Le prix du carbone est beaucoup trop faible, estime l’OCDE
Les gouvernements doivent l’augmenter sans tarder, selon l’organisme
Au rythme où vont les choses, il faudra attendre jusqu’aux derniers moments du XXIe siècle pour que le prix du carbone soit suffisamment élevé afin de compenser le coût réel des émissions de gaz à effet de serre dans la lutte contre les changements climatiques.
Selon un rapport publié mardi par l’OCDE, la tarification du carbone, qui gagne du terrain lentement, n’impose pas un prix assez contraignant à l’heure actuelle, raison pour laquelle les gouvernements auraient intérêt à l’augmenter « beaucoup plus vite ».
Pour donner le portrait de l’état des lieux de la tarification du carbone dans le monde, l’organisme a comparé les niveaux actuels de tarification aux coûts réels des changements climatiques, estimés à 30euros par tonne. Résultat : sur les 42 pays membres de l’OCDE et du G20, le « déficit de tarification » est de 76,5 %, en baisse de trois points par rapport à 2015.
« Le déficit se réduit, mais l’amélioration est lente. Si elle se poursuivait au rythme de 1 point de pourcentage par an, le déficit serait comblé en 2095 », a écrit l’OCDE. « Les prix du carbone doivent augmenter bien plus rapidement que ces dernières années pour garantir une transition efficace par rapport à son coût vers une économie bas carbone. »
Le plan du gouvernement de Justin Trudeau, dévoilé en 2016, prévoyait un prix du carbone qui passerait de 10 $ la tonne en 2018 pour augmenter graduellement afin d’atteindre 50$ en 2022. Lors de la plus récente vente aux enchères de droits d’émissions organisée par le Québec et la Californie, les droits ont été vendus au prix de 19,77 $ pour les années 2016 et 2018, et au prix de 19,57 $ pour le millésime 2021.
Or en juxtaposant un prix de référence de 30 euros au prix actuel qui circule dans les marchés, l’OCDE a conclu que c’est dans le secteur du transport que le déficit de tarification est le moins grand, soit 21 %. Le secteur industriel, à l’opposé, présente un déficit de tarification de 91 %.
Quant au secteur de l’électricité et aux domaines résidentiel et commercial, le déficit de tarification est de 80 %, selon l’organisme. « Les deux tiers des émissions dues au secteur de l’électricité seront payantes lorsque le système national chinois d’échange de permis d’émission entrera en vigueur», a nuancé l’OCDE. « Mais avec des permis d’émission à un prix bien en deçà de 30 euros la tonne, le déficit de tarification du carbone demeurera important. »
L’OCDE a aussi dressé un palmarès des pays en fonction de leur déficit en matière de tarification, là encore en comparant le prix du carbone qu’on y retrouve avec un prix de référence de 30 euros. La Suisse se classe au premier rang avec 27 %, suivie du Luxembourg (30%), de la Norvège (34%) et de la France (41 %). Le Canada se situe en milieu de peloton avec 65 %. Parmi les autres pays figurent le Mexique à 68 %, les États-Unis à 75 %, l’Inde à 86 %, la Chine à 90 % et la Russie à 100 %.
La tarification du carbone au Canada comptait le Québec, l’Alberta et l’Ontario, mais l’élection de Doug Ford est venue brouiller les cartes. Le nouveau premier ministre ontarien compte s’engager dans une lutte devant les tribunaux pour empêcher que le plan fédéral s’applique unilatéralement en Ontario, un filet de sécurité conçu particulièrement pour convaincre les provinces récalcitrantes. La Saskatchewan refuse elle aussi d’embarquer, tout comme le chef conservateur albertain, Jason Kenney, qui prévoit le même geste s’il est élu premier ministre de sa province.
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