Le PLQ modère ses transports
Les libéraux ont procédé à leurs plus importants engagements avant le début de la campagne électorale
Enjeux phares de la campagne électorale en cours, la mobilité et les transports sont au coeur des débats et des récentes annonces des principales formations politiques québécoises. Mais ces promesses ont-elles de quoi tenir la route passé le 1er octobre ? Le Devoir poursuit aujourd’hui une série de quatre articles, un par parti, pour faire le point. Cette semaine : le Parti libéral du Québec.
Alors que ses adversaires ont tous proposé des plans de mobilité détaillés pour le Grand Montréal, le Parti libéral du Québec (PLQ ) a plutôt décidé de se montrer prudent en remettant sur la table des projets déjà enclenchés au cours des dernières années de son mandat.
Pour la nouveauté, il faut donc se tourner du côté de la tarification et de la gestion des titres de transport, ce qui est intéressant, mais n’a pas de quoi faire rêver, soulignent les experts consultés par Le Devoir.
Prudence ou manque d’audace ?
S’ils sont réélus, les libéraux s’engagent à « développer » plusieurs « projets structurants » sur les axes névralgiques de la région métropolitaine. Impossible toutefois, à ce stade-ci de la campagne, de savoir dans le détail quels seront ces projets, et les choses ne risquent pas de changer d’ici le 1er octobre. « C’est aux villes de faire ces choix », lance tout de go le ministre des Transports, André Fortin, qui tentera d’ici quelques semaines de se faire réélire dans la circonscription de Pontiac, dans la région de l’Outaouais. « Ce sont elles qui sont le mieux placées pour établir les besoins des citoyens qu’elles représentent. »
Un avis que partage Florence JuncaAdenot, professeure au Département d’études urbaines de l’Université du Québec à Montréal. « C’est une sage décision », note celle qui a longtemps travaillé à la planification des transports. « Ça va leur permettre, s’ils sont réélus, d’évaluer les différentes options au regard des besoins réels sur le terrain. C’est habituellement comme ça qu’il faut fonctionner. »
Pour le moment, on trouve donc sur la table des projets déjà bien en marche — ou qui, dans certains cas, étaient déjà dans les cartons depuis de nombreuses années —, comme le Réseau express métropolitain (REM) ou le prolongement de la ligne bleue vers l’est. Le parti entrouvre tout de même la porte à certaines nouveautés, comme la ligne rose proposée par l’administration Plante ou le développement d’un service rapide par bus rue NotreDame. « J’aurais pensé qu’ils iraient un peu plus loin », laisse pour sa part tomber Christian Savard, directeur général de Vivre en ville. « Les autres ont osé proposer des idées pour nous faire rêver, mais ce n’est pas vraiment le cas ici. »
Le PLQ s’est toutefois avancé la semaine dernière en suggérant un prolongement du REM vers Mirabel, sur la Rive-Nord. Une idée qui devra toutefois d’abord passer sous la loupe du maître d’oeuvre de ce vaste chantier, à savoir la Caisse de dépôt et placement du Québec, et qui risque de se heurter au tracé actuel, qui est déjà saturé.
Mettre la charrue avant les boeufs
Le parti s’est également engagé à offrir des transports publics gratuits aux étudiants à temps plein et aux personnes âgées de 65 ans et plus, et ce, dans toute la province.
Présentée par le chef libéral, Philippe Couillard, comme « le plus important engagement en transport collectif du Québec […] des dernières années», cette mesure n’est pas sans rappeler celle portée par Québec solidaire depuis le début de la campagne de réduire de moitié les tarifs de transport collectif pour tous.
Chiffrée à 200 millions de dollars par année, cette promesse, si elle n’est pas soutenue par une amélioration rapide des services existants, risque toutefois d’affaiblir le réseau actuel, estiment les experts interrogés par Le Devoir. « Notre réseau est déjà à sa pleine capacité, affirme Christian Savard. En priorisant l’achalandage plutôt que l’amélioration des services, on se tire collectivement dans le pied. »
«Ça ne veut pas dire que c’est une mauvaise idée », dit toutefois Ugo Lachapelle, de l’UQAM. « En période hors pointe, ça peut même être très bon pour remplir des autobus vides. Mais l’offrir à tout moment de la journée, c’est un peu prématuré. »
Et en dehors des grands centres urbains, une telle mesure, si elle est trop vite appliquée, pourrait mettre en péril les futures expansions des réseaux. « L’argent des ventes des titres de transport n’est pas géré par Québec, explique Florence Junca-Adenot. Ce sont des sous qui permettent aux sociétés de transport et aux municipalités de fonctionner au quotidien. Si un futur gouvernement veut jouer dans cette enveloppe, il devra compenser quelque part. Sinon, les villes seront très certainement réticentes à investir dans l’amélioration des services. Et là, on risque d’être tous perdants. »
Dans la foulée de cette annonce, les libéraux se sont également engagés à créer un «Passeport mobilité», qui permettrait à tous les Québécois d’utiliser tous les modes de transport durables avec la même carte ou la même application. Ce qui est une bonne idée, estiment les experts interrogés par Le
Devoir, et qui s’inscrit d’ailleurs en ligne directe avec ce qui a déjà été entamé avec la carte OPUS.
Un troisième lien à Québec
À l’instar de la Coalition avenir Québec (CAQ), le PLQ a promis, dès le début de la campagne, qu’un troisième lien autoroutier verrait le jour dans la région de Québec. Contrairement à la CAQ, la formation politique de Philippe Couillard a toutefois indiqué qu’elle attendrait la fin des études de faisabilité avant de s’avancer sur le futur tracé. Mais la question ici n’est pas de savoir si le projet ira de l’avant ou non. « On croit que le troisième lien est une façon d’améliorer la qualité de vie des citoyens de la région de Québec, expose André Fortin. Les études nous permettront de déterminer où et comment il faut l’implanter, et à quel coût. »
Une position que les experts consultés par Le Devoir s’expliquent mal, surtout au regard de la Politique de mobilité durable (PMD) présentée par le parti au printemps dernier. Chaleureusement accueillie tant par le milieu que par la classe politique, cette dernière est particulièrement ambitieuse et se positionne assez clairement contre l’auto solo. « Il y a quelque chose d’incohérent dans cette idée d’aller de l’avant avec le troisième lien, souligne Christian Savard, qui était lui-même au comité consultatif de ladite politique. Comment voulez-vous atteindre les différentes cibles de la PMD en conti- nuant d’encourager le développement de projets autoroutiers ? »
D’autant que, comme l’ont mentionné à de nombreuses reprises les experts, un tel lien n’aurait que peu ou pas d’impacts sur la fluidité automobile dans la région. « En fait, c’est tout le contraire », déplore Marie-Hélène Vandersmissen, directrice du Département de géographie de l’Université Laval. « Peut-être que ça va nous donner un répit d’un an ou deux, mais c’est clair qu’à long terme les choses risquent d’empirer. On n’a qu’à penser au cas de l’autoroute 30. Ça n’a même pas pris cinq ans avant que ce soit complètement bloqué. Pourtant, le projet avait été présenté comme une solution à la congestion. »
En contrepartie, les libéraux se sont tout de même engagés à soutenir, voire à bonifier, le projet de réseau structurant de transport en commun pour la capitale nationale.
Transport en région
Mis à mal au cours des quatre dernières années, le transport collectif intra et interrégional aura grand besoin d’amour — et d’argent — au cours de la prochaine décennie. « Les besoins sont grands et le soutien du gouvernement est impératif à la réalisation de nos projets », insiste le président de l’Association des transports collectifs ruraux du Québec, André Lavoie. « Il va falloir rapidement revoir notre mode de financement, mais aussi faire preuve d’audace pour repenser le transport en commun en dehors des grands centres. »
À ce sujet, le Parti libéral s’est engagé, en fin de mandat, par le truchement de la PMD, à investir dans le développement d’initiatives innovantes et technologiques pour desservir les secteurs moins accessibles par les modes traditionnels. De l’argent a également été promis pour la réfection du chemin de fer reliant la Gaspésie au reste de la province, de même que pour un système de train léger à Gatineau.
En période préélectorale, les libéraux se sont également engagés à investir plus de 170 millions de dollars pour améliorer le transport aérien régional et ainsi mieux desservir les secteurs du Québec particulièrement isolés.
L’ordre des analyses a été déterminé par un tirage au sort. Comme la campagne électorale est en cours, il est possible que de nouvelles annonces en transport soient faites dans les prochaines semaines.