Quand vous irez aux urnes, le 1er octobre
Un peuple, c’est une langue et une culture. Avec un système de lois et un territoire, ajoutait Abraham Lincoln. Et c’est le nationalisme, poursuit Claude Hagège, du Collège de France, qui sauve l’une et l’autre, la langue et la culture.
Or, 53 % d’entre nous sont analphabètes fonctionnels, notre nationalisme est vu comme une démence entretenue, notre culture étouffe entre les griffes de médias et de commerçants qui vivent en vendant dans la langue et la culture du Canada, et notre loi québécoise no 101, celle qui protège notre langue et notre culture, a été charcutée par la loi du Canada, alors même que la Constitution du Canada ne reconnaît pas l’existence de notre nation québécoise. Ce n’est pas difficile à comprendre, on vit dans sa langue et sa culture, sinon on disparaît.
Je suis né et ai grandi aux États-Unis d’Amérique, dans une petite ville de la NouvelleAngleterre. Franco-américain, direz-vous, sourire aux lèvres. Non ! Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de franco-américanie. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de langue ni de culture franco-américaines non plus. Il y a l’Amérique dominante, et des Américains dominants. Point ! Les Franco-Américains le savaient, eux qui vivaient dans ces fausses oasis de fausse sécurité linguistique et culturelle appelées « petits Canada ». Ils ont disparu, devenus américains. Comme les Canadiens français. Il n’y a jamais eu de canado-franconie ou de franco-canadianie. Au commencement, il y avait les arrivants de France, occupant une terre qui appartenait à d’autres, les Autochtones, qui avait un nom, le Kanata, en wendat, dont un morceau s’appelait Kébek, en algonquin. Les premiers Kébékois étaient des Kanadiens, et vice versa. Les Québécois l’ont compris en cherchant l’indépendance, car ils savent qu’il n’y a pas, qu’il n’y a jamais eu de langue ni de culture franco-canadiennes et que sans l’indépendance, ils disparaîtront sous le poids des dominants Canadians comme, ailleurs, les FrancoAméricains, les Tibétains et les Canadiens français. Quand vous irez aux urnes, le 1er octobre, rappelez-vous que si vous votez caquiste ou Parti libéral, vous voterez pour le Canada. Rappelez-vous, surtout, qu’on vit dans sa langue et sa culture, sinon on disparaît — un petit morceau d’humanité avec soi. Lucien Morin, Américain, migrant, néo-Québécois, professeur émérite à l’Université Laval Le 16 septembre 2018