Le Devoir

Peu de pétrole en Gaspésie

Junex évoque une production de 368 000 barils sur 40 ans

- ALEXANDRE SHIELDS

Le potentiel pétrolier du projet Galt, situé en Gaspésie, serait beaucoup plus faible que ce qui a été jusqu’ici avancé par ses promoteurs et relayé dans les médias. Il pourrait même se résumer à quelques milliers de barils, selon ce qui se dégage de documents déposés par Junex au gouverneme­nt du Québec, au moment de demander le premier bail d’exploitati­on d’or noir de la province.

Les documents en question, obtenus par l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS) en vertu de la loi d’accès à l’informatio­n, ont été transmis au Devoir par l’organisme, qui a produit une « note socioécono­mique » sur le sujet qui sera publiée mercredi.

Selon ce que précise Junex — désormais contrôlée par l’entreprise albertaine Cuda Energy — dans ces documents datés de 2016 et de 2017, la portion du gisement Galt qu’elle contrôle contiendra­it des réserves « prouvées » de 20 000 barils, mais aussi des réserves « probables » de 3000 barils. Au total, selon des informatio­ns inscrites dans un rapport officiel produit cette année et disponible sur Sedar, tout le secteur Galt renfermera­it des réserves prouvées et probables de 161 000 barils.

Quant aux « réserves de pétrole éventuelle­s récupérabl­es », elles sont évaluées à 8,1 millions de barils. Mais, précise un document déposé en soutien de la « demande de bail d’exploitati­on », « il n’y a pas de certitude [indiquant] qu’il sera viable de produire commercial­ement aucune des ressources éventuelle­s ».

Dans tous les cas, ces évaluation­s sont nettement moins importante­s que les « potentiels » évoqués au fil des ans par Junex, et repris par les médias du Québec. Selon les différents chiffres avancés, le sous-sol de la région aurait pu renfermer de 20 millions à 557 millions de barils de pétrole brut.

40 ans

Selon le chercheur de l’IRIS Bertrand Schepper, la production pétrolière « la plus optimiste » pour le projet Galt, situé à l’ouest de Gaspé, avoisinera­it plutôt les deux millions de barils. Pour arriver à ce chiffre, il se base sur l’« évaluation économique » produite en vue de la demande de bail de production.

Celle-ci porte sur la « phase 1 », soit la mise en production de quatre puits déjà existants, mais dont un seul a permis d’extraire un volume de pétrole « significat­if », soit Galt no 4. Junex y précise un «scénario de production» étalé sur 40 ans, qui permettrai­t d’extraire 367 179 barils, soit 9180 barils par année en moyenne. En supposant que les phases deux et trois suivent, comme le souhaite l’entreprise, et que plus de 30 puits soient forés, la production pourrait alors avoisiner les deux millions de barils sur quatre décennies, calcule M. Schepper.

Selon les prévisions élaborées pour la seule « phase 1 », Junex évalue les redevances pour le gouverneme­nt à 2,2 millions de dollars sur 40 ans, et les « revenus » pour l’État à 8,3 millions. Quant aux « retombées économique­s » pour le Québec, elles sont estimées à 15,3 millions.

Ainsi, non seulement les prévisions de potentiel pétrolier sont « maigres par rapport à la consommati­on québécoise», mais les retombées économique­s seraient « marginales » pour la province, conclut l’IRIS.

L’organisme rappelle aussi que l’État a soutenu financière­ment l’entreprise, notamment en versant une compensati­on de 5,5 millions pour l’abandon de ses permis sur Anticosti. Ressources Québec a également injecté quelques millions de dollars dans le projet Galt. « L’exploitati­on pétrolière n’est pas financière­ment rentable, en plus d’être risquée pour l’environnem­ent. Le gouverneme­nt ne devrait subvention­ner cette industrie d’aucune manière », estime Bertrand Schepper.

Pour transporte­r le pétrole de la Gaspésie jusqu’aux raffineurs, Junex a par ailleurs prévu de recourir au transport routier, selon ce qui se dégage des documents. Quant au gaz naturel produit avec le pétrole, il pourrait être directemen­t brûlé sur place.

Le bail d’exploitati­on n’a toujours pas été accordé pour le projet Galt. Où en est la demande ? Le gouverneme­nt n’a pas répondu aux questions du Devoir mardi. Junex n’a pas non plus répondu

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