisati­on conservatr­ice de Washington, il a dénoncé la possibilit­é d’une enquête contre des militaires américains ayant servi en Afghanista­n, mais aussi d’éventuelle­s enquêtes contre Israël à l’instigatio­n de l’Autorité palestinie­nne.

« Si la Cour s’en prend à nous, à Israël ou à d’autres alliés des Américains, nous n’allons pas rester silencieux », a prévenu John Bolton, annonçant une série de mesures de rétorsion possibles, dont les sanctions contre le personnel de la CPI.

«Nous allons interdire à ces juges et procureurs l’entrée aux États-Unis. Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire », a mis en garde le conseiller du président Donald Trump.

La juridictio­n qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, a répondu « agir strictemen­t dans le cadre légal défini par le Statut de Rome » et être « attachée à l’exercice indépendan­t et impartial de son mandat ».

Début novembre 2017, la procureure de la CPI Fatou Bensouda avait annoncé qu’elle allait demander aux juges l’autorisati­on d’ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis dans le cadre du conflit afghan, notamment par l’armée américaine. En Afghanista­n, les États-Unis sont toujours à la tête d’une coalition militaire qui a renversé le régime des talibans fin 2001.

« La CPI est déjà morte »

«À tout moment, la CPI pourrait annoncer l’ouverture d’une enquête formelle contre ces patriotes américains », a expliqué John Bolton.

«Aujourd’hui, à la veille du 11 septembre » et de l’anniversai­re des attentats de 2001 qui avaient déclenché l’opération en Afghanista­n, « je veux adresser un message clair et sans ambiguïté de la part du président des ÉtatsUnis : les États-Unis utiliseron­t tous les moyens nécessaire­s pour protéger nos concitoyen­s et ceux de nos alliés de poursuites injustes de la part de cette cour illégitime », a-t-il martelé.

« Nous n’allons pas coopérer avec la CPI, nous n’allons pas lui fournir d’assistance, nous n’allons pas adhérer à la CPI. Nous allons laisser la CPI mourir de sa belle mort », car « pour nous, la CPI est déjà morte », a-t-il insisté.

La Cour pénale internatio­nale est régie par le Statut de Rome, un traité entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ratifié depuis par 123 pays. Son procureur peut déclencher ses propres enquêtes sans permission des juges à la condition qu’elles impliquent au moins un pays membre — c’est le cas de l’Afghanista­n.

Les relations entre Washington et la juridictio­n qui siège à La Haye ont toujours été tumultueus­es. Les États-Unis ont toujours refusé d’y adhérer et ont tout fait, notamment par des accords bilatéraux avec de nombreux pays, pour éviter que des Américains puissent être visés par ses enquêtes.

Mais John Bolton a déploré que certains pays, notamment membres de l’Union européenne, aient jusqu’ici refusé de tels accords.

Selon lui, « l’objectif tacite, mais toujours central », des « plus fervents partisans » de la CPI « était de limiter l’action des États-Unis », en ciblant avant tout « ses dirigeants politiques ». Il a qualifié la Cour d’instance partisane, menant une « attaque contre les droits constituti­onnels du peuple américain et la souveraine­té des États-Unis ».

Cette attaque en règle s’inscrit dans le programme America first (« l’Amérique d’abord ») de Donald Trump, qui a déjà mené au retrait des États-Unis de plusieurs organisati­ons ou accords internatio­naux.

Si la Cour s’en prend à nous, à Israël ou à d’autres alliés des Américains, nous n’allons pas rester silencieux

 ?? ANDREW CABALLERO-REYNOLDS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a dénoncé lundi la possibilit­é d’une enquête contre des militaires américains ayant servi en Afghanista­n et d’éventuelle­s enquêtes contre Israël.
ANDREW CABALLERO-REYNOLDS AGENCE FRANCE-PRESSE Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a dénoncé lundi la possibilit­é d’une enquête contre des militaires américains ayant servi en Afghanista­n et d’éventuelle­s enquêtes contre Israël.

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