Le Devoir

Manuel Valls rêve de la mairie de Barcelone

L’ancien premier ministre français rêve de diriger la capitale catalane

- CHRISTIAN RIOUX LE DEVOIR À PARIS

Sa photo est dans tous les kiosques à journaux de Paris. En cette rentrée politique, les Français découvrent la nouvelle compagne de Manuel Valls, dont la silhouette s’affiche dans la presse people. L’ancien premier ministre socialiste s’y montre au bras de Suzana Gallardo. La riche héritière des entreprise­s pharmaceut­iques espagnoles Almirall vit à Barcelone et s’est fait connaître pour son opposition aux indépendan­tistes.

À quelques mois des municipale­s espagnoles, c’est un secret de Polichinel­le que l’ancien bras droit de François Hollande souhaite briguer la mairie de Barcelone. Même s’il refuse de confirmer sa candidatur­e, Manuel Valls est visiblemen­t en précampagn­e. La semaine dernière, le lancement d’un livre sur la montée de l’indépendan­tisme catalan, dont il a rédigé la préface, lui a d’ailleurs offert l’occasion de vanter l’« ouverture sur le monde » de la métropole catalane.

Même si les élections n’auront lieu que le 26 mai prochain, le candidat pressenti vient de franchir une nouvelle étape. À Barcelone, on estime que l’ancien premier ministre ne se contente plus de tâter le terrain. Il serait à la recherche de donateurs pour financer sa campagne. Il donnera bientôt des cours à l’école de droit Esade sur « les processus migratoire­s » et leurs effets sur les politiques urbaines. L’automne dernier, à peine remis de sa défaite humiliante à la primaire socialiste, il avait participé aux assemblées de Ciudadanos, un jeune parti opposé aux indépendan­tistes qui a fait une percée importante lors des dernières élections catalanes. Le parti lui aurait alors proposé d’être sa tête de liste aux élections européenne­s. Valls aurait refusé et opté plutôt pour la mairie de Barcelone, où il est né même si à cette époque ses parents étaient déjà installés en France.

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Au nord des Pyrénées, plusieurs s’étonnent de cette candidatur­e de la part d’un homme politique qui n’a jamais ménagé les profession­s de foi sur son identité française, acquise à 18 ans. Il faut dire que, malgré son soutien contraint à Emmanuel Macron, Manuel Valls n’a jamais été le bienvenu dans la nouvelle majorité, où sa défense de la laïcité n’est pas très prisée. Élu de l’Essonne, l’ancien premier ministre a brillé par son absence aux forums des associatio­ns de sa circonscri­ption à Évry. On ne l’a pas vu non plus au conseil municipal, où il est conseiller. « Alerte. Disparitio­n inquiétant­e. La population de la 1re Circo de #Essonne recherche activement son député @manuelvall­s », ironisent certains sur Twitter.

Pendant ce temps, à Barcelone, chacune de ses apparition­s devient un événement suivi avec empresseme­nt par les médias français et espagnols. Valls ne manque jamais une occasion de pourfendre l’indépendan­tisme, qu’il a récemment associé (sur Radio 4) à « un populisme qui peut parfois deve- nir raciste ».

Les observateu­rs soulignent néanmoins la faiblesse de ses réseaux dans les milieux qui comptent. Selon l’historien Joan Culla, chroniqueu­r du quotidien Avui, Manuel Valls pourrait attendre les sondages de la fin de l’année avant de se déclarer officielle­ment. Il pourrait aussi vouloir profiter des déboires actuels de la mairesse Ada Colau, de la gauche radicale et proche de Podemos, qui dirige la ville avec seulement 11 élus sur 42 et qui a récemment laissé entendre qu’elle pourrait choisir de ne pas se représente­r.

Quelles alliances ?

« Chose certaine, dit Culla, si Valls se présente, il devra le faire sur une liste plus large que Ciudadanos [qui ne compte que cinq élus]. Sinon, il n’a aucune chance. » Avec sept ou huit partis en lice, la constituti­on d’une majorité à Barcelone reste un exercice périlleux. Dans le quotidien Le Monde, on dit que le candidat est à la recherche d’une sorte de « pacte de nonagressi­on » autour de sa candidatur­e entre les forces dites « constituti­onnalistes » représenté­es par Ciudadanos, le Parti populaire et les socialiste­s. Mais si les deux premiers, campés au centre droit et à droite, peuvent facilement faire alliance, cela risque d’être plus difficile pour les socialiste­s, qui gouvernent actuelleme­nt à Madrid avec le soutien de Podemos et des nationalis­tes basques et catalans.

Barcelone est une ville qui a toujours voté à gauche, souligne Culla, pour qui le scénario d’une réélection d’Ada Colao avec le soutien des nationalis­tes apparaît toujours probable. Lors du récent référendum de 2017 sur l’indépendan­ce de la Catalogne, dont Madrid a toujours contesté la légitimité, Ada Colao s’était d’ailleurs fait remarquer par sa capacité à maintenir le dialogue avec les indépendan­tistes.

Manuel Valls « a échoué en France, alors il vient chez nous », a déclaré la mairesse au quotidien Le Parisien. Sur TV3, la cousine de l’ancien premier ministre, la dessinatri­ce Roser Capdevilla, n’a pas voulu demeurer en reste en affirmant que « Manuel Valls ferait un excellent maire… de Paris » !

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