Le Devoir

Bilan et perspectiv­es

- STÉPHANE GAGNÉ

Les régimes publics de retraite ont beaucoup évolué depuis 90 ans. Ils sont aujourd’hui plus généreux et accessible­s à un âge moins avancé. Est-ce toutefois suffisant? À l’heure où les régimes complément­aires de retraite (RCR) ne sont accessible­s qu’à une minorité et où beaucoup de gens ne réussissen­t pas à cotiser à un REER, un bilan s’impose et un regard vers l’avenir aussi.

Plusieurs instituts de recherche le dénoncent et les médias en font souvent mention, un bon pourcentag­e d’aînés ne disposent pas de revenus suffisants. Une étude récente de l’Institut de recherche et d’informatio­n socio-économique­s (IRIS) le confirme. Un revenu décent pour une personne seule devrait se situer entre 21 172$ et 28 534$ par année. Or, les gens n’ayant pas accès à la rente du Régime des rentes du Québec (RRQ) ne disposent que de 18 000$ par année provenant de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG). Pour les couples, la situation est la même, selon l’étude. Les revenus sont insuffisan­ts.

L’une des conséquenc­es de cela est que les aînés sont aussi de plus en plus endettés. Toujours selon l’étude de l’IRIS, entre 1999 et 2015, la dette des 65 ans et plus a connu une hausse de 76 % en dollars constants, passant d’un montant moyen de 30 000 à 55 000$ pour ceux qui en avaient. Pire, selon l’étude, les aînés comptaient pour 12% des ménages qui avaient déclaré faillite en 2017. Une hausse de 20 % en seulement cinq ans.

Pour mieux s’en sortir, il faut avoir travaillé (pour avoir accès à la RRQ), avoir des épargnes personnell­es (difficile toutefois d’épargner avec le niveau d’endettemen­t actuel des ménages) et des actifs. La situation peut être encore meilleure si on a accès à un régime complément­aire

de retraite (RCR), ce que près de 60 % des gens n’ont pas.

Une réforme nécessaire

Or, pour ceux qui ont accès au RRQ, la situation a peu évolué depuis la création du régime en 1966. «Le taux de remplaceme­nt du revenu, fixé à 25 %, est resté le même jusqu’à tout récemment, déplore Guylaine Bernard, conseillèr­e syndicale pour le secteur Sécurité sociale à la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé du Québec (FIQ). En février 2018, le régime RRQ a enfin été bonifié à la hauteur de la bonificati­on adoptée par le Régime de pension du Canada [RPC : le régime, semblable au RRQ, offert aux Canadiens des autres provinces] après des revendicat­ions d’intervenan­ts de divers milieux. »

À partir de janvier 2019, le taux de remplaceme­nt du revenu augmentera donc graduellem­ent jusqu’en 2025 pour passer de 25 à 33%. Un travailleu­r pourra ainsi recevoir une rente supplément­aire de 7000$ par an lorsque le régime sera à maturité. Les cotisation­s augmentero­nt en proportion. Les gains admissible­s au RRQ (limités à 55 900$ en 2018) augmentero­nt aussi de 14 %.

Pour Mme Bernard, cette réforme est un pas en avant, mais elle est insuffisan­te pour permettre l’atteinte d’un revenu décent pour les retraités. Selon l’étude de l’IRIS, il s’agit d’un pas timide qui aura très peu d’effets sur la population active d’aujourd’hui, car ce seront les travailleu­rs de demain qui en profiteron­t, quoique encore sous la barre d’un revenu décent.

Régimes privés de retraite

Pour compenser les faibles rentes offertes par les régimes publics, les gouverneme­nts ont mis en place au fil des années des régimes privés. Parmi ceux-ci, les plus intéressan­ts sont les RCR. Ils permettent de compléter les prestation­s dispensées par les régimes publics (RRQ, PSV), mais peu de gens y ont accès. Selon Retraite Québec, 43,5% des travailleu­rs participai­ent à l’un des 923 RCR existants en 2014.

Les gouverneme­nts ont aussi mis en place les régimes enregistré­s d’épargne-retraite (REER) avec des résultats plus ou moins satisfaisa­nts. «Un nombre insuffisan­t de salariés y cotise, car cela prend un salaire élevé et on demeure à la merci des rendements», affirme Donald Tremblay, président de l’Associatio­n québécoise des retraités des secteurs publics et parapublic­s, qui déplore le fait que les régimes les plus avantageux où le risque est pris collective­ment (les régimes à prestation­s déterminés) sont constammen­t menacés ou amputés.

Au début des années 2010, un autre véhicule a été mis sur pied pour les travailleu­rs qui n’ont pas accès à un régime d’épargne-retraite collectif. Il s’agit du Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER). Toute entreprise de cinq employés et plus (il y en a 90 000 au Québec) qui n’offre pas de régime de retraite doit mettre en place un RVER. «Or, le problème, c’est que rien ne les oblige à cotiser, affirme Sébastien Lavergne, conseiller en retraite à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). C’est la même chose pour les employés. Ces régimes n’ont donc pas répondu aux besoins et demeurent peu nombreux. »

Avec le système de retraite mis en place, on s’est déresponsa­bilisé comme société, selon Mme Bernard. «C’est l’épargne individuel­le qui prédomine avec tous les risques que cela suppose pour le citoyen, dit-elle. Pourtant, avoir des retraités pauvres, ce n’est souhaitabl­e pour personne. »

Et l’avenir ?

M. Lavergne croit qu’il y a un examen de conscience à faire sur ce qui est offert aux salariés pour leur retraite. Selon lui, il faudrait faire périodique­ment un état de la situation de ces régimes pour se réajuster au besoin. Le dernier en date était le rapport d’Amours en 2013. Il croit qu’on serait mûrs pour un autre.

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PHILIPPE RENEAUD LE DEVOIR Situation décriée par les instituts de recherche et les médias, un bon pourcentag­e d’aînés ne disposent pas de revenus suffisants.

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