Des chantiers mal supervisés à Montréal, selon le BIG
Pour gagner du temps et économiser de l’argent, certains entrepreneurs omettent de réparer de façon adéquate les routes avant d’effectuer l’asphaltage, ce qui entraîne l’apparition de nids-de-poule. C’est ce qu’a constaté le Bureau de l’inspecteur général (BIG) dans un rapport déposé lundi au Conseil municipal de Montréal.
Le BIG, que dirige Me Brigitte Bishop depuis le départ de Denis Gallant, s’est attardé au rôle des surveillants de chantiers en examinant 83 dossiers afin de voir si les plans et devis étaient respectés sur le terrain. Pour la plupart des chantiers examinés, la surveillance était effectuée par des entreprises privées.
Or, le BIG a observé une irrégularité sur chaque chantier visité. Dans certains cas, les défauts de fondation de la chaussée n’ont pas été réparés adéquatement avant le resurfaçage.
Une mauvaise réparation entraîne l’apparition de nids-de-poule et peut obliger la Ville à refaire ses rues et ses trottoirs plus tôt que prévu, signale le BIG : « Sur plusieurs chantiers […], les surveillants manquaient de rigueur et n’assumaient pas pleinement leur rôle dans la réparation des défauts. »
Dans le but de décrocher des contrats, certains entrepreneurs ont inscrit des prix « nettement inférieurs » à la valeur des travaux, se contentant par la suite de faire le minimum de réparations, ou même de ne pas les faire du tout. Et quand les défauts étaient corrigés, la quantité d’enrobé bitumineux pouvait ne pas être correctement comptabilisée, note-t-on.
Au fil des visites de chantiers, le BIG a observé d’autres lacunes, comme l’utilisation du mauvais mélange d’enrobés, la réalisation de joints de pavage non conformes au devis ou le recours à de l’équipement insuffisant.
Les manquements relevés par le BIG ont été signalés aux entrepreneurs. « Sans la présence du Bureau de l’inspecteur général sur ces chantiers, il est probable que personne n’aurait relevé ces manquements », souligne le rapport.
Faire vite
Le BIG évoque d’ailleurs la pression vécue par les surveillants de chantiers. « Un technicien a rapporté avoir dû subir les cris et la colère d’un entrepreneur à la suite de sa décision d’exiger le bon taux de compaction des matériaux de remblais pour des travaux », relate notamment le BIG.
Ces observations sont préoccupantes, reconnaît le responsable des infrastructures au comité exécutif, Sylvain Ouellet. L’élu signale toutefois que les chantiers dont il est question font partie du Programme complémentaire de planage-revêtement et qu’ils sont peu complexes comparés aux grands projets qui sont dans bien des cas sous la surveillance d’équipes de la Ville.
L’administration soutient qu’elle surveillera de près la situation. « Pour la saison 2019, il va y avoir des rappels à l’ordre pour dire ce qu’on attend des surveillants », a indiqué M. Ouellet en évoquant la possibilité que des améliorations soient aussi apportées aux devis. « On n’hésitera pas à faire des évaluations de rendement insatisfaisant pour les contrats qui sont mal faits ou mal surveillés. »
« Il y a beaucoup de pression à faire vite. Nous-mêmes, on demande que les chantiers se terminent le plus rapidement possible », a-t-il poursuivi. «Les gens sont tannés d’avoir des chantiers interminables qui n’avancent pas. Mais l’intimidation sur les chantiers est inacceptable. »
Le chef de l’opposition croit que l’administration doit réagir « de façon très forte » et sévir contre les firmes fautives. « Il faut revoir la façon dont les chargés de projets travaillent avec les firmes d’ingénierie », a soutenu Lionel Perez. « Ces firmes ont des obligations, des mandats, mais elles doivent rendre des comptes. »
Le marché du trottoir
Le BIG s’est également penché sur l’industrie du trottoir, un domaine écorché par la commission Charbonneau.
Cette industrie se porte mieux à Montréal, constate le BIG. À la suite de la commission Charbonneau, plusieurs mesures ont été mises en place pour tenter d’éliminer la collusion avec, entre autres, l’obligation pour les entrepreneurs d’obtenir l’autorisation de l’Autorité des marchés financiers pour décrocher des contrats.
En 2009, alors que la collusion régnait, seules quatre entreprises se partageaient l’ensemble des contrats de trottoirs à Montréal. Entre 2011 et 2017, on a plutôt calculé que de 14 à 17 entreprises obtenaient ces contrats chaque année.
Dans un contexte désormais plus concurrentiel, le prix des contrats a également baissé. Ce prix atteignait de 150 à 200 $ le mètre carré du temps de la collusion. En 2016, le coût au mètre carré était plutôt de 100 à 120 $, excédant rarement 160 $.
« C’est une excellente nouvelle pour les Montréalais, mais aussi pour les travailleurs. Il faut savoir que dans l’industrie de la construction, comme ç’a été démontré à la commission Charbonneau, il y a eu beaucoup d’intimidation », a rappelé Sylvain Ouellet.
Sur plusieurs chantiers […], les surveillants manquaient de rigueur et n’assumaient pas pleinement leur rôle dans la réparation des défauts ME BRIGITTE BISHOP