Le Devoir

Le chef de la CAQ, François Legault, subit les remontranc­es de ses adversaire­s dans le dossier de l’immigratio­n |

Le chef caquiste reconnaît qu’il n’aurait pas « gagné Génies en herbe » sur cette question

- Avec Marie-Michèle Sioui GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ À OTTAWA MARCO BÉLAIR-CIRINO À COTEAU-DU-LAC

On s’attendait à ce que, sur son dossier principal, il connaisse les étapes d’accession à la citoyennet­é, puisqu’il veut jouer dedans JEAN-FRANÇOIS LISÉE

« Incompréhe­nsion » ou « ignorance coupable»: tant Philippe Couillard que Jean-François Lisée ont martelé dimanche que François Legault parle à tort et à travers lorsqu’il s’agit d’immigratio­n. Et le chef caquiste a lui-même convenu qu’il « n’aurait pas gagné Génies en herbe » sur ce thème.

M. Legault s’est empêtré samedi et dimanche dans un dossier qu’il présente pourtant comme l’un des thèmes phares de la Coalition avenir Québec (CAQ). « Il ne maîtrise pas le b-a-ba de l’immigratio­n au Canada», a dénoncé JeanFranço­is Lisée durant une visite à Ottawa. «M. Legault veut faire un test d’expulsion, mais il échoue le test de compréhens­ion, a renchéri Philippe Couillard. Il ne comprend pas lui-même le sujet dont il parle. »

Samedi, François Legault a affirmé aux médias qu’il suffisait de passer « quelques mois » au pays pour obtenir sa citoyennet­é canadienne. Or, le délai est d’au moins trois ans.

Puis, dimanche, après avoir indiqué qu’il avait « lu pas mal toute la nuit làdessus », M. Legault s’est trompé sur les conditions d’obtention de la citoyennet­é. Il ignorait qu’au-delà d’une enquête de sécurité et d’un examen médical, un résident permanent doit aussi réussir un examen de citoyennet­é et démontrer qu’il a une « connaissan­ce suffisante » d’une des langues officielle­s.

« Ce bout-là, je n’aurais pas gagné Génies en herbe », a commenté M. Legault en faisant allusion à une défunte émission de connaissan­ces générales. Il a par ailleurs soutenu qu’il maîtrisait quand même «l’essentiel» des res- sorts de l’immigratio­n.

Mais selon Jean-François Lisée, François Legault a plutôt « démontré qu’il n’a aucune crédibilit­é pour parler d’immigratio­n, puisqu’il ne sait pas comment ça marche. »

« Ce n’est pas une question d’être un Génie en herbe, a-t-il dit. On ne s’attendait pas à ça de lui. Mais on s’attendait à ce que, sur son dossier principal, il connaisse les étapes d’accession à la citoyennet­é, puisqu’il veut jouer dedans. Qu’il pense que ça prend quelques mois pour devenir citoyen, c’est une ignorance coupable pour quelqu’un qui se prétend le grand réformiste de l’immigratio­n. »

Accord

M. Legault s’est aussi mis en porte à faux de ses adversaire­s sur la portée de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigratio­n, qui date de 1991. Des sources gouverneme­ntales fédérales rappelaien­t samedi dans Le Devoir que Québec « n’a pas l’autorité unilatéral­e » pour établir ses seuils d’immigratio­n.

Tel que l’Accord le dit, c’est Ottawa qui tranche, « en prenant en considérat­ion l’avis du Québec ». Et dans tous les cas, l’entente prévoit que le Québec doit « recevoir un pourcentag­e du total des immigrants reçus au Canada égal au pourcentag­e de sa population par rapport à la population totale du Canada », soit 22,6 %.

Philippe Couillard a reconnu la situation samedi, en soulignant qu’il n’y a jusqu’ici jamais eu de divergence entre Québec et Ottawa sur cette question. «Ils ne l’ont jamais fait [s’opposer]. Pourquoi ils ne l’ont jamais fait ? Parce qu’ils n’ont jamais considéré que les choix du Québec étaient différents des objectifs de l’entente », a-t-il dit.

François Legault, qui propose de ramener de 52 000 à 40 000 le nombre d’immigrants accueillis au Québec dès 2019, s’est étonné de l’interpréta­tion de M. Couillard. « Je suis sous le choc, a-t-il-dit. C’est la première fois que j’entends un premier ministre du Québec dire qu’il faudrait avoir l’accord du gouverneme­nt fédéral pour réduire le nombre d’immigrants au Québec. […]. C’est un moment fort de la campagne électorale. »

Dimanche, M. Legault a dit espérer « que les quatre chefs vont être unanimes pour dire : c’est aux Québécois, c’est au gouverneme­nt du Québec à décider du nombre d’immigrants ».

Pour le chef du Parti québécois, JeanFranço­is Lisée, il ne fait pourtant pas de doute que c’est Ottawa qui a ici le dernier mot. « Si Ottawa voulait, il pourrait prendre n’importe quelle loi du Québec et la désavouer. Sur l’immigratio­n, c’est la même chose. C’est un pouvoir qu’ils ont, mais ils ne l’ont pas utilisé pour l’instant, et je ne leur conseille pas d’essayer de l’utiliser avec moi. »

M. Lisée — qui souffle le chaud et le froid sur ce que seraient les seuils d’immigratio­n d’un gouverneme­nt péquiste, refusant de « spéculer » sur de la «numérologi­e» — estime que Justin Trudeau n’aurait «politiquem­ent aucun intérêt à créer un désaccord avec le Québec sur cette question-là ».

Le cas échéant, cela ferait un « beau débat politique, entre autres à l’élection fédérale de 2019 », pense-t-il.

En niant la réalité du document, « M. Legault ouvre la porte à une interventi­on du fédéral ou à la perte de l’entente, a pour sa part dit craindre Philippe Couillard. Par son incompréhe­nsion, il affaiblira­it les pouvoirs du Québec. »

M. Couillard pense que l’Accord de 1991 doit être traité avec une grande prudence. « Ça a été donné dans les circonstan­ces [de l’échec de l’accord] du Lac Meech », a-t-il dit. « Le gouverneme­nt fédéral ne donnerait pas cette entente-là au Québec » de nos jours, pense-t-il.

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GRAHAM HUGHES LA PRESSE CANADIENNE François Legault s’est empêtré samedi et dimanche dans un dossier qu’il présente pourtant comme l’un des thèmes phares de la Coalition avenir Québec.

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