Le Devoir

Attention à l’inflation !

- JEAN-ROBERT SANSFAÇON

Pendant que les négociatio­ns se poursuiven­t péniblemen­t pour la signature d’un nouvel accord de libre-échange Canada–États-Unis, Washington vient d’imposer des tarifs de 10 % sur plus de 200 milliards $US de produits chinois. Tarifs qui seront portés à 25 % en janvier.

En juin dernier, la Maison-Blanche avait déjà lancé une première salve visant 50 milliards de biens en provenance de Chine, aussitôt suivie d’une réplique chinoise du même ordre.

Lundi, le président Trump a averti les autorités chinoises que toutes nouvelles représaill­es de leur part entraînera­ient l’imposition de tarifs sur une tranche supplément­aire de 267 milliards de dollars d’importatio­ns. Aussi bien dire la totalité des importatio­ns de Chine. La seule façon de régler le conflit, a tweeté M. Trump, est d’ouvrir plus largement le marché chinois aux produits américains et de respecter les droits intellectu­els.

Le jour même de cette déclaratio­n du président, la Chine ripostait. Modestemen­t, il faut le préciser, en imposant des tarifs de 5 % à 10 % sur 60 milliards de dollars de produits américains tels les légumes surgelés et le gaz liquéfié. Ce qui a fait dire à M. Trump que les Chinois tentaient de s’immiscer dans la campagne électorale de mi-mandat en visant les agriculteu­rs et les ouvriers des États républicai­ns…

Un des effets directs de la guerre commercial­e entreprise par Donald Trump est l’augmentati­on des prix d’une multitude de produits importés et locaux qui utilisent des composante­s importées. On pense à l’électroniq­ue, aux électromén­agers, etc.

À la suite d’une rencontre récente avec le président Trump, le grand patron d’Apple a obtenu une exemption pour les produits de sa marque, mais cela ne saurait durer si Washington étend ses mesures à la totalité des importatio­ns chinoises. Et si Apple veut éviter ces tarifs, il devra fabriquer ses gadgets aux États-Unis. Comme si la fabricatio­n était tout ce qui comptait dans la mise en marché d’un iPhone. Comme si le monde entier allait se contenter d’acheter des produits entièremen­t conçus et fabriqués aux États-Unis sans rien exiger en contrepart­ie.

D’autres multinatio­nales comme Cisco, HP ou Dell n’ont pas été épargnées, de même que des milliers de produits de consommati­on courante, comme les vêtements et les jouets dont la fabricatio­n dans les usines chinoises explique en bonne partie les faibles taux d’inflation des vingt dernières années.

Au Canada, les patrons des grandes chaînes d’alimentati­on viennent aussi de prévenir les consommate­urs que les prix des aliments allaient grimper. « Nous faisons face à ce que je décrirais comme un tsunami de demandes d’augmentati­on des coûts liées aux tarifs de la part de nos fournisseu­rs », déclarait le chef de la direction d’Empire (IGA et Sobeys) plus tôt cette semaine.

« Une guerre commercial­e est facile à gagner », disait Donald Trump l’an dernier. Il est trop tôt pour conclure qu’il avait tort ou raison du point de vue américain, mais il est certain que ses principaux partenaire­s commerciau­x en paient le prix fort.

Pour le Canada, la menace du président d’imposer des tarifs de 25 % sur les voitures importées d’Ontario et l’incertitud­e quant à l’avenir de l’ALENA pèsent déjà sur la décision d’investir des entreprise­s.

Même si le comporteme­nt de Donald Trump est pour le moins primaire d’un point de vue économique et risque de lui faire perdre la majorité à la Chambre des représenta­nts, cela n’entame aucunement sa déterminat­ion. Les États-Unis n’ont plus d’alliés commerciau­x : ils n’ont que des adversaire­s dont ils s’attendent à tirer le plus grand profit immédiat, bien qu’ils soient déjà la nation la plus puissante, la plus riche et la plus impérialis­te de la planète.

Devant tant de gourmandis­e, le Canada risque de perdre des plumes, mais il ne peut pas céder pour autant à tous les caprices d’un homme mû par une idéologie aussi passéiste. Dépendants comme nous le sommes du marché américain, il faut nous attendre à devoir faire des concession­s, par exemple en agricultur­e, où les syndicats parlent des deux côtés de la bouche en revendiqua­nt une ouverture totale des marchés pour le porc et le boeuf et une fermeture hermétique pour le lait, le poulet et les oeufs. Mais les États-Unis doivent en faire aussi, notamment sur l’exception culturelle et le maintien d’un mécanisme neutre de règlement des différends. À n’en pas douter, les prochains jours seront déterminan­ts.

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