L’immigration, encore
Les échanges les plus vifs du débat en anglais ont porté sur ce thème
Philippe Couillard et Jean-François Lisée ont fait équipe pour semoncer François Legault
Le premier débat télévisé en anglais de l’histoire politique québécoise a vu Philippe Couillard tenter de démoniser François Legault, présenté en ennemi des immigrants. Comme jeudi en français, le thème a provoqué les échanges les plus chauds.
Le débat a aussi permis d’aborder pour la première fois dans cette campagne la question du racisme systémique.
Les enjeux liés à l’immigration ont donc traversé à la fois les segments « économie » et « identité et immigration »… avec un tir groupé contre François Legault et sa proposition de diminuer les seuils d’immigration, tout en imposant aux nouveaux arrivants un test de français et un test de connaissances des valeurs québécoises, après trois ans de séjour.
Le chef libéral a lancé les flèches les plus acérées. Il a dit n’avoir jamais vu un chef de parti politique proposer des « tests d’expulsion ». « J’imagine qu’il débarquera [les immigrants qui y échoueraient] au milieu du pont Cartier-Macdonald [qui relie les villes de Gatineau et d’Ottawa] ».
En point de presse après le débat, Philippe Couillard a fait valoir que c’était là « une caricature ». « M. Couillard est très bon pour donner des leçons à tout le monde », a réagi M. Legault.
Tout au long de la soirée, Philippe Couillard n’a pas mâché ses mots envers celui qui est premier dans les sondages. « C’est pénible de vous entendre parler des immigrants. Vous les menacez, vous menacez de les expulser ! » Il a accusé M. Legault de « chercher une excuse » pour baisser les seuils.
Allié de M. Couillard tout au long de la soirée pour attaquer la crédibilité de François Legault, le chef péquiste, Jean-François Lisée, a soutenu que la position de son adversaire caquiste était « épouvantable ».
M. Legault, qui éprouve des ennuis avec ce thème depuis plusieurs jours, a fait valoir que son approche était « raisonnable ». « On dit qu’il faut accueillir moins d’immigrants pour leur offrir une meilleure intégration. »
Il a martelé que 26 % des immigrants quittent le Québec dans un délai de cinq ans. « Pouvez-vous admettre qu’il s’agit d’un échec de votre gouvernement ? » a-t-il lancé au premier ministre. « Pas du tout », a rétorqué M. Couillard, impassible.
Pas en reste, Jean-François Lisée a alors soutenu que M. Legault « ferait pire » que Philippe Couillard : « Après trois ans, vous les mettriez dehors ! » Ce à quoi M. Legault a dit que ces immigrants non francophones ne seraient même pas acceptés au départ si le PQ était élu.
« Il faut changer la manière dont on parle des immigrants — je n’entends pas tous mes collègues sur le plateau ici dire des choses positives », a aussi dit Philippe Couillard.
Discrimination
Trois des quatre chefs ont répondu « non » lorsqu’on leur a demandé s’ils mettraient sur pied une commission d’enquête sur la discrimination systémique et le racisme.
Philippe Couillard, Jean-François Lisée (« nous allons agir, donc pas besoin de commission ») et François Legault (« il y a du racisme, mais pas systémique ») ont tous fermé cette porte qui avait été entrouverte par le gouvernement Couillard.
Manon Massé (Québec solidaire) a pour sa part admis que « la discrimination systémique existe au Québec», soulignant que les libéraux «ont fait 2000 nominations durant leur mandat, mais seulement 3 % d’entre elles étaient des gens des minorités visibles ».
Anglophones
Le reste du débat a permis d’explorer plusieurs autres thématiques : éducation, santé, environnement et relations avec les anglophones. Avec 90 minutes pour couvrir le tout, le rythme rapide a souvent imposé des conclusions hâtives. « Je crois que c’est une tradition qui vient de s’établir », a commenté M. Couillard au terme de la soirée.
Le débat avait la particularité de s’adresser d’abord à un auditoire anglophone, qui vote très majoritairement libéral (70 %, selon le dernier sondage Léger). Il donnait par le fait même aux autres chefs une tribune rare.
Pour chacun des chefs, les défis étaient différents : Manon Massé parle un anglais rudimentaire, ce qui l’a souvent laissée en plan dans le débat (elle a eu moins de 16 minutes de temps de parole, contre près de 20 pour chacun de ses trois adversaires). Parfaitement à l’aise en anglais, Jean-François Lisée et Philippe Couillard ont pu faire valoir leurs idées sans barrières, alors que François Legault se situait quelque part entre les deux.
Sur des thématiques touchant plus particulièrement la communauté anglophone, Philippe Couillard a qualifié d’« incident » l’appui du gouvernement libéral à une motion de l’Assemblée nationale invitant les commerçants à simplement lancer « bonjour », plutôt que «bonjour-hi !», lorsqu’ils accueillent des clients. Par contre, après le débat, il a dit… appuyer le libellé de la motion.
Les quatre chefs se sont entendus pour maintenir le Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise, mis sur pied par le gouvernement Couillard en 2017.
En éducation, les chefs ont d’abord débattu de différentes mesures pour favoriser le succès des jeunes qui ont fait leur scolarisation en anglais sur le marché du travail québécois. Le bloc santé a, pour sa part, beaucoup porté sur la « réforme Barrette », qui s’est traduite par l’abolition d’instances contrôlées par la communauté anglophone.