Le Devoir

Une rentrée scolaire « gratuite » aux places limitées en Sierra Leone

- SAIDU BAH À FREETOWN AGENCE FRANCE-PRESSE

Quelque deux millions d’élèves ont repris lundi le chemin de l’école en Sierra Leone, premier test pour l’enseigneme­nt gratuit dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, une réforme phare du programme du président Julius Maada Bio.

Dans la cour d’une école secondaire de la capitale Freetown, la St. Joseph’s Convent Secondary School, des dizaines d’enfants d’une douzaine d’années s’alignaient en rangs en début de matinée, les garçons portant généraleme­nt une cravate sur une chemise blanche, les jeunes filles un foulard blanc couvrant la tête et les épaules.

«Je suis heureuse d’être à l’école parce que nous sommes ici pour apprendre », se réjouissai­t l’une d’elles, Salaymatu Sall, qui a eu la chance de voir son inscriptio­n validée.

Ce n’est pas le cas pour tous les élèves et certains parents espérant encore une place lundi matin ont dû constater que l’école était pleine. En larmes devant l’école, Safiatu Sesay se disait quant à elle « très déçue » que son enfant n’ait pas été admis par manque de place.

« Nous avons refusé 30 % des inscriptio­ns parce que nous n’avons pas assez de chaises et que nous ne voulons pas dépasser le taux de 50 élèves par enseignant », a expliqué à l’Agence FrancePres­se la directrice d’une autre école, la Freetown Secondary School for Girls, Florence Kuyembeh.

Le président Julius Maada Bio, élu en avril, a fait de la mise en oeuvre d’un enseigneme­nt gratuit sa principale priorité.

En août, M. Bio a annoncé que trois mois de son salaire mensuel seraient versés pour financer ce programme, prévoyant la prise en charge par l’État des frais de scolarité et des fourniture­s. L’ancien militaire a menacé d’amendes, voire d’emprisonne­ment, les parents qui n’enverraien­t pas leurs enfants à l’école.

Sur le plan des incitation­s, pour convaincre les familles les plus pauvres d’envoyer leurs enfants à l’école plutôt que de les faire travailler dans la rue, le gouverneme­nt a prévu un programme de versement d’aide en espèces sous condition d’assiduité.

Outre le manque de places, des parents regrettaie­nt que l’ensemble des coûts de la scolarité ne soient pas couverts, contrairem­ent aux promesses des autorités.

« Le gouverneme­nt avait promis pendant la campagne électorale de fournir des livres, des uniformes, des chaussures et des bus scolaires, mais ils ne paient que pour les droits d’inscriptio­n », a déploré Idrissa Kamara.

Une cinquantai­ne de bus scolaires ne sont toujours pas arrivés dans le pays et, plus globalemen­t, le financemen­t du programme d’éducation gratuite n’est pas encore bouclé. Pour les seuls frais de scolarité, le gouverneme­nt a prévu un budget de près de 4,4 millions d’euros.

Le ministère des Finances avait indiqué la semaine dernière qu’il avait déjà payé les frais d’inscriptio­n de 1,1 million d’enfants, répartis dans 3491 écoles, pour un montant de 25,1 milliards de léones (3,91 millions de dollars), et allait débourser prochainem­ent 2,8 milliards de léones (436 000 dollars) pour quelque 158 000 élèves supplément­aires dans 531 écoles.

Après le 7e Forum sur la coopératio­n sino-africaine, qui s’est tenu au début du mois à Pékin, le ministre des Finances, Jacob Jusu Saffa, a annoncé que les 40 millions de dollars d’aide chinoise accordés à son pays seraient consacrés à ce programme d’éducation gratuite. La Banque mondiale s’est déjà engagée sur le même montant pour soutenir ce programme. La société de paris en ligne Mercury Internatio­nal a quant à elle promis de construire 80 classes, pour un montant de 1,4 million de dollars.

La moitié de la population âgée de plus de 15 ans de cette ancienne colonie britanniqu­e est analphabèt­e, selon un rapport de l’UNESCO de 2015. L’économie de ce pays dévasté par une guerre civile (1991-2002), qui a fait quelque 120 000 morts, reste fragile après les chocs de l’épidémie d’Ebola en 20142016 et de la chute des cours mondiaux des matières premières.

Outre le manque de places, des parents regrettaie­nt que l’ensemble des coûts de la scolarité ne soient pas couverts, contrairem­ent aux promesses des autorités

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