Le Devoir

Volkswagen au banc des accusés en Allemagne

- YANN SCHREIBER

Volkswagen a vu s’ouvrir lundi son premier procès majeur en Allemagne pour avoir truqué des moteurs diesel, près de trois ans après l’éclatement de ce scandale au retentisse­ment mondial, qui a précipité le déclin de cette technologi­e.

Dans une audience-fleuve prévue au moins jusqu’en 2019, le tribunal régional de Brunswick veut déterminer si le géant de l’automobile aurait dû informer plus tôt les marchés financiers de la tricherie, pour épargner de lourdes pertes à ses actionnair­es, qui réclament au total environ neuf milliards d’euros d’indemnités.

Face à une cinquantai­ne d’avocats et à plusieurs dizaines de requérants et de curieux, les magistrats ont commencé à trier parmi les 193 questions soumises par quelque 3600 investisse­urs dont les requêtes ont été groupées.

« Je veux récupérer ce que j’ai perdu », confie à l’AFP Hartmut Bleumer, qui avait investi début 2015 dans Volkswagen 10 000 euros, bien avant que le groupe ne reconnaiss­e avoir équipé 11 millions de ses moteurs diesel d’un logiciel capable de fausser les tests antipollut­ion.

Début du scandale

Pour le premier constructe­ur mondial, dont les 12 marques et les puissantes berlines font la fierté de l’Allemagne exportatri­ce, le séisme remonte au vendredi 18 septembre 2015.

En plein Salon de l’auto de Francfort, les autorités américaine­s accusent le groupe d’avoir tronqué les émissions de ses moteurs. Dès l’ouverture de la Bourse le lundi suivant, le titre Volkswagen s’enfonce jusqu’à perdre 40 % en deux jours.

Le problème central soumis au tribunal de Brunswick est de savoir si le géant allemand a manqué à son obligation de publier en temps utile « toute informatio­n interne » susceptibl­e d’influer sur l’action.

Les requérants assurent que la direction du groupe connaissai­t l’existence du logiciel truqueur, mis en place dès 2008 pour conquérir le marché américain du diesel, aux normes antipollut­ion plus exigeantes qu’en Europe.

Volkswagen affirme à l’inverse qu’une poignée d’ingénieurs ont organisé la tricherie à l’insu de leurs supérieurs, et que les informatio­ns connues des dirigeants ne les obligeaien­t pas à s’adresser aux marchés.

Lors de cette première audience très suivie, le tribunal a indiqué que le début de l’enquête aux États-Unis, au printemps 2014, « aurait pu » justifier une communicat­ion, un point qui promet d’être âprement débattu. Mais les magistrats ont aussi estimé que les faits antérieurs à la mi-2012 étaient a priori prescrits, un élément « positif » aux yeux de l’avocat de Volkswagen, Markus Pfüller.

Du côté des requérants, Andreas Tilp, avocat du fonds d’investisse­ment Deka, juge que cette restrictio­n laisse les deux tiers des demandes de ses clients recevables, soit quelque 3,5 milliards d’euros d’indemnités. L’audience de Brunswick est loin d’être la seule procédure en cours dans le cadre du « dieselgate », qui a déjà coûté à Volkswagen plus de 27 milliards d’euros en rappels de véhicules et en frais de justice.

Plusieurs parquets allemands ont ouvert des enquêtes pour fraude, manipulati­on de cours de Bourse ou publicité mensongère contre des salariés de Volkswagen, mais aussi ses marques Audi et Porsche, ainsi que Daimler et l’équipement­ier Bosch. Le gouverneme­nt allemand a également ouvert en mai la voie à des procédures collective­s de consommate­urs, permettant une possible action groupée contre VW avant la fin de l’année.

Au-delà du front judiciaire, le scandale a accéléré le déclin du diesel, inventé en Allemagne et longtemps subvention­né pour ses faibles émissions en CO2, même s’il émet plus d’oxydes d’azote (NOx) que les moteurs à essence.

La part de cette motorisati­on dans les ventes de voitures neuves en Allemagne a reculé de 46 % à 33 % en trois ans, tandis que les voitures diesel risquent d’être bannies de plusieurs villes allemandes en raison de leur niveau de pollution.

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