Peu de pétrole en Gaspésie
Junex évoque une production de 368 000 barils sur 40 ans
Le potentiel pétrolier du projet Galt, situé en Gaspésie, serait beaucoup plus faible que ce qui a été jusqu’ici avancé par ses promoteurs et relayé dans les médias. Il pourrait même se résumer à quelques milliers de barils, selon ce qui se dégage de documents déposés par Junex au gouvernement du Québec, au moment de demander le premier bail d’exploitation d’or noir de la province.
Les documents en question, obtenus par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) en vertu de la loi d’accès à l’information, ont été transmis au Devoir par l’organisme, qui a produit une « note socioéconomique » sur le sujet qui sera publiée mercredi.
Selon ce que précise Junex — désormais contrôlée par l’entreprise albertaine Cuda Energy — dans ces documents datés de 2016 et de 2017, la portion du gisement Galt qu’elle contrôle contiendrait des réserves « prouvées » de 20 000 barils, mais aussi des réserves « probables » de 3000 barils. Au total, selon des informations inscrites dans un rapport officiel produit cette année et disponible sur Sedar, tout le secteur Galt renfermerait des réserves prouvées et probables de 161 000 barils.
Quant aux « réserves de pétrole éventuelles récupérables », elles sont évaluées à 8,1 millions de barils. Mais, précise un document déposé en soutien de la « demande de bail d’exploitation », « il n’y a pas de certitude [indiquant] qu’il sera viable de produire commercialement aucune des ressources éventuelles ».
Dans tous les cas, ces évaluations sont nettement moins importantes que les « potentiels » évoqués au fil des ans par Junex, et repris par les médias du Québec. Selon les différents chiffres avancés, le sous-sol de la région aurait pu renfermer de 20 millions à 557 millions de barils de pétrole brut.
40 ans
Selon le chercheur de l’IRIS Bertrand Schepper, la production pétrolière « la plus optimiste » pour le projet Galt, situé à l’ouest de Gaspé, avoisinerait plutôt les deux millions de barils. Pour arriver à ce chiffre, il se base sur l’« évaluation économique » produite en vue de la demande de bail de production.
Celle-ci porte sur la « phase 1 », soit la mise en production de quatre puits déjà existants, mais dont un seul a permis d’extraire un volume de pétrole « significatif », soit Galt no 4. Junex y précise un «scénario de production» étalé sur 40 ans, qui permettrait d’extraire 367 179 barils, soit 9180 barils par année en moyenne. En supposant que les phases deux et trois suivent, comme le souhaite l’entreprise, et que plus de 30 puits soient forés, la production pourrait alors avoisiner les deux millions de barils sur quatre décennies, calcule M. Schepper.
Selon les prévisions élaborées pour la seule « phase 1 », Junex évalue les redevances pour le gouvernement à 2,2 millions de dollars sur 40 ans, et les « revenus » pour l’État à 8,3 millions. Quant aux « retombées économiques » pour le Québec, elles sont estimées à 15,3 millions.
Ainsi, non seulement les prévisions de potentiel pétrolier sont « maigres par rapport à la consommation québécoise», mais les retombées économiques seraient « marginales » pour la province, conclut l’IRIS.
L’organisme rappelle aussi que l’État a soutenu financièrement l’entreprise, notamment en versant une compensation de 5,5 millions pour l’abandon de ses permis sur Anticosti. Ressources Québec a également injecté quelques millions de dollars dans le projet Galt. « L’exploitation pétrolière n’est pas financièrement rentable, en plus d’être risquée pour l’environnement. Le gouvernement ne devrait subventionner cette industrie d’aucune manière », estime Bertrand Schepper.
Pour transporter le pétrole de la Gaspésie jusqu’aux raffineurs, Junex a par ailleurs prévu de recourir au transport routier, selon ce qui se dégage des documents. Quant au gaz naturel produit avec le pétrole, il pourrait être directement brûlé sur place.
Le bail d’exploitation n’a toujours pas été accordé pour le projet Galt. Où en est la demande ? Le gouvernement n’a pas répondu aux questions du Devoir mardi. Junex n’a pas non plus répondu