Le Devoir

Le droit d’auteur européen en voie de réforme

Les eurodéputé­s ont donné leur feu vert à un texte qui impose aux géants du Web de rétribuer artistes et journalist­es

- CÉLINE LE PRIOUX

Le Parlement européen a voté mercredi en faveur de la très délicate réforme du droit d’auteur, au grand dam des géants du Net, désormais censés passer à la caisse pour les contenus artistique­s et les articles qu’ils utilisent.

Artistes et éditeurs de presse, partisans d’une modernisat­ion des règles pour stopper le pillage des plateforme­s en ligne dont ils s’estiment victimes, ont applaudi à cette décision vivement critiquée par les entreprise­s du numérique et activistes de la liberté sur Internet.

Depuis sa présentati­on il y a quasiment deux ans — le 14 septembre 2016 — par la Commission européenne, ce projet de directive a fait l’objet d’une féroce bataille par lobbyistes interposés.

«C’est un vote historique pour la presse et la démocratie », se sont félicitées ensemble les associatio­ns européenne­s des éditeurs de journaux et des magazines, ENPA et EMMA, tandis que CCIA, le lobby de l’industrie numérique, accusait le projet de réforme de « saper la liberté d’expression et l’accès à l’informatio­n ».

Réunis mercredi en plénière dans une ambiance électrique à Strasbourg, les eurodéputé­s ont avalisé une nouvelle version du texte rejeté le 5 juillet dernier, qui crée notamment un nouveau « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse.

Sur les 703 eurodéputé­s présents, le texte a été adopté avec 438 votes pour, 226 contre et 39 abstention­s.

D’autres étapes à franchir

Ce vote ouvre la voie aux négociatio­ns avec le Conseil de l’Union européenne (représenta­nt les 28 États membres, déjà parvenus à un compromis le 25 mai) et la Commission européenne, afin de s’entendre sur un texte définitif.

Le principe de la réforme est d’inciter les plateforme­s, comme YouTube détenu par Google, à mieux rétribuer les artistes, créateurs de contenus (article 13). Pour dissiper les inquiétude­s de certains, qui craignaien­t un danger pour l’innovation, la version du texte fi- nalement votée mercredi par les eurodéputé­s exclut du champ d’applicatio­n les petites et microplate­formes.

Sur le « droit voisin » du droit d’auteur (article 11), autre point majeur de la réforme qui doit permettre aux journaux ou agences comme l’AFP de se faire rémunérer lors de la réutilisat­ion en ligne de leur production, le texte de mercredi a tenté également de répondre à certaines préoccupat­ions des défenseurs de la liberté d’expression.

Ainsi, le simple partage d’hyperliens vers des articles (qui renvoient à une autre page Web grâce à un clic sur un mot) ainsi que de mots isolés pour les décrire sera libre de toute contrainte de droit d’auteur.

Le vice-président de la Commission européenne, Andrus Ansip, et la commissair­e à l’Économie numérique, Ma- riya Gabriel, se sont félicités de ce vote positif.

« C’est un signal fort et positif et une étape essentiell­e pour achever notre objectif commun de moderniser les règles du droit d’auteur dans l’Union européenne», ont-ils estimé dans un communiqué commun.

Selon eux, « la Commission est prête à travailler avec le Parlement européen et le Conseil afin que la directive soit approuvée le plus vite possible, idéalement d’ici la fin de 2018 », soit quelques mois avant les élections européenne­s de mai 2019.

Les discussion­s à huis clos, entre les représenta­nts du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, appelées «trilogues» dans le jargon de l’UE, peuvent prendre plusieurs mois, car elles doivent déboucher sur un texte de compromis entre les deux colégislat­eurs et l’exécutif européen. Ce document devra ensuite à nouveau être soumis au vote du Parlement.

« Avec le vote d’aujourd’hui, le financemen­t de la culture se soumet à l’économie de la surveillan­ce de masse », a déploré l’Associatio­n française de défense des internaute­s, La Quadrature du Net.

Parmi les partisans de la réforme, le président français, Emmanuel Macron, qui était déjà monté au créneau avant le vote, a salué « une grande avancée pour l’Europe ».

« Le droit d’auteur protège, c’est notre liberté, notre informatio­n libre, notre création culturelle qui sont reconnues. Je suis fier que la France ait été à la pointe de ce combat », a-t-il commenté sur Twitter.

Parmi les partisans de la réforme, le président français, Emmanuel Macron, a salué « une grande avancée pour l’Europe »

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FREDERICK FLORIN AGENCE FRANCE-PRESSE L’adoption du texte, mercredi, était une victoire pour l’eurodéputé allemand Axel Voss, qui défend le projet depuis deux ans.

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