Le Devoir

Les droits des manifestan­ts ont été brimés au G7

Un autre rapport d’observateu­rs dénonce une sécurité excessive

- LISA-MARIE GERVAIS

Le déploiemen­t des forces policières a été abusif lors du sommet du G7 l’été dernier et a créé « un climat de peur et d’intimidati­on » qui a brimé les droits des manifestan­ts. C’est ce que révèle un rapport de la mission d’observatio­n d’Amnistie internatio­nale et de la Ligue des droits et libertés, qui abonde dans le sens de celui des observateu­rs indépendan­ts mandatés par le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux. Ce rapport, rendu public en août, avait aussi conclu que le déploiemen­t excessif des forces policières au sommet qui s’est tenu dans Charlevoix a pu constituer une entrave non justifiée à la liberté de manifester.

« On dénote une tendance mondiale, et on n’y a pas fait exception, à malheureus­ement restreindr­e la liberté d’expression devant des préparatif­s excessifs et une présence policière non justifiée et c’est quelque chose qu’on dénonce », a dit Geneviève Paul, directrice générale d’Amnistie internatio­nale. «On ne le voit pas qu’en Chine ou en Iran, mais aussi en France et aux États-Unis, alors on s’inquiète du fait que les policiers et les politicien­s aient conclu à une interventi­on de sécurité réussie au G7. »

Selon Mme Paul, ce n’est pas parce qu’il y a eu peu d’arrestatio­ns et d’altercatio­ns que l’opération de sécurité doit être considérée comme un succès. À son avis, peu de manifestan­ts se sont présentés, car ils ont eu peur et n’avaient pas de réel espace pour exprimer leur mécontente­ment. « Les indicateur­s sur lesquels ils se basent ne sont pas les bons. Les gens ont eu peur alors ils ne sont pas allés manifester, et ceux qui y sont allés vivaient dans un climat de peur. C’est ce qui devrait être l’indicateur pour mesurer le succès ou non d’une opération. »

Médias brimés et arrestatio­ns

En plus de tout ce qu’ils qualifient de « surprépara­tion » des policiers, les observateu­rs d’Amnistie internatio­nale et de la Ligue des droits et libertés dénoncent les tactiques utilisées pendant le déroulemen­t du sommet du G7. Confinemen­t en souricière, pointage d’armes sur des gens et port de fusil d’assaut, intimidati­on de représenta­nts des médias… « On a vu plusieurs policiers pour extraire une seule personne qui ne résistait même pas. Un tel recours à la force n’était pas justifié », a dit Mme Paul. Les observateu­rs dénoncent également les arrestatio­ns abusives de huit personnes — il y en aurait eu dix au total — et les accusation­s qui ont suivi. « Ils ont été arrêtés pour manifestat­ion illégale en vertu du règlement municipal de Québec parce que l’itinéraire n’a pas été transmis, mais ça ne doit pas se traduire par une accusation d’attroupeme­nt illégal en vertu du code criminel», ce qui a pourtant été fait, déplore-t-elle.

Le rapport fait état de près de 20 recommanda­tions concrètes s’adressant notamment au ministère de la Justice, au Directeur des poursuites criminelle­s et pénales, aux corps policiers et aux gouverneme­nts provincial et fédéral. « La première, c’est que [les gouverneme­nts] réaffirmen­t l’importance du droit à la liberté d’expression. On craint que ce qui s’est passé ait un impact sur les prochains rassemblem­ents au Québec et au Canada, alors c’est quelque chose qui peut être fait dès maintenant.

« On se prépare toujours au pire »

La porte-parole de la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC) a dit ne pas avoir encore eu le temps de lire le rapport, mais entend tenir compte des commentair­es. « On va réévaluer les choses et certaines peuvent peut-être être faites différemme­nt aux prochains sommets. On ne va pas tenir pour acquis qu’on n’a pas à changer, mais on ne peut pas se blâmer d’avoir été trop préparés par rapport à l’informatio­n qu’on avait », a affirmé Camille Habel.

La sécurité a été élaborée en fonction d’un coup de sonde sur ce qui préoccupai­t les citoyens et des informatio­ns des services de renseignem­ents. Et selon elle, vaut mieux être trop préparé que pas assez. « On se prépare toujours au pire », a-t-elle indiqué, en précisant que le droit de manifester est fondamenta­l et qu’il se doit d’être respecté.

Alors, pourquoi ne pas avoir réduit les effectifs en voyant qu’à peine quelques centaines de manifestan­ts étaient sur place, comme le déplorent les observateu­rs ? « On ne sort pas la cavalerie au complet chaque fois qu’une manifestat­ion commence», a-t-elle assuré. « Mais si, en cours de route, le nombre de [manifestan­ts] diminue, les policiers du groupe de maintien de l’ordre ne peuvent pas se séparer, il y a certaines règles de déploiemen­t à respecter. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Amnistie internatio­nale et la Ligue des droits et libertés ont à leur tour dénoncé les tactiques employées par la police lors du sommet du G7.

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