Le Devoir

Dans les câbles

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En une semaine, les adversaire­s de François Legault ont réussi à faire ce dont ils avaient été incapables depuis un an : l’ébranler sérieuseme­nt. Depuis quelques jours, le chef de la CAQ a l’air d’un boxeur sonné. Sa performanc­e très moyenne lors du premier débat en français, ses gaffes à répétition sur la question de l’immigratio­n, suivies d’une autre performanc­e difficile lors du débat en anglais, ont semé un sérieux doute.

Le dernier sondage Léger-Québecor permet d’évaluer les dommages. En une semaine, l’avance que la CAQ détenait sur le PLQ a été réduite de six à un point. Elle a perdu six points dans l’électorat francophon­e et le choix des électeurs caquistes est maintenant moins définitif que celui des libéraux et des péquistes.

Cette « spirale négative » peut-elle encore être stoppée ? Une majorité parlementa­ire semble maintenant hors de portée de la CAQ. Il s’agit plutôt de savoir si M. Legault dirigera un gouverneme­nt minoritair­e ou s’il deviendra le chef de l’opposition officielle.

Il est rarissime qu’on sente le besoin de faire parader les candidats vedettes d’un parti devant les caméras pour réitérer leur confiance dans leur chef, en assurant qu’il est toujours « l’homme de la situation ».

Ceux qui se voyaient déjà ministres doivent commencer à craindre d’avoir lâché la proie pour l’ombre. On a longtemps reproché à la CAQ l’absence d’une équipe qui puisse rassurer la population sur sa capacité de gouverner. Maintenant que M. Legault a réussi à réunir cette équipe, c’est lui qui échappe le ballon en faisant étalage d’un amateurism­e inquiétant.

Comme cela arrive inévitable­ment quand les choses tournent mal, ses partisans s’en prennent aux médias, qui prendraien­t un malin plaisir à le piéger. Certes, on ne peut pas exiger d’un chef de parti qu’il soit expert en tout, mais on est certaineme­nt en droit d’attendre qu’il ait un peu réfléchi aux implicatio­ns de ce qu’il propose.

Un minimum de culture politique est également requis. Il est aberrant qu’un aspirant au poste de premier ministre du Québec soit incapable de nommer la seule province officielle­ment bilingue au Canada.

M. Legault accuse le premier ministre Couillard de faire diversion en tentant d’imposer l’immigratio­n comme enjeu central de la campagne, alors qu’elle devrait porter avant tout sur son bilan. Il a parfaiteme­nt raison, mais cela semble réussir. Au train où vont les choses, la fameuse « question de l’urne » pourrait bien être « François Legault a-t-il la compétence requise pour diriger le Québec ? ». Dans la situation où il se retrouve, on peut facilement imaginer à quel point le chef caquiste sera nerveux jeudi soir quand il se mesurera aux trois autres chefs dans un troisième débat télévisé en une semaine.

Le chef de la CAQ est le premier à savoir qu’il n’a pas l’aisance verbale du premier ministre Couillard ou de Jean-François Lisée, mais il avait toujours réussi à compenser ce handicap en donnant l’impression d’être un homme de solide bon sens, à défaut d’être très subtil.

Lors des débats de 2012 et 2014, il avait obtenu d’excellents résultats en se portant résolument à l’attaque. Il ne gagnera jamais un débat par la finesse. Il ne peut pas davantage se contenter de contrer les coups. Il doit foncer dans le tas.

Le sondage est décevant pour le PQ. De l’avis général, JeanFranço­is Lisée a mené la meilleure campagne jusqu’à présent, y compris lors des deux premiers débats télévisés. Pourtant, les intentions de vote du PQ stagnent.

Soit, il est maintenant le deuxième choix des électeurs caquistes et solidaires. Le problème est que tout transfert des voix de la CAQ vers le PQ avantage le PLQ en accentuant la division du vote francophon­e.

Objectivem­ent, libéraux et péquistes sont devenus des alliés objectifs. On peut toujours concevoir que le premier ministre Couillard trouve le « test des valeurs » de la CAQ pire que la charte de laïcité du PQ, même si les mots lui manquaient pour exprimer son indignatio­n à l’époque.

Il est cependant bien difficile de croire que M. Lisée le trouve plus dommageabl­e que les compressio­ns budgétaire­s décrétées par le gouverneme­nt Couillard durant la première moitié de son mandat, dont il n’a cessé de dénoncer la cruauté.

Entre deux maux, il faut choisir le moindre. Pour le PQ, la CAQ constitue une menace bien plus grande que le PLQ. Les deux premiers partagent largement le même électorat, tandis que les transferts du PQ au PLQ et vice-versa sont plutôt rares. La CAQ pourrait finir par faire disparaîtr­e le PQ, alors que le fédéralism­e inconditio­nnel du PLQ le rend nécessaire.

D’ici la fin de la campagne, François Legault aurait intérêt à clamer haut et fort qu’un vote pour le PQ est un vote pour les libéraux.

Il est aberrant qu’un aspirant au poste de premier ministre du Québec soit incapable de nommer la seule province officielle­ment bilingue au Canada

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