Le Devoir

Les vétérans francophon­es doivent s’armer de patience

Le ministère des Anciens Combattant­s met deux fois plus de temps à répondre à leurs requêtes qu’à celles des anglophone­s

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Les vétérans francophon­es doivent attendre deux fois plus longtemps que leurs collègues anglophone­s avant de savoir si le fédéral leur rembourser­a leurs dépenses en santé. Un constat « totalement injuste et inacceptab­le », déplore l’ombudsman des vétérans. Une situation « impardonna­ble », renchériss­ent syndicat et militants de la langue française.

En examinant les délais de traitement de quelque 1000 demandes de prestation d’invalidité, le bureau de l’ombudsman Guy Parent a découvert une iniquité : alors que les vétérans anglophone­s patientent en moyenne 24 semaines avant de savoir si le ministère des Anciens Combattant­s leur rembourser­a des soins de santé, les demandeurs francophon­es attendent quant à eux 45 semaines en moyenne — soit cinq mois de plus. L’ombudsman remarque, dans un rapport rendu public mercredi, que c’est à l’étape de la prise de décision que les demandes des francophon­es — environ 15% du total — accusent un retard.

Pourtant, 18 % des infirmière­s et 28 % des arbitres qui étudient les dossiers sont suffisamme­nt bilingues pour traiter les réclamatio­ns rédigées en français. « Les ressources sont en place pour répondre à la demande et, pourtant, il y a encore un écart, observe le rapport. Il n’est pas clair si les ressources en personnel sont suffisante­s ou si les personnes les plus compétente­s en français sont affectées en priorité aux demandes rédigées en français. »

Le bureau de l’ombudsman n’a pas pointé la cause de cette disparité. Il somme cependant le ministère de corriger la situation. Ce que promet de faire le bureau du ministre des Anciens Combattant­s, Seamus O’Reagan, qui a lui aussi qualifé la situation d’« inacceptab­le ». Son ministère promet la création de six nouveaux postes d’infirmière­s pour créer une «unité francophon­e» à Montréal qui aura pour mandat d’étudier exclusivem­ent les demandes en français afin d'accélérer leur traitement des demandes en français.

« Suprématie anglophone »

L’Alliance de la fonction publique canadienne réclamait justement le recrutemen­t d’employés francophon­es et l’offre de cours de français. Le ministre a acquiescé, mais la vice-présidente de l’AFPC, Magali Picard, s’explique mal que ce ne soit pas encore fait étant donné que le manque de services francophon­es pour les vétérans est connu et dénoncé depuis longtemps. « Au ministère des Anciens Combattant­s, la situation est pathétique, argue Mme Picard, qui y a travaillé. On parle de gens qui reviennent avec souvent des problèmes de santé aigus, et ces gens-là ne sont pas capables d’être pris en charge par le ministère. »

Les demandes de prestation­s d’invalidité permettent aux vétérans de faire reconnaîtr­e leurs problèmes de santé par le ministère, pour ensuite avoir accès au remboursem­ent de divers soins. «Durant cette période d’attente [de traitement du dossier], les gens n’ont pas accès aux prestation­s ou aux soins de santé auxquels ils devraient accéder », explique Guy Parent.

Le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte, lit dans le rapport de l’ombudsman « la démonstrat­ion que le bilinguism­e officiel à la canadienne est au mieux un voeu pieux, sinon une chimère puisque le fait est que les minorités francophon­es au Canada se trouvent systématiq­uement désavantag­ées ».

Jean-Paul Perreault, président du groupe Impératif français, trouve « horribleme­nt révoltant » que des vétérans soient victimes d’un tel «mépris ». Une discrimina­tion généralisé­e au sein de la fonction publique fédérale, argue-t-il, en l’attribuant à un «manque de volonté politique de la part du gouverneme­nt canadien, tous partis confondus ».

Les femmes aussi

L’ombudsman des vétérans indique en outre que les demandes d’invalidité des anciennes combattant­es sont traitées moins rapidement que celles de leurs collègues masculins : 32 semaines en moyenne pour les dossiers de femmes contre 28 semaines pour ceux des hommes. Là encore, Guy Parent n’a pas indiqué la cause de cet écart. Son rapport note cependant que la gravité des cas — et la vitesse à laquelle ils sont étudiés — est peut-être liée aux postes qui sont occupés à majorité par des hommes.

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ANDREW VAUGHAN LA PRESSE CANADIENNE Un rapport de l’ombudsman des vétérans juge sévèrement l’iniquité de traitement entre les anglophone­s et les francophon­es.

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