Le Devoir

La présumée victime de Kavanaugh sort de l’ombre

Le témoignage d’une professeur­e pousse les démocrates à exiger le report du vote pour confirmer le candidat de Trump à la Cour suprême des États-Unis

- ÉLODIE CUZIN

Le candidat conservate­ur de Donald Trump à la Cour suprême était dimanche sous le coup du témoignage public d’une femme l’accusant d’agression sexuelle dans les années 1980, lorsqu’il était adolescent. Un retourneme­nt qui promet de perturber sa confirmati­on par le Sénat américain.

Magistrat conservate­ur et ancien conseiller du président George W. Bush, le juge Brett Kavanaugh, 53 ans, conteste catégoriqu­ement ces accusation­s.

Les démocrates ont immédiatem­ent réagi, exigeant le report du vote au Sénat sur sa confirmati­on.

L’enjeu est grand. Brett Kavanaugh pourrait, s’il est confirmé à ce poste à vie, faire basculer pendant au moins une génération l’équilibre de la Cour suprême. Elle est chargée aux ÉtatsUnis de trancher sur des questions divisant profondéme­nt la société, comme l’avortement ou les armes.

Les républicai­ns disposent d’une très courte majorité (51-49) au Sénat, qui a le dernier mot sur les candidats désignés par le président américain. Déjà sous la loupe, la réaction de deux sénatrices républicai­nes défendant le droit à l’avortement va donc être scrutée de près dans les prochains jours.

À deux mois d’élections parlementa­ires qui pourraient voir les démocrates prendre la majorité au Congrès américain, la Maison-Blanche et les républicai­ns n’ont pas de temps à perdre.

Mais le témoignage de Christine Blasey Ford, publié dimanche par le quotidien Washington Post, pourrait enrayer un processus qui s’annonçait rapide.

Professeur­e universita­ire de psychologi­e âgée de 51 ans, elle affirme qu’au début des années 1980, lorsque Brett Kavanaugh était scolarisé dans la proche banlieue de Washington, ce dernier et un ami, «complèteme­nt ivres», l’auraient coincée dans une chambre lors d’une soirée.

Brett Kavanaugh l’aurait maintenue de force sur un lit, avant de se livrer à des attoucheme­nts par-dessus ses vêtements, qu’il aurait tenté sans succès de lui retirer. Quand elle aurait tenté de crier, il lui aurait couvert la bouche avec la main.

« J’ai pensé qu’il risquait de me tuer sans le vouloir », a-t-elle confié au journal. Elle avait finalement pu se dégager de son étreinte et quitter la pièce.

Christine Blasey Ford dit n’avoir parlé à personne de ces faits, qui l’ont pendant longtemps affectée, jusqu’à une séance de thérapie de couple avec son époux en 2012. Elle a fourni au journal des notes prises par son psychothér­apeute à l’époque, quand elle évoquait «une tentative de viol» pendant son adolescenc­e.

Révélation récente

Ces informatio­ns étaient parvenues dès cet été dans une lettre confidenti­elle à une influente sénatrice démocrate, Dianne Feinstein, qui n’en avait pas touché mot aux autres sénateurs. Cette dernière avait finalement révélé jeudi avoir donné sa lettre à des inspecteur­s.

Christine Blasey Ford explique au Washington Post que face aux rumeurs folles qui couraient depuis sur son identité, elle a décidé de sortir de l’ombre.

« J’estime désormais que mon devoir civique pèse plus lourd que mon angoisse et ma terreur face à des représaill­es », explique cette professeur­e de l’université de Palo Alto.

Électrice démocrate, elle a fait des petits dons à des organisati­ons politiques, précise le Washington Post.

Un vote en commission sénatorial­e est prévu jeudi sur la confirmati­on de Brett Kavanaugh, avant le vote final en séance plénière qui pourrait intervenir dès fin septembre.

Maintenant que l’accusatric­e a parlé publiqueme­nt, «il revient au FBI de mener une enquête. Cela devrait se produire avant que le Sénat n’avance sur cette nomination», a déclaré dimanche Dianne Feinstein, dans un communiqué.

« Insister pour voter maintenant serait une insulte pour les femmes américaine­s et l’intégrité de la Cour suprême », a tonné le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.

Démenti

Dénonçant depuis jeudi une « opération de la dernière chance », la MaisonBlan­che a renvoyé le Washington Post vers le démenti « catégoriqu­e et sans équivoque » de Brett Kavanaugh publié en fin de semaine.

« Je n’ai pas fait cela, que ce soit au lycée ou à n’importe quel autre moment », écrivait le juge, catholique pratiquant, marié et père de deux filles.

Plus de 60 femmes disant le connaître à l’époque l’ont défendu dans une lettre.

« Au cours de ses 25 ans dans la fonction publique, le FBI a conscienci­eusement et régulièrem­ent étudié le parcours de Brett Kavanaugh », avait insisté jeudi la Maison-Blanche. Un argument repris par les républicai­ns au Sénat.

Après la publicatio­n de l’entrevue, le sénateur républicai­n Lindsey Graham s’est toutefois dit prêt à entendre Christine Blasey Ford en commission si elle le désire. Avant d’ajouter que cela devrait « être fait immédiatem­ent, afin que le processus puisse se poursuivre comme prévu ».

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BRENDAN SMIALOWSKI AGENCE FRANCE-PRESSE Un vote en commission sénatorial­e est prévu jeudi sur la confirmati­on de Brett Kavanaugh.

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