L’effet #MeToo
La Commission judiciaire du Sénat pose un geste tout à fait inhabituel en rouvrant les audiences de confirmation du juge Brett Kavanaugh, le candidat ultraconservateur de Donald Trump à la Cour suprême. Par souci de « transparence », a annoncé son président républicain, Chuck Grassley, la Commission a décidé de convoquer lundi prochain en audience publique le juge Kavanaugh et Christine Blasey Ford, la femme qui l’accuse de tentative de viol pour des faits remontant aux années 1980.
On ne peut certainement pas présumer des conséquences du report de ce vote de confirmation. Il est en fait fort possible que l’homme de 53 ans survivra à cette mise en accusation et que, même devant l’évidence de sa culpabilité, il deviendra au bout du compte juge à la Cour suprême, comme cette affaire s’inscrit dans une grande guerre entre démocrates et républicains pour le contrôle idéologique du plus haut tribunal des États-Unis. On ne s’interdira pas pour autant de souligner que le geste de la commission du Sénat, une chambre dont les trois quarts des élus sont des hommes, découle au moins en partie de la prise de parole féministe engendrée par le mouvement #MeToo.
Il n’a pas grand raison jusqu’à maintenant de douter de la parole de Mme Blasey, pour la seule raison qu’il en faut du courage à une femme pour dénoncer son agresseur, et plus encore s’il s’agit d’un homme influent — soutenu dans ce cas-ci par la machine républicaine. Au Washington Post, elle a fait état de façon détaillée et crédible de la violence dont elle a été victime. En l’occurrence, il n’y a manifestement pas lieu de penser, comme essaient par ailleurs de le faire croire certains républicains, que cette professeure de psychologie est à la solde de machinations démocrates pour faire échouer la nomination de M. Kavanaugh avant les législatives américaines de mi-mandat.
Évidemment que M. Kavanaugh bénéficie de la présomption d’innocence. Reste que, face aux affirmations de Mme Blasey, sa défense manque de crédibilité, ainsi que le souligne, entre autres, le New York Times. C’est qu’à dénier des accusations « complètement fausses », sa défense mime le comportement de M. Trump, lequel, face à des accusatrices qu’il a luimême nombreuses, ne sait guère qu’opposer le mépris et le mensonge. Qu’au final il devienne juge à la Cour suprême et sa confirmation se fera forcément sous le même signe.