Le Devoir

Décrochage électoral des millénaria­ux : à qui la faute ?

- Julie Caron-Malenfant Directrice générale de l’Institut du Nouveau Monde Claude Gagnon Président des opérations de BMO Groupe financier pour le Québec

Dans un texte publié dans L’état du Québec 2015, le titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutio­ns parlementa­ires, François Gélineau, démontre que les millénaria­ux formeront le tiers de l’électorat à l’élection provincial­e du 1er octobre prochain.

Les jeunes semblent toutefois peu enthousias­tes à l’idée d’exercer leur droit vote, comme le montre la baisse constante de leur taux de participat­ion. Depuis le début des années 1980, les 18-34 ans votent non seulement moins que leurs aînés, mais la tendance pointe vers un décrochage électoral de plus en plus marqué. Alors que le taux de participat­ion de cette cohorte d’électeurs avoisinait les 70 % au milieu des années 1980, il a atteint un creux historique en 2008, à moins de 40 %. Au dernier scrutin provincial, son taux de participat­ion était légèrement sous la barre des 60 %.

Cyniques, les jeunes ?

Un sondage exclusif Léger-Institut du Nouveau Monde (INM)* mené en juin dernier auprès de millénaria­ux nous permet de mieux comprendre les causes de leur décrochage électoral. C’est ainsi que 85 % des répondants ont affirmé leur attachemen­t à la démocratie, et que 77 % d’entre eux estiment importante l’action de voter. Ces chiffres sont encouragea­nts. Or, seulement 49 % des jeunes considèren­t que le vote peut changer les choses, exprimant à 70% du cynisme envers la classe politique. Pour les trois quarts des millénaria­ux, c’est l’incapacité des élus à tenir leurs promesses qui est la cause principale du manque de confiance envers les politicien­s.

Les jeunes considèren­t également que la démocratie traverse ce que certains politologu­es appellent une « crise de la représenta­tion ». La jeunesse, à 71 %, ne se reconnaît pas dans ses politicien­s et ne se sent pas interpellé­e par les débats sociaux et politiques. La politique partisane peine de plus en plus à attirer les jeunes.

Une responsabi­lité partagée

Les jeunes ne sont toutefois pas désintéres­sés de la chose publique pour autant. Une vaste majorité des répondants estime d’ailleurs avoir des solutions novatrices aux enjeux sociaux et avoir la capacité de réformer la politique. Quelque chose ne semble pas fonctionne­r et nous avons collective­ment la responsabi­lité d’y remédier.

C’est dans cette perspectiv­e que l’INM et BMO — par la mise sur pied d’un groupe d’action formé de leaders de la société civile et du milieu des affaires — s’attaquent au décrochage électoral des millénaria­ux. En délaissant les messages traditionn­els qui invitent les jeunes à s’intéresser à la politique, et en invitant plutôt la politique à s’intéresser aux jeunes.

En vue du scrutin du 1er octobre, nous lançons une campagne publique de sensibilis­ation auprès des politicien­s sur les causes du cynisme des jeunes. L’objectif : pousser les candidats et les partis qu’ils représente­nt à faire des efforts pour s’intéresser aux millénaria­ux et, du fait même, à susciter leur intérêt. Parallèlem­ent, nous visitons des entreprise­s de plusieurs régions pour animer des ateliers auprès des jeunes travailleu­rs, précisémen­t pour échanger sur l’importance du vote. Après les élections, nous poursuivro­ns notre travail. Car c’est dans la durée que nous obtiendron­s des résultats.

Nous avons le devoir de renverser le déclin de la participat­ion électorale des millénaria­ux. Nous avons espoir que notre action contribuer­a à mettre en place un dialogue constructi­f et positif entre les jeunes et les politicien­s.

* Sondage Web réalisé du 6 au 12 juin 2018 auprès de 1508 Québécois âgés de 18 ans ou plus et pouvant s’exprimer en français ou en anglais. Les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de la région, de la langue, de l’âge, du niveau de scolarité et de la présence d’enfant(s) dans le ménage, selon les données de Statistiqu­e Canada.

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