Géométrie variable
Plusieurs parents qui s’attendaient à ne plus payer de frais pour que leurs enfants fréquentent l’école publique ont déchanté à la rentrée. Le Devoir révélait lundi que des parents ont dû débourser des centaines de dollars et que la gratuité scolaire, ou sa limite, varie d’une commission scolaire à l’autre, voire d’une école à l’autre. Pourtant, à la suite d’une action collective qui a forcé les commissions scolaires à rembourser 150 millions aux parents, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a voulu clarifier les choses en diffusant en juin dernier une directive sur la gratuité des services éducatifs.
Selon cette directive et un avis juridique commandé par l’Association des directions générales des commissions scolaires, si les cahiers d’exercices et autres fournitures ainsi que les uniformes et les sacs d’école sont à la charge des parents, les écoles ne peuvent plus exiger des frais d’admission et d’inscription, y compris pour les programmes particuliers, ni des sommes pour les sorties et les activités éducatives.
Mais la confusion persiste. Ainsi, une école a réclamé des frais de 150 $ pour une élève inscrite dans une option en musique, dont on ne peut dire qu’il ne s’agit pas d’une activité éducative.
Les frais exigés pour le programme international (PEI) oscillent d’une école à l’autre, de quelques centaines dollars à 500 et même 1000 $ par an. En principe, si les écoles ont renoncé à facturer leurs propres frais administratifs, elles continuent de réclamer aux parents les frais que lui demande l’Organisation du baccalauréat international, qui chapeaute le programme à l’échelle mondial, ce qui serait conforme à la Loi. À cela, s’ajoutent les salaires de leur personnel qui assure la coordination. Pour les programmes sport-études, les frais assumés par les parents sont souvent très élevés et dépendent en partie des fédérations sportives.
Déjà en juin, Sébastien Proulx reconnaissait que l’enjeu de la gratuité scolaire n’était pas réglé et projetait de lancer une vaste réflexion sur le sujet. Lundi, Philippe Couillard s’engageait à déposer un projet de loi à ce sujet, indiquant qu’il ne devrait pas y avoir d’obstacles financiers empêchant un élève de s’inscrire à un programme particulier. Tant la Coalition avenir Québec que Québec solidaire ont aussi promis de clarifier la Loi sur l’instruction publique à cet égard.
Or il est clair que ces obstacles existent à l’heure actuelle.
Le prochain gouvernement ne pourra pas simplement ordonner aux commissions scolaires d’assurer la gratuité des programmes particuliers sans les dédommager pour le manque à gagner. Ce serait réduire les fonds alloués aux classes ordinaires pour subventionner les programmes particuliers sélectifs qui accueillent surtout des élèves provenant de la classe moyenne et des milieux favorisés, comme l’a fait observer le Conseil supérieur de l’éducation. Le gouvernement doit choisir entre éliminer les frais liés aux programmes particuliers — la note serait lourde, mais ce serait conforme à l’esprit de la Loi sur l’instruction publique — ou encore les supprimer seulement pour les élèves dont les parents ne peuvent les acquitter.
Chose certaine, dans la mesure où les commissions scolaires tiennent à offrir des programmes particuliers afin de répondre aux voeux de nombreux parents et ainsi faire concurrence à l’école privée, aucun élève motivé, quel que soit le milieu socio-économique dont il est issu, ne devrait voir les portes d’un de ces programmes se fermer devant lui en raison de l’impécuniosité de ses parents. Il en va du fondement même de l’école publique et de sa gratuité.
Le prochain gouvernement ne pourra pas simplement ordonner aux commissions scolaires d’assurer la gratuité des programmes particuliers sans les dédommager pour le manque à gagner