Le Devoir

Le plastique dans les océans constitue un enjeu politique

- Président de la Confédérat­ion africaine des organisati­ons de pêche artisanale (CAOPA) Secrétaire général du Regroupeme­nt des écoles de pêche francophon­es (REPF) Gaoussou Gueye Marc Millette

Le 9 juin 2018, le G7 réservait une séance de travail à la santé des océans. Le Plan d’action de Charlevoix pour la santé des océans, des mers et des communauté­s côtières résiliente­s a été adopté à cette occasion, de même qu’une Charte sur les plastiques.

Le Plan d’action de Charlevoix évoque avec force l’interdépen­dance qui existe entre la santé des océans et le bien-être des communauté­s côtières, dont les pêcheurs artisans et les aquaculteu­rs, ainsi que les fermes distributr­ices et transforma­trices des produits de la pêche. Loin de s’atténuer, cette interdépen­dance s’est renforcée au cours des dernières décennies sous l’effet de la dégradatio­n des écosystème­s aquatiques et de la pollution marine.

Le cas du plastique

Les déchets de plastique dans les océans ont revêtu avec raison une importance particuliè­re lors des discussion­s du G7 parce qu’ils constituen­t une menace pour les écosystème­s marins et la santé humaine, tout en constituan­t une perte importante de valeur sur le plan économique, de ressources et d’énergie.

Objets flottants ou microparti­cules immergées, ces déchets sont dispersés dans les eaux ; ils sont présents dans les fonds marins ; ils souillent des plages autrefois considérée­s comme paradi- siaques. L’omniprésen­ce des matières plastiques dans les océans est telle que plusieurs parlent maintenant de l’apparition de nouveaux « continents ».

Ici comme ailleurs, les solutions à la présence des déchets de plastique sont cependant bien connues : elles se trouvent dans la mer et sur la terre, dans l’action individuel­le et collective. Elles interpelle­nt chacun d’entre nous afin qu’il applique des mesures efficaces, durables et pourquoi pas novatrices. Par exemple:

Éviter le recours inutile aux plastiques, notamment ceux à usage unique, et réduire l’utilisatio­n de ce matériau dans la vie quotidienn­e.

Prévenir et éviter la production de plastiques, en particulie­r ceux à usage unique. Plusieurs pays, notamment en Afrique, ont par exemple adopté des lois pour bannir la production et l’utilisatio­n de sachets de plastique.

Éviter les déchets de plastique en s’assurant que les plastiques sont récupérés, réutilisés, recyclés et gérés selon leur cycle de vie. Doter les collectivi­tés, particuliè­rement celles des zones névralgiqu­es et vulnérable­s, d’infrastruc­tures destinées à la collecte et au traitement des matières plastiques.

Gérer les déchets de plastique de façon à ce qu’ils soient éliminés de manière non polluante.

Nettoyer périodique­ment les plages et prévenir la perte ou l’abandon d’engins de pêche en milieu aquatique.

Impact sur les communauté­s

Dans ce contexte, les organisati­ons qui regroupent les pêcheurs artisans ainsi que les fermes distributr­ices et transforma­trices des produits de la pêche peuvent jouer un rôle important, car les communauté­s côtières sont les premières victimes des déchets plastiques. En effet, le plastique dans les océans est un enjeu social et économique qui menace la sécurité alimentair­e et leur gagne-pain, un enjeu dont l’opportunit­é et surtout l’urgence d’agir ne font pas de doute et sur lequel il est possible d’exercer une influence concrète et réelle avec des effets immédiats comme à long terme. Cependant, il ne faut pas sousestime­r la difficulté pour ces organisati­ons d’agir, vu leur morcelleme­nt, vu aussi leur faiblesse comparativ­ement aux grands lobbys industriel­s.

Le plastique dans les océans constitue aussi un enjeu politique pour les organisati­ons de pêcheurs artisans, car il fait appel à leur mobilisati­on pour contribuer à l’enlèvement des déchets plastiques dans les zones côtières, notamment dans les villes, et à leur leadership dans la promotion de pratiques exemplaire­s de production et la diffusion de procédés de transforma­tion plus durables dans le secteur de la pêche. D’où la nécessité d’éduquer tant les citoyens que les organisati­ons de pêche artisanale, leurs dirigeants et leurs membres à la prévention et à la réduction de la production de déchets plastiques, à la pollution par les plastiques et à l’éliminatio­n des déchets marins : dans le cas des profession­nels de la pêche, ce sont ces trois compétence­s que les écoles de pêche devraient s’efforcer d’enseigner et d’inscrire dans leur programme de formation.

Les gouverneme­nts devraient également reconnaîtr­e le rôle des communauté­s de pêche pour récupérer les déchets plastiques en mer et sur les plages, et soutenir de façon appropriée les efforts des communauté­s en la matière.

Le 20 septembre aura lieu à Halifax une réunion des ministres du G7 responsabl­es des océans afin de discuter du Plan d’action de Charlevoix et de l’impact des déchets de plastique. Il faut espérer que les décideurs du G7 voient les organisati­ons regroupant pêcheurs artisans et fermes distributr­ices et transforma­trices des produits de la pêche comme des organisati­ons qui sont en première ligne des changement­s qu’impose une gestion durable des déchets marins de plastique.

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