Le Devoir

L’amour au bout des doigts avec Émilie Bibeau

Le solo autofictio­nnel d’Émilie Bibeau manque encore de substance

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE

Depuis sa sortie du Conservato­ire d’art dramatique de Montréal il y a un peu plus de quinze ans, Émilie Bibeau s’est taillé une place enviable comme comédienne. Ces jours-ci, la créatrice ose s’aventurer sur un nouveau territoire en présentant un premier spectacle de son cru : Chroniques d’un coeur vintage, un solo construit à partir de textes autofictio­nnels qu’elle a initialeme­nt rédigés pour la radio, plus précisémen­t pour l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! à ICI Radio-Canada Première.

Il faut commencer par dire le bonheur que c’est de retrouver la comédienne pour ainsi dire livrée à ellemême, sans autre personnage à défendre que le sien, celui d’une femme au coeur « d’une autre époque », à la fois légère et grave, frivole et profonde, un être attachant, sensible et vif d’esprit qui cherche, comme plusieurs, réconfort et même consolatio­n dans les livres. Sur la scène de la Petite Licorne, dans une robe noire sur laquelle grimpent des fleurs rouges et bleues, elle passe du bureau au micro afin d’appliquer sur ses angoisses, comme autant de baumes, les mots de Cioran, de Colette, de Flaubert, de Barnes et de Laferrière, sans oublier ceux que chante Mike Brant avec tant de conviction.

« Être créatif, c’est accepter sans se resigner, prendre appui sur ce qui est colère, douleur, mais pour aller ailleurs. Grâce à cela même qui fâche, prendre son envol. » Ce sont ces mots, ceux du philosophe français Charles Pépin, qui ont incité Émilie Bibeau à répondre à la souffrance par l’écriture. Malheureus­ement, ses textes, tissés de souvenirs d’enfance et de déboires amoureux, portés par un certain sens de l’observatio­n et un style coloré, s’ils font parfois sourire, s’il arrive qu’ils attendriss­ent, ne s’affranchis­sent guère de l’anecdotiqu­e, quittent rarement le registre des états d’âme.

Le spectacle, qui a connu une première version en 2017 à l’occasion du Festival internatio­nal de la littératur­e, a conservé quelque chose du récital, un caractère statique que la mise en scène de Sophie Cadieux ne parvient pas à briser. On se plaît à croire qu’il s’agit d’une première étape et que la prochaine permettra à l’auteure et comédienne d’aborder plus résolument la vaste question du deuil, qu’il soit amoureux, amical, familial, artistique ou profession­nel, un sujet crucial qu’elle ne touche ici que du bout des doigts.

Chroniques d’un coeur vintage

Être créatif, c’est accepter sans se résigner, prendre appui sur ce qui est colère, douleur, mais pour aller ailleurs. Grâce à cela même qui fâche, prendre son envol. CHARLES PÉPIN

Texte et interpréta­tion : Émilie Bibeau. Mise en scène : Sophie Cadieux.

À La Petite Licorne jusqu’au 21 septembre.

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 ?? ANNIE ÉTHIER ?? Émilie Bibeau passe du bureau au micro afin d’appliquer sur ses angoisses, comme autant de baumes, les mots de Cioran, de Colette, de Flaubert, de Barnes et de Laferrière, sans oublier ceux que chante Mike Brant.
ANNIE ÉTHIER Émilie Bibeau passe du bureau au micro afin d’appliquer sur ses angoisses, comme autant de baumes, les mots de Cioran, de Colette, de Flaubert, de Barnes et de Laferrière, sans oublier ceux que chante Mike Brant.

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