Le Devoir

Un premier débat en anglais en plus de 30 ans

Des organisati­ons de défense de la langue française dénoncent l’événement de lundi soir

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Avec Marie Vastel, Marie-Michèle Sioui, Guillaume Bourgault-Côté et Améli Pineda

Philippe Couillard, Jean-François Lisée, François Legault et Manon Massé participer­ont lundi soir à un premier débat des chefs télévisé en anglais, et ce, au grand dam d’organisati­ons de défense et de promotion de la langue française.

En se prêtant à cet exercice, les chefs des quatre principaux partis politiques raffermiss­ent l’idée selon laquelle l’anglais constitue « une langue supérieure » au Québec, déplore le président d’ Impératif français, Jean-Paul Perreault, tout en rappelant que les anglophone­s représente­nt 8% de la population québécoise .« Et il y a à peine 5% de la population du Québec qui ne parle pas français. Cette vision de suprémacis­me, de deux poids deux mesures, d’iniquité, on semble vouloir nous habituer à vivre avec », poursuit-il.

Le président du Mouvement Québec français (MQF), Maxime Laporte, soutient que, «même dans une pure logique de marketing politique, les bénéfices à en tirer [par les formations politiques] ne font pas le poids face aux préjudices infligés au statut de la langue ». « On nuit directemen­t à la francisati­on des allophones, objectif qui commande tout d’abord l’affirmatio­n sans ambiguïté du français comme seule langue commune de notre démocratie et de nos institutio­ns », soutient-il.

Impératif français et le MQF ont tous deux demandé aux chefs de reconsidér­er leur participat­ion, « ne serait-ce que par solidarité pour les Acadiens qui, eux, n’auront pas droit à une joute électorale dans leur langue », mais en vain.

Les chefs d’antenne Mutsumi Takahashi (CTV), Debra Arbec (CBC) et Jamie Orchard (Global) questionne­ront lundi soir M. Couillard, M. Lisée, M. Legault et Mme Massé sur les enjeux touchant tout particuliè­rement la communauté anglophone, entre autres choses.

Elles demanderon­t sans doute au meneur des sondages, François Legault, d’expliquer comment il s’y prendrait pour abolir les commission­s scolaires ainsi que les élections scolaires au suffrage universel tout en respectant les droits constituti­onnels de la minorité anglophone du Québec. « Je ne suis pas inquiet. Je pense que je vais tenir mon bout avec M. Lisée et M. Couillard », a lancé le chef caquiste dimanche.

Pour consolider ses appuis chez les anglophone­s, qu’il a qualifiés de « solides », Philippe Couillard ne manquera pas de rappeler l’attachemen­t de son parti aux «institutio­ns» de la minorité anglophone. « Vous savez, quelqu’un qui veut abolir les commission­s scolaires, ça ne va pas très loin chez les Québécois de langue anglaise, et on comprend pourquoi », a-t-il dit dimanche.

Cela dit, M. Couillard pourrait rapidement se retrouver sur la défensive lundi soir s’il est appelé, par exemple, à défendre la « réforme Barrette » du réseau de la santé, qui s’est traduite par l’abolition d’instances contrôlées par la communauté anglophone.

D’autre part, il y a fort à parier qu’un de ses adversaire­s se fera un malin plaisir de rappeler aux auditeurs l’appui du gouverneme­nt libéral à une motion de l’Assemblée nationale invitant les commerçant­s à simplement lancer « bonjour », plutôt que «bonjour-hi !», lorsqu’ils accueillen­t des clients.

Le chef du PQ, Jean-François Lisée, «s’adressera à tous les Québécois» lundi soir, mais aura une attention particuliè­re pour « les progressis­tes non francophon­es qui veulent avoir un bon gouverneme­nt, vert, propre, qui met la priorité au service pour les enfants, les patients, les aînés ». « Ça, c’est nous », a-t-il soutenu dimanche.

Pour Québec solidaire, ce débat sera l’occasion de faire connaître ses idées auprès de la communauté anglophone, généraleme­nt connue pour être fédéralist­e. « On gagne à leur expliquer que pour relever les défis environnem­entaux du XXIe siècle, le Québec a tout à gagner d’être un pays», a dit Manon Massé.

Le dernier débat des chefs dans la langue de Mordecai Richler, entre le péquiste Pierre-Marc Johnson et le libéral Robert Bourassa, remonte à 1985. Il avait été diffusé seulement à la radio.

Le dernier débat des chefs dans la langue de Mordecai Richler avait opposé le péquiste PierreMarc Johnson et le libéral Robert Bourassa

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? JeanFranço­is Lisée, Manon Massé, François Legault et Philippe Couillard ont participé au débat des chefs en français jeudi dernier.
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE JeanFranço­is Lisée, Manon Massé, François Legault et Philippe Couillard ont participé au débat des chefs en français jeudi dernier.

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