Dentelle militaire
Diane Rouxel débarque au FCVQ avec Volontaire ou le parcours d’une aspirante béret vert
Campé à l’École navale de Brest, en France, Volontaire réserve maintes surprises, à commencer par sa teneur sentimentale ainsi que son ton, littéraire. Ce récit, écrit et mis en scène par Hélène Fillière, sur une jeune femme surdiplômée qui s’engage au hasard dans la marine avant de s’employer à l’obtention ardue du béret vert, est à des lieues du « glamourisant » et involontairement kitsch G.I. Jane de Ridley Scott. Venue présenter le film au Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ), Diane Rouxel incarne cette héroïne menue, mais déterminée, et qui causera bien des émois silencieux au commandant défendu par Lambert Wilson.
Car, en filigrane de ce parcours de la combattante, se tisse une histoire d’amour ; un amour tu, et longtemps inconscient, qui naît entre l’aspirante Laure Baer (Rouxel) et le commandant Yann Rivière (Wilson). « Je crois que la première chose qui m’a séduite, c’est qu’à la lecture du scénario, j’ai eu envie de ressembler au personnage», explique Diane Rouxel, remarquée dans La tête haute d’Emmanuelle Bercot, qui, en amont, s’est dûment entraînée.
« J’aimais cette jeune femme qui n’est pas ce qu’elle semble être: elle a l’air toute frêle, mais derrière ça, il y a une grande force. Et puis, il y a cet amour impossible, qui m’a émue. »
Amour impossible qui, en l’occurrence, évite les clichés et les évidences, car abordé en demi-teintes.
« Il y a énormément de choses, d’enjeux, qui se mettent en place et évoluent avec très peu de dialogues ; on est dans les non-dits, les silences. C’est dans un regard, un clignement de paupières… J’ai adoré cette approche, qui consistait au fond à faire comprendre les choses sans les verbaliser. La première fois que j’ai rencontré Hélène, elle a utilisé l’image de la dentelle. »
Tous ces non-dits et ces silences dont elle fait état rendaient certes la partition plus complexe, mais surtout plus stimulante pour Diane Rouxel.
«Un acteur, s’il se laisse porter sans être là, vraiment là, dans l’instant, on le sent. Il a beau livrer ses lignes correctement, si, dans son regard, il est absent, ça gâche tout. La vérité du moment, la vérité du film, elle passe par le regard des acteurs. Et qu’un film comme celui-ci sollicite autant le regard, je trouvais ça grisant […] De ne pas toujours tout expliquer par l’entremise du dialogue, je trouve aussi que ça laisse plus de liberté aux spectateurs, dans leurs lectures des situations. »
Il est, de fait, plusieurs scènes entre Diane Rouxel et Lambert Wilson, mais également entre Rouxel et la réalisatrice Hélène Fillière, aussi actrice, où la bouche dit une chose, mais les yeux, une autre.
Surnommé « le Moine », car impassible et, aux dires d’un collègue officier, quasi asexué, le commandant Rivière s’annonce d’office comme l’exact opposé de l’aspirante Baer. Face à la curiosité et à l’ouverture de la seconde, le premier est impassible, inatteignable. Mais voilà, à mesure que la recrue impose une assurance insoupçonnée, le vétéran révèle des failles béantes.
Question de doigté
Tout du long de ce pas de deux pudique, chacun agit sur l’autre comme un agent révélateur.
«Laure ne saisit pas d’emblée la nature de ses sentiments. Au début, elle est complètement dépassée par ce nouvel environnement. Il faut comprendre que si elle s’engage dans l’armée, c’est en bonne partie en réaction à son milieu : sa mère [Josiane Balasko] est une comédienne connue et elle a grandi dans une famille artistique et antimilitariste. C’est initialement pour elle une façon de s’affirmer. Puis arrive le commandant Rivière, qui est précédé d’une réputation terrifiante… Or, elle est touchée par cet homme dur et froid, comme un mur qui, face à elle, se fissurera. »
Impossible, par ailleurs, de passer à côté de la différence d’âge entre les deux personnages, l’un ayant largement l’âge d’être le père de l’autre. Un aspect délicat qu’Hélène Fillière traite avec doigté et un parti pris platonique.
« La différence d’âge entre eux est justement l’un des éléments faisant en sorte qu’il s’agit d’un amour impossible. Un amour, du reste, qu’ils ont du mal à s’avouer à eux-mêmes. Rivière travaille très fort pour maintenir une distance, malgré son trouble », note Diane Rouxel.
Le rapport hiérarchique entre évidemment en ligne de compte, et là encore, l’auteure use de finesse.
Pas ce qu’on croit
À ce propos, le contraste entre la présentation du contexte militaire et les a priori qu’on a de celui-ci, legs cinématographique macho aidant, témoigne de la même préoccupation.
Ainsi Hélène Fillière, à titre d’exemple, dirige-t-elle sa distribution de manière stylisée afin d’obtenir ce rendu littéraire déjà évoqué des dialogues.
Encore là, dans le but de faire mentir les idées préconçues.
« Le film n’est pas du tout un pamphlet militariste, mais c’est vrai que les gens que j’ai rencontrés là-bas ne correspondaient pas du tout à l’image que j’avais d’eux. J’ai croisé des gens d’abord et avant tout amoureux de la mer, de la nature ; des poètes, aussi… »
Marquant une pause, Diane Rouxel confie : « J’avais un grand-père dans la marine. Il est décédé deux ans avant le tournage. Il m’avait raconté quelques histoires à lui, mais en même temps, j’éprouvais le sentiment de le connaître assez peu. Par ce film, j’ai l’impression de m’être rapprochée de lui. » François Lévesque est à Québec à l’invitation du FCVQ.