Un Donovan froid et stylé
Dolan présente un film classique et dépouillé, sans le tonus habituel
Il est toujours impressionnant d’assister à la première d’un film québécois dans les beaux palaces de la Ville Reine. Le baroque Winter Garden, jumelé au Elgin, est le plus rococo et exubérant de tous. Lundi, les bonzes du milieu, les journalistes et le public s’y étaient rués pour découvrir The Death and Life of John F. Donovan, de Xavier Dolan. Le cinéaste a lu la lettre d’admiration qu’il avait envoyée à huit ans à Leoardo DiCaprio, après avoir vu Titanic, une des inspirations de son scénario.
Lent à mettre au monde, le septième long métrage de Dolan, applaudi avec chaleur, mais moins longtemps que ses précédents, pouvait surprendre. Loin de la vitalité de Mommy, de l’onirisme poétique de Laurence Anyways, Donovan avance en terrain plus classique, à pas feutrés.
Les spectateurs qui, après les retards et plusieurs montages, s’attendaient à une catastrophe seront déçus. Ceux qui recherchaient une oeuvre coup-de-poing aussi. Sans la charge émotive habituelle et le poids d’audace, sur des images stylées, à travers une toile complexe, un impressionnant montage, mais sous effets contenus et à bribe retenue, Xavier Dolan livre un beau film qu’on aurait aimé sentir palpiter davantage. L’univers du cinéaste est au poste : ses amours imaginaires, ses mères coupées et reliées à leurs fils, ses affrontements et ses fuites, sous la caméra impeccable, sensible et lumineuse d’André Turpin et les choix musicaux toniques, sans les tics du cinéaste, mais sans lyrisme supérieur ni humour non plus.
Cet univers de transmission, d’admiration, de gloire, d’intimidation, de douleur et de rédemption aborde deux lignes de destin. De Londres, le petit Rupert (Jacob Tremblay) entreprend une correspondance épistolaire avec l’acteur célèbre John F. Donovan à l’insu de sa mère (Natalie Portman). Leur tandem dynamique constitue une ligne de force, grâce au jeu des interprètes et aux paradoxes de cette relation.
Donovan à New York est incarné par Kit Harington, en manque d’intériorité. Ses amours pas toujours convaincantes, sa mère alcoolique, kitsch, frustrée et émotive, bien campée mais sans vraies étincelles par Susan Sarandon, son agente sans coeur (Kathy Bates, trop vite disparue) s’insèrent dans un scandale fabriqué qui causera sa chute. On peine à s’identifier toutefois aux dérives du personnage.
Une entrevue menée des années plus tard à Prague par une journaliste (exceptionnelle Thandie Newton) auprès de Rupert devenu adulte (Ben Schnetzer, habité et convaincant) ponctue le film, lui conférant le même type de respiration hantée, en survol d’époques, que Laurence Anyways.
Donovan porte en lui un blues malgré un dénouement d’espoir, une détresse de solitude qui n’ose vraiment chavirer, des beautés formelles, des références cinématographiques nombreuses, des séquences de vérité. Ce choix du cinéaste de couper les scènes poétiques ou bouleversantes au profit d’une tonalité plus sobre offre au film une unité et une distanciation, tout en diluant sa charge. Sans avoir signé son meilleur opus malgré ce gros budget, Xavier Dolan y a exploré une voie nouvelle en se délestant aussi d’effets et d’affects trop collés à son nom pour ne pas devenir des boulets, mais on s’ennuie de ses fulgurances.
Donovan porte en lui un blues malgré un dénouement d’espoir, une détresse de solitude qui n’ose vraiment chavirer, des beautés formelles, des références cinématographiques nombreuses, des séquences de vérité