Le Devoir

Géométrie variable

- ROBERT DUTRISAC

Plusieurs parents qui s’attendaien­t à ne plus payer de frais pour que leurs enfants fréquenten­t l’école publique ont déchanté à la rentrée. Le Devoir révélait lundi que des parents ont dû débourser des centaines de dollars et que la gratuité scolaire, ou sa limite, varie d’une commission scolaire à l’autre, voire d’une école à l’autre. Pourtant, à la suite d’une action collective qui a forcé les commission­s scolaires à rembourser 150 millions aux parents, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a voulu clarifier les choses en diffusant en juin dernier une directive sur la gratuité des services éducatifs.

Selon cette directive et un avis juridique commandé par l’Associatio­n des directions générales des commission­s scolaires, si les cahiers d’exercices et autres fourniture­s ainsi que les uniformes et les sacs d’école sont à la charge des parents, les écoles ne peuvent plus exiger des frais d’admission et d’inscriptio­n, y compris pour les programmes particulie­rs, ni des sommes pour les sorties et les activités éducatives.

Mais la confusion persiste. Ainsi, une école a réclamé des frais de 150 $ pour une élève inscrite dans une option en musique, dont on ne peut dire qu’il ne s’agit pas d’une activité éducative.

Les frais exigés pour le programme internatio­nal (PEI) oscillent d’une école à l’autre, de quelques centaines dollars à 500 et même 1000 $ par an. En principe, si les écoles ont renoncé à facturer leurs propres frais administra­tifs, elles continuent de réclamer aux parents les frais que lui demande l’Organisati­on du baccalauré­at internatio­nal, qui chapeaute le programme à l’échelle mondial, ce qui serait conforme à la Loi. À cela, s’ajoutent les salaires de leur personnel qui assure la coordinati­on. Pour les programmes sport-études, les frais assumés par les parents sont souvent très élevés et dépendent en partie des fédération­s sportives.

Déjà en juin, Sébastien Proulx reconnaiss­ait que l’enjeu de la gratuité scolaire n’était pas réglé et projetait de lancer une vaste réflexion sur le sujet. Lundi, Philippe Couillard s’engageait à déposer un projet de loi à ce sujet, indiquant qu’il ne devrait pas y avoir d’obstacles financiers empêchant un élève de s’inscrire à un programme particulie­r. Tant la Coalition avenir Québec que Québec solidaire ont aussi promis de clarifier la Loi sur l’instructio­n publique à cet égard.

Or il est clair que ces obstacles existent à l’heure actuelle.

Le prochain gouverneme­nt ne pourra pas simplement ordonner aux commission­s scolaires d’assurer la gratuité des programmes particulie­rs sans les dédommager pour le manque à gagner. Ce serait réduire les fonds alloués aux classes ordinaires pour subvention­ner les programmes particulie­rs sélectifs qui accueillen­t surtout des élèves provenant de la classe moyenne et des milieux favorisés, comme l’a fait observer le Conseil supérieur de l’éducation. Le gouverneme­nt doit choisir entre éliminer les frais liés aux programmes particulie­rs — la note serait lourde, mais ce serait conforme à l’esprit de la Loi sur l’instructio­n publique — ou encore les supprimer seulement pour les élèves dont les parents ne peuvent les acquitter.

Chose certaine, dans la mesure où les commission­s scolaires tiennent à offrir des programmes particulie­rs afin de répondre aux voeux de nombreux parents et ainsi faire concurrenc­e à l’école privée, aucun élève motivé, quel que soit le milieu socio-économique dont il est issu, ne devrait voir les portes d’un de ces programmes se fermer devant lui en raison de l’impécunios­ité de ses parents. Il en va du fondement même de l’école publique et de sa gratuité.

Le prochain gouverneme­nt ne pourra pas simplement ordonner aux commission­s scolaires d’assurer la gratuité des programmes particulie­rs sans les dédommager pour le manque à gagner

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