Le Devoir

Ambitieux projets, vagues échéancier­s

- ROBERT DUTRISAC

Les quatre partis rivalisent de promesses ambitieuse­s en matière de mobilité durable. On peut y voir une reconnaiss­ance politique que la lutte contre les changement­s climatique­s mais aussi la décongesti­on de la circulatio­n dans les régions de Montréal et de Québec passent par des réalisatio­ns majeures en matière de transport collectif. Le passé étant garant de l’avenir, on peut toutefois douter du réalisme de ces engagement­s, surtout de leur échéancier, à moins qu’ils ne s’appuient sur un profond changement des mentalités.

Le Parti libéral a dévoilé mardi sa propositio­n d’assurer la gratuité du transport en commun pour les étudiants et les aînés. Pour ces tranches de la population, l’engagement libéral est même plus généreux que celui de Québec solidaire qui, de son côté, projette de réduire les tarifs de moitié.

Évaluée à 200 millions par an, la promesse libérale est séduisante parce qu’elle est parfaiteme­nt réalisable. Elle aurait un effet structuran­t sur les réseaux de transport en commun, appelés à améliorer leur offre de service pour répondre à une fréquentat­ion accrue, ce qui ne manquerait pas de bénéficier à d’autres usagers. À Sherbrooke, depuis 15 ans, le transport en commun est gratuit pour les étudiants. Pas tout à fait puisque c’est essentiell­ement l’ensemble des étudiants de cette ville universita­ire, qu’ils soient des usagers ou non, qui en paie le coût par le truchement de frais accessoire­s ajoutés aux droits de scolarité, une forme de socialisat­ion des coûts du transport collectif.

Mais l’effet est le même que celui d’une véritable gratuité. Selon la Société des transports de Sherbrooke, la mesure a entraîné une hausse de la fréquentat­ion de plus de 8 % et une offre de service plus étendue.

Évidemment, cette gratuité limitée, qu’on aurait tort de généralise­r puisque c’est l’améliorati­on du service qu’il faut viser avant tout, n’est qu’une goutte dans l’océan.

De leur besace électorale, tous les partis ont tiré des investisse­ments à long terme dans le transport collectif. Avec des échéancier­s nébuleux. Ainsi, le Parti libéral s’est engagé à construire la ligne rose, chère à la mairesse Valérie Plante, sans fixer de date. Le projet n’en est d’ailleurs qu’aux études de préfaisabi­lité. La Coalition avenir Québec a rejeté le projet et n’est disposée qu’à envisager, pour ce trajet, un mode de transport moins coûteux, comme un tramway. Le Parti québécois a aussi exprimé des réserves au sujet de la ligne rose, effrayé par l’ampleur des coûts.

Quand il est question d’engagement­s visant des projets aussi considérab­les, le scepticism­e est de mise. Il est bon de rappeler que le prolongeme­nt de la ligne bleue du métro de Montréal, reporté à maintes reprises, a été annoncé une première fois en… 1991. L’année de son entrée en service est maintenant arrêtée — du moins, nous l’espérons —, soit 2026. Évalué à près de 4 milliards, le projet compte cinq stations ; la ligne rose, quant à elle, en comte 29.

Fidèle à sa démarche, Québec solidaire a dévoilé un grandiose plan de mobilité pour la région de Montréal, un idéal dans lequel rien ne manque. Le « Grand Montréal Express », pour reprendre le vocable choisi, compte 6 nouvelles lignes de transport et 38 nouvelles stations de métro (dans la phase 1, précise-t-on). La note : 25 milliards répartis sur 12 ans, une somme qui apparaît sous-évaluée.

Le PQ n’est pas en reste avec son « grand déblocage » qui consiste à remplacer le Réseau express métropolit­ain (REM) par 21 projets de tramways, de trains de banlieue et d’autobus express qui s’étendent dans les couronnes nord et sud. Le hic, c’est qu’il est bien tard pour mettre la hache dans le REM, ce qui rend bien aléatoire le projet péquiste de 7,4 milliards.

Quant à la CAQ, qui se targue de pragmatism­e, elle propose un « Plan de décongesti­on » de 10 milliards qui comprend un tramway pour l’est de Montréal et le prolongeme­nt du REM sur les rives sud et nord. Or au moins 4 milliards iraient à la constructi­on d’un troisième lien à l’est entre Québec et Lévis, sans compter le prolongeme­nt des autoroutes 13 et 14 au nord de Montréal et l’élargissem­ent de la 30 sur la Rive-Sud. En ce sens, la CAQ est le parti de la continuité.

Prenons ces engagement­s pour ce qu’ils sont : de grandes orientatio­ns dont la réalisatio­n nécessiter­a des années d’étude et un financemen­t imaginatif. Mais si le Québec est sérieux dans sa volonté de lutter contre les changement­s climatique­s et de contrer la congestion, il doit adopter un modèle de développem­ent urbain qui repose beaucoup moins sur l’automobile individuel­le. Il s’agit là d’un projet de société que seule une inébranlab­le volonté politique, qui traduirait une réelle volonté populaire, peut porter.

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