Le Devoir

Les banques ont besoin de plus de femmes à leur tête, selon le FMI

- ÉRIC DESROSIERS LE DEVOIR

La faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a plongé l’économie mondiale dans sa pire crise financière depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ce choc et les effets de la « Grande Récession » qui a suivi, en venant exacerber le creusement des inégalités et alimenter la montée du populisme, restent encore bien ancrés dans notre quotidien économique et social. Septième d’une série d’articles sur cette crise, dix ans plus tard.

Avoir plus de femmes à la tête des banques et de leurs autorités de surveillan­ce aurait probableme­nt réduit les dégâts, lors de la dernière crise financière, et améliorait aujourd’hui la profitabil­ité et la solidité du secteur financier, conclut une étude du Fonds monétaire internatio­nal (FMI).

Il suffirait de réduire de seulement dix points de pourcentag­e le retard dans le nombre de femmes dans les conseils d’administra­tion des banques pour en améliorer la stabilité autant que l’ont permis toutes les autres améliorati­ons de la réglementa­tion et des comporteme­nts depuis la fin de la dernière crise financière, rapporte le FMI dans son étude dévoilée lundi et basée sur de nouvelles données.

Cet impact positif d’une meilleure représenta­tion féminine sur le niveau de fonds propres, les rendements et leur volatilité pouvait déjà être observé l’année de la fameuse faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, en 2008.

Différence­s hypothèses ont été avancées, ces dernières années, pour expliquer cet effet positif féminin. L’une

d’elles voudrait que les femmes soient, par nature, plus prudentes que les hommes face au risque et qu’elles feraient ainsi, à long terme, de meilleures banquières. L’analyse des données ne permet toutefois pas de s’avancer sur cette théorie, expliquent les auteurs de l’étude.

Il en va autrement de trois autres facteurs explicatif­s qui semblent tous jouer un rôle. Le premier facteur est lié à l’avantage dont bénéficien­t manifestem­ent les hommes à l’embauche pour les postes décisionne­ls et au fait que pour parvenir malgré tout à se tailler une place, les femmes doivent être plus compétente­s.

Le deuxième facteur tient au fait que plus une équipe de direction comprend des points de vue diversifié­s, meilleure elle est généraleme­nt. Le troisième facteur est que plus une banque cherche à réduire une possible discrimina­tion sexuelle, plus elle est susceptibl­e d’adopter d’autres principes de bonne gestion.

Encore loin de Lehman Sisters

Cette nouvelle étude du FMI vient appuyer une opinion souvent exprimée par sa directrice générale, Christine Lagarde. « Comme je l’ai dit à maintes reprises, écrivait-elle encore dans un blogue il y a deux semaines, si Lehman avait été Sisters au lieu de Brothers, le monde serait peut-être très différent aujourd’hui. »

Le monde de la finance est toutefois encore loin de la parité hommes femmes, montrent les auteurs de l’étude. Seulement 2 % des présidents de banques étaient des femmes en 2013, soit dans 15 des 800 banques étudiées dans 72 pays, dont la moitié aux ÉtatsUnis et 20 % en Europe.

Cette proportion était un peu plus élevée, quoiqu’encore loin de la parité, au sein des conseils d’administra­tion de ces mêmes banques, à raison de 20 % de femmes dans quatre banques sur cinq et de seulement 4 % de banques avec plus de 30 % de représenta­tion féminine.

La situation n’est guère plus brillante du côté des organismes de surveillan­ce, avec une moyenne de 17 % de femmes en 2015 dans les 115 pays étudiés.

Contrairem­ent à une perception répandue, ce retard est généraleme­nt plus prononcé dans les pays riches que dans les pays en voie de développem­ent. La proportion de femmes dans les conseils d’administra­tion de banque a ainsi presque doublé de 2001 à 2013 en Afrique subsaharie­nne, passant d’environ 10% à presque 20%, alors qu’en Amérique du Nord on passait d’environ 6 % à 13 %, que l’Asie de l’Est bondissait de 2% à 14%, mais que l’Amérique latine végétait autour de 2 %.

Tous les types d’institutio­ns financière­s n’accusent pas le même retard, notent les auteurs de l’étude. La proportion de femmes dans les conseils d’administra­tion dépasse en effet les 45 % dans les banques d’épargne, soit quatre fois plus que dans les banques d’investisse­ment, comme la défunte Lehman Brothers.

Les banques n’ont pas le loisir d’évoquer l’excuse du manque de talent féminin, observent les chercheurs du FMI : les femmes comptent désormais dans le monde pour près du tiers des finissants des départemen­ts de sciences économique­s et pour la moitié des diplômés en études commercial­es et en sciences sociales.

Le plus bête est que ces banques augmentera­ient leurs performanc­es et leur stabilité si elles faisaient plus de place aux femmes.

 ?? MANDEL NGAN AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La directrice du FMI, Christine Lagarde (à droite), en compagnie de Janet Yellen, présidente du Conseil des gouverneur­s de la Réserve fédérale américaine, à Washington en 2016
MANDEL NGAN AGENCE FRANCE-PRESSE La directrice du FMI, Christine Lagarde (à droite), en compagnie de Janet Yellen, présidente du Conseil des gouverneur­s de la Réserve fédérale américaine, à Washington en 2016

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