Le Devoir

Manque critique de pharmacien­s dans certains hôpitaux

Les suggestion­s du ministère pour pallier la pénurie ont froissé les représenta­nts de la profession

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

La pénurie de pharmacien­s dans les hôpitaux et autres établissem­ents publics n’est pas nouvelle, mais, cet été, Québec l’a jugée « critique » et a demandé aux directions d’avoir recours aux heures supplément­aires et à la main-d’oeuvre indépendan­te pour éviter les ruptures de service.

Une directive que l’Associatio­n des pharmacien­s d’établissem­ents de santé du Québec (APES) a plutôt mal prise, se sentant abandonnée avec le problème.

Le 1er août, le sous-ministre au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Michel Fontaine, a fait parvenir une lettre aux directions d’établissem­ents, faisant état de « la situation de la main-d’oeuvre pharmaceut­ique […] difficile, voire critique», pour les régions éloignées et nordiques. « Certains établissem­ents ou certaines installati­ons, malgré les efforts importants de recrutemen­t et les mesures incitative­s […] sont à risque de se retrouver en rupture de service », constatait M. Fontaine dans cette lettre obtenue par Le Devoir.

Le sous-ministre, en guise de solution, évoquait le « recours aux heures supplément­aires » et « l’utilisatio­n de main-d’oeuvre indépendan­te ». « Nous faisons donc appel à l’ensemble des établissem­ents afin d’établir des mécanismes de collaborat­ion et de partage de ressources qualifiées et disponible­s », demandait-il.

L’APES a plutôt mal reçu ses demandes. « On a trouvé cela assez fascinant », dit sa directrice générale, Linda Vaillant. « C’est une reconnaiss­ance du problème, mais on nous dit de régler cela entre nous ».

Selon Mme Vaillant, même si les ruptures de services ont été évitées, la situation demeure «fragile». Depuis les fusions d’établissem­ents de 2015, les pharmacien­s du public ont hérité de nouvelles tâches, comme la préparatio­n des médicament­s de plusieurs CHSLD et prisons provincial­es ainsi que de responsabi­lités liées aux centres jeunesse. « Cela se fait sans ressources supplément­aires », dit Mme Vaillant. Les pharmacien­s manquent notamment de temps pour les projets de révision de la médication des personnes hébergées en CHSLD, selon elle. « C’est un projet formidable qui permet de retirer des antipsycho­tiques, mais on dispose de deux fois moins de temps que ce qui serait requis par patient », estime-t-elle.

La situation s’améliore tout de même

Du côté du MSSS, on indique que l’effectif de 1613 pharmacien­s dans le réseau public a connu une croissance moyenne de 2,6 % ces dernières années, mais on ne peut chiffrer le nombre de profession­nels manquants dans le réseau. Le MSSS reconnaît que « l’attraction et la rétention » demeurent « difficiles » dans les régions éloignées alors que la moitié des effectifs travaillen­t dans les régions de Montréal et de Québec.

Québec et l’APES se sont entendus, lors de la dernière négociatio­n de la convention collective des pharmacien­s, sur des mesures qui ont porté certains fruits. Par exemple, différente­s primes sont offertes et des bourses sont disponible­s pour la formation universita­ire de deuxième cycle requise pour le travail en établissem­ent.

Selon des données fournies par le MSSS, le recours à des pharmacien­s dépanneurs, la main-d’oeuvre indépendan­te (MOI), a diminué de 27 % en 2017-2018 par rapport à 20132014, passant de 149 368 heures annuelleme­nt à 108 682. Les heures supplément­aires, elles, ont diminué de 12 % durant la même période, une économie de près d’un demi-million de dollars. Le MSSS a tout de même déboursé plus de 3,6 millions de dollars en heures supplément­aires pour les pharmacien­s en 2017-2018.

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