Le chef de la CAQ, François Legault, subit les remontrances de ses adversaires dans le dossier de l’immigration |
Le chef caquiste reconnaît qu’il n’aurait pas « gagné Génies en herbe » sur cette question
On s’attendait à ce que, sur son dossier principal, il connaisse les étapes d’accession à la citoyenneté, puisqu’il veut jouer dedans JEAN-FRANÇOIS LISÉE
« Incompréhension » ou « ignorance coupable»: tant Philippe Couillard que Jean-François Lisée ont martelé dimanche que François Legault parle à tort et à travers lorsqu’il s’agit d’immigration. Et le chef caquiste a lui-même convenu qu’il « n’aurait pas gagné Génies en herbe » sur ce thème.
M. Legault s’est empêtré samedi et dimanche dans un dossier qu’il présente pourtant comme l’un des thèmes phares de la Coalition avenir Québec (CAQ). « Il ne maîtrise pas le b-a-ba de l’immigration au Canada», a dénoncé JeanFrançois Lisée durant une visite à Ottawa. «M. Legault veut faire un test d’expulsion, mais il échoue le test de compréhension, a renchéri Philippe Couillard. Il ne comprend pas lui-même le sujet dont il parle. »
Samedi, François Legault a affirmé aux médias qu’il suffisait de passer « quelques mois » au pays pour obtenir sa citoyenneté canadienne. Or, le délai est d’au moins trois ans.
Puis, dimanche, après avoir indiqué qu’il avait « lu pas mal toute la nuit làdessus », M. Legault s’est trompé sur les conditions d’obtention de la citoyenneté. Il ignorait qu’au-delà d’une enquête de sécurité et d’un examen médical, un résident permanent doit aussi réussir un examen de citoyenneté et démontrer qu’il a une « connaissance suffisante » d’une des langues officielles.
« Ce bout-là, je n’aurais pas gagné Génies en herbe », a commenté M. Legault en faisant allusion à une défunte émission de connaissances générales. Il a par ailleurs soutenu qu’il maîtrisait quand même «l’essentiel» des res- sorts de l’immigration.
Mais selon Jean-François Lisée, François Legault a plutôt « démontré qu’il n’a aucune crédibilité pour parler d’immigration, puisqu’il ne sait pas comment ça marche. »
« Ce n’est pas une question d’être un Génie en herbe, a-t-il dit. On ne s’attendait pas à ça de lui. Mais on s’attendait à ce que, sur son dossier principal, il connaisse les étapes d’accession à la citoyenneté, puisqu’il veut jouer dedans. Qu’il pense que ça prend quelques mois pour devenir citoyen, c’est une ignorance coupable pour quelqu’un qui se prétend le grand réformiste de l’immigration. »
Accord
M. Legault s’est aussi mis en porte à faux de ses adversaires sur la portée de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration, qui date de 1991. Des sources gouvernementales fédérales rappelaient samedi dans Le Devoir que Québec « n’a pas l’autorité unilatérale » pour établir ses seuils d’immigration.
Tel que l’Accord le dit, c’est Ottawa qui tranche, « en prenant en considération l’avis du Québec ». Et dans tous les cas, l’entente prévoit que le Québec doit « recevoir un pourcentage du total des immigrants reçus au Canada égal au pourcentage de sa population par rapport à la population totale du Canada », soit 22,6 %.
Philippe Couillard a reconnu la situation samedi, en soulignant qu’il n’y a jusqu’ici jamais eu de divergence entre Québec et Ottawa sur cette question. «Ils ne l’ont jamais fait [s’opposer]. Pourquoi ils ne l’ont jamais fait ? Parce qu’ils n’ont jamais considéré que les choix du Québec étaient différents des objectifs de l’entente », a-t-il dit.
François Legault, qui propose de ramener de 52 000 à 40 000 le nombre d’immigrants accueillis au Québec dès 2019, s’est étonné de l’interprétation de M. Couillard. « Je suis sous le choc, a-t-il-dit. C’est la première fois que j’entends un premier ministre du Québec dire qu’il faudrait avoir l’accord du gouvernement fédéral pour réduire le nombre d’immigrants au Québec. […]. C’est un moment fort de la campagne électorale. »
Dimanche, M. Legault a dit espérer « que les quatre chefs vont être unanimes pour dire : c’est aux Québécois, c’est au gouvernement du Québec à décider du nombre d’immigrants ».
Pour le chef du Parti québécois, JeanFrançois Lisée, il ne fait pourtant pas de doute que c’est Ottawa qui a ici le dernier mot. « Si Ottawa voulait, il pourrait prendre n’importe quelle loi du Québec et la désavouer. Sur l’immigration, c’est la même chose. C’est un pouvoir qu’ils ont, mais ils ne l’ont pas utilisé pour l’instant, et je ne leur conseille pas d’essayer de l’utiliser avec moi. »
M. Lisée — qui souffle le chaud et le froid sur ce que seraient les seuils d’immigration d’un gouvernement péquiste, refusant de « spéculer » sur de la «numérologie» — estime que Justin Trudeau n’aurait «politiquement aucun intérêt à créer un désaccord avec le Québec sur cette question-là ».
Le cas échéant, cela ferait un « beau débat politique, entre autres à l’élection fédérale de 2019 », pense-t-il.
En niant la réalité du document, « M. Legault ouvre la porte à une intervention du fédéral ou à la perte de l’entente, a pour sa part dit craindre Philippe Couillard. Par son incompréhension, il affaiblirait les pouvoirs du Québec. »
M. Couillard pense que l’Accord de 1991 doit être traité avec une grande prudence. « Ça a été donné dans les circonstances [de l’échec de l’accord] du Lac Meech », a-t-il dit. « Le gouvernement fédéral ne donnerait pas cette entente-là au Québec » de nos jours, pense-t-il.