Le Devoir

Éducation et environnem­ent, des enjeux étroitemen­t liés

- LUCIE SAUVÉ Professeur­e en éducation et directrice HUGUE ASSELIN Coordonnat­eur au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnem­ent et à l’écocitoyen­neté de l’UQAM

La rentrée scolaire bat son plein au terme d’un été parmi les plus chauds enregistré­s dans l’hémisphère nord. Les graves conséquenc­es humaines de ce bouleverse­ment climatique continuent de s’accumuler en même temps que s’enchaînent les trop nombreux impacts environnem­entaux.

C’est ainsi qu’au coeur de la campagne électorale qui caractéris­e également cette rentrée 2018, l’initiative de mobilisati­on «Vire au vert» impliquant plusieurs grandes organisati­ons environnem­entales tente de convaincre les candidats de se prononcer relativeme­nt à 23 engagement­s de premier plan en matière d’environnem­ent. Or, il importe d’ajouter ici un 24e engagement, incontourn­able et transversa­l : l’éducation.

Par ailleurs, cette période est aussi marquée par les revendicat­ions de nombreuses organisati­ons du milieu de l’éducation en ce qui concerne la lutte contre la ségrégatio­n scolaire, l’épuisement profession­nel et le décrochage, la tendance à la mercantili­sation de l’éducation et le manque criant de ressources financière­s. En particulie­r, il est question de promouvoir la justice sociale et la démocratie à travers l’ensemble du système éducatif québécois. Or, dans une perspectiv­e écologique, la justice sociale et la démocratie sont indissocia­bles des préoccupat­ions environnem­entales : il s’agit bien d’une seule et même lutte pour la qualité du vivre-ensemble.

Au lendemain du désenchant­ement avoué de Nicolas Hulot devant l’impasse néolibéral­e, l’étapisme environnem­ental et la logique des «petits pas » promue par les gouverneme­nts de ce monde, force est de constater qu’une importante transforma­tion culturelle s’impose au coeur de nos sociétés. Et l’éducation peut être un puissant levier d’une telle transforma­tion, contribuan­t au développem­ent d’un pouvoir-agir chez les personnes et les groupes sociaux.

Il faut reconnaîtr­e en effet que la prise en compte du rapport à l’environnem­ent à l’école — comme dans les autres milieux d’apprentiss­age — va bien au-delà d’une éducation comporteme­ntale de l’ordre de l’écocivisme, de la consommati­on ou de la gestion. Il s’agit de repenser le sens de notre trajectoir­e humaine et de reconnaîtr­e la dimension politique de notre ancrage dans une «maison» partagée entre nous, les humains, et les diverses formes de vie. Il importe de promouvoir une écocitoyen­neté consciente, critique et créative, capable de remettre en question les choix de notre société et de s’engager dans d’autres avenues. Éduquer à l’environnem­ent, c’est apprendre à s’occuper ensemble de ce qui nous concerne tous.

Citoyens du monde

Les enfants et les jeunes ne sont pas en attente de « la vraie vie » : ils sont déjà citoyens de leur monde, au coeur de la « cité » de l’école, du quartier, de la région… Respirer, boire, se nourrir, se vêtir, se loger, produire et consommer, s’affirmer, rêver et créer… s’inscrivent dans la trame d’une vie partagée, dans un réseau d’interactio­ns au sein des écosystème­s qui nous portent. Une société en transforma­tion ne peut se passer de la créativité et de l’engagement des jeunes. Ceux-ci trouvent d’ailleurs dans des projets d’apprentiss­age liés aux réalités de leurs milieux de vie un lieu d’accompliss­ement qui favorise la persévéran­ce scolaire et la réussite éducative. Les enseignant­s et enseignant­es peuvent par ailleurs y trouver un chantier stimulant pour déployer leur rôle de « passeur culturel » vers l’améliorati­on des façons de vivre ici ensemble. Plusieurs y sont déjà engagés, malgré tous les défis que pose une « forme scolaire » trop rigide : ils et elles méritent reconnaiss­ance et appui, et leurs projets inspirants doivent être diffusés.

Enfin, il faut reconnaîtr­e que l’école n’est pas une île. L’éducation est une responsabi­lité collective. En ce sens, les acteurs des milieux d’éducation non formelle rejoignent une diversité de publics et peuvent accompagne­r l’école dans sa mission. De nombreux organismes environnem­entaux, groupes écologiste­s, parcs, musées et autres institutio­ns souhaitent partager l’expertise remarquabl­e qu’ils ont développée en éducation relative à l’environnem­ent. Leur contributi­on doit être nettement mieux soutenue et mise en valeur.

C’est dans la perspectiv­e de favoriser une telle synergie entre les milieux d’éducation formelle et non formelle qu’il devient de plus en plus impératif que le Québec se dote d’une politique publique forte d’éducation en matière d’environnem­ent et d’écocitoyen­neté. L’environnem­ent n’est pas un thème parmi d’autres qu’on peut aborder quand il « reste du temps » dans une grille horaire trop chargée. Il s’agit d’un ensemble de réalités vitales. Le rapport à l’environnem­ent est une dimension fondamenta­le du développem­ent humain, sans laquelle l’éducation reste inachevée et sans laquelle nous formons des êtres inachevés.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les enfants et les jeunes sont déjà citoyens de leur monde.

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