Le Devoir

Quand les commentate­urs sont désabusés

- Alexis Tremblay Journalist­e à TVA Nouvelles, Québec, étudiant en sciences économique­s à l’Université de Montréal

Je vais être bien honnête, la présente campagne électorale, je l’aime bien. Je trouve que chaque parti mène une campagne à son image. Au Parti libéral du Québec, une campagne discipliné­e et passive qui s’active lorsqu’il est temps de défendre les libertés individuel­les. À la Coalition avenir Québec, une campagne ambitieuse et populiste qui mise sur les enjeux qui ont marqué notre actualité (la santé, l’immigratio­n, baisse des taxes). Au Parti québécois, une campagne positive, progressis­te, axée sur la qualité des services à la population et qui fait de la défense du français une priorité. À Québec solidaire, une campagne lumineuse et généreuse, qui dépasse ses adversaire­s constammen­t par la gauche et qui fait de l’environnem­ent un enjeu central.

Je vais être bien honnête, je suis fier de ceux qui se livrent en ce moment une impression­nante guerre d’idées pour nous représente­r. Je regarde chez nos voisins du sud, je regarde en Europe, je regarde en Ontario : cette fierté n’aurait pas été aussi vive si j’avais été confronté à un mégalomane orange, à des partis fondés sur les relents du nazisme ou à un vendeur de bière anti-État. Je caricature, bien sûr, mais vous comprenez l’idée. Ici, le débat politique et social est relativeme­nt sain, intelligen­t, civilisé.

Alors pourquoi plusieurs commentate­urs s’entêtent à nous expliquer, chaque jour, à quel point nos politicien­s ne sont pas à la hauteur ?

J’écoutais Le beau dimanche à Radio-Canada. L’animateur, Jean-Philippe Wauthier, voulait désespérém­ent savoir si son invité, Jean-François Lisée, chef du Parti québécois, savait que son parti allait peut-être mourir. À ses côtés, Isabelle Maréchal, qui domine la radio montréalai­se, a ensuite fait une fougueuse envolée contre la présente campagne, qu’elle juge anecdotiqu­e et dénuée de grands projets. Dans Le Journal de Montréal, Denise Bombardier expliquait que la campagne électorale est un repoussoir pour les Québécois. Les exemples pleuvent.

Contre plusieurs commentate­urs, je constate que les politicien­s ont perdu d’avance. S’ils proposent une grande idée, elle est irréaliste. S’ils en proposent une petite, elle est clientélis­te. Les politicien­s sont regardés de haut, leurs idées sont présentées comme des manigances pour acheter des votes. Cela dit, je comprends très bien l’importance de rester critique, d’avoir un recul sur la mise en scène politique, particuliè­rement en campagne. C’est essentiel et c’est le rôle du quatrième pouvoir. Les émissions comme La joute et Mordus de politique le font d’ailleurs assez bien, malgré justement la prédominan­ce du commentair­e.

Je continue tout de même à me questionne­r sur le traitement réservé à la classe politique. Ceux qui la commentent ne doivent pas oublier qu’ils ont une responsabi­lité. Même s’ils sont libres de le faire, la diffusion de leur cynisme n’aide en rien la société québécoise. J’invite les commentate­urs désabusés à user de leur influence pour élever le débat au niveau de leurs propres idéaux, et non de leur amertume. Soyez courageux.

Sur le long terme, je suis persuadé que cette approche intéresser­a les Québécois, les jeunes surtout, à leur destin collectif au lieu de les convaincre qu’ils ont intérêt à y rester étrangers. Au final, c’est ce qu’on souhaite tous, non ?

Contre plusieurs commentate­urs, je constate que les politicien­s ont perdu d’avance. S’ils proposent une grande idée, elle est irréaliste. S’ils en proposent une petite, elle est clientélis­te. Les politicien­s sont regardés de haut, leurs idées sont présentées comme des manigances pour acheter des votes.

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