Inquiets, les producteurs laitiers lancent un nouvel appel à Ottawa
Les autres accords commerciaux ont des impacts négatifs, font-ils valoir, en espérant que l’ALENA pourra les épargner
L’industrie laitière canadienne est catégorique : tout nouvel accord de libreéchange avec les États-Unis devra l’épargner entièrement, car elle a « déjà fait les frais » des ententes qui ont été signées avec l’Europe et les pays du Partenariat transpacifique (PTP).
Les représentants du secteur ont convergé vers Ottawa mercredi afin d’insister sur l’effet que des concessions sur la gestion de l’offre pourraient avoir non seulement sur les producteurs, mais sur la constellation de fournisseurs et de transformateurs qui gravitent autour de l’industrie.
« L’industrie laitière ne peut à nouveau subir des impacts négatifs avec cet accord commercial », a dit le président des Producteurs laitiers du Canada (PLC), Pierre Lampron, lors d’une conférence de presse avec d’autres producteurs venus d’ailleurs au pays.
Lorsqu’un journaliste a demandé s’il y avait un plan B au cas où les négociations ne tourneraient pas à leur avantage, David Wiens, producteur manitobain et vice-président des Producteurs laitiers, a dit que « nous entrons dans la spéculation ». Le premier ministre Justin Trudeau appuie le système de gestion de l’offre, en particulier dans l’industrie laitière, a-t-il affirmé. « Nous lui avons expliqué qu’un appui à la gestion de l’offre signifie qu’il ne devrait y avoir aucune concession sur la gestion de l’offre. »
Selon les PLC, l’accord de libreéchange avec l’Europe et le PTP ont eu pour effet de réduire de 250 millions de dollars la production laitière au Canada. L’accord avec l’Europe a permis l’entrée de 17 000 tonnes de fromage par année, alors que le PTP prévoit la cession de 3,25 % des quotas d’importation supplémentaires pour les produits laitiers.
En guise de compensation, Ottawa a offert 250 millions en aide à l’investissement et 100 millions pour appuyer la diversification des marchés.
Si la compensation financière pour l’ouverture faite dans le cadre du libreéchange avec l’Europe a été dévoilée, ce n’est pas le cas encore pour le PTP. « Ce qu’on veut, ce ne sont pas des chèques, c’est répondre au marché pour que nos revenus viennent du marché», a dit M. Lampron.
Protéger « intégralement » ?
Le premier ministre Justin Trudeau a fait savoir mercredi que le Canada en voulait plus de ses partenaires de négociation avant de signer un nouvel Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il a estimé que le gouvernement avait exprimé très clairement son intérêt pour ce qui pourrait être une bonne affaire pour le Canada, mais qu’un certain nombre de choses « devraient bouger avant d’y arriver ».
Selon La Presse canadienne, les Américains auraient renoncé à leurs demandes controversées d’inclure des clauses « Buy American » pour les lucratifs marchés publics. Comme conçu à l’origine, le plan des États-Unis aurait limité la capacité de leur pays respectif à soumissionner pour de précieux projets d’infrastructure du gouvernement américain.
Quand le bloquiste Mario Beaulieu a demandé à M. Trudeau à la période de questions s’il allait protéger « intégralement» la gestion de l’offre, le premier ministre a répondu que « comme je l’ai dit directement aux producteurs agricoles, y compris aux producteurs laitiers à travers le pays, nous allons protéger la gestion de l’offre ».
Sur les autres sujets que le Canada voulait aborder dans le cadre des discussions — égalité des sexes, Autochtones, environnement, etc. —, M. Trudeau a dit en point de presse qu’il y a eu « du bon progrès ».
La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qui était à Washington mercredi, est arrivée dans la capitale américaine mardi, alors qu’un des principaux alliés du président Donald Trump au sein du Congrès indiquait clairement que certains législateurs américains commencent à en avoir assez de ce qu’ils considèrent comme l’intransigeance du Canada.
Le représentant Steve Scalise, un républicain de la Louisiane, a mis en garde contre une «frustration croissante » envers ce qu’il a appelé « les tactiques de négociations » du Canada.
Des observateurs précisent que le Congrès souhaite que le Canada fasse partie d’un accord commercial tripartite, mais pas nécessairement au prix de l’entente préliminaire conclue avec le Mexique. Cette entente doit être approuvée par le Congrès avant le 1er décembre, puisque le nouveau gouvernement mexicain qui prendra le pouvoir en janvier a exprimé certaines réserves à son égard.
Le Canada, pendant ce temps, résiste aux échéanciers que tente de lui imposer le gouvernement Trump pour en venir à une entente — tout d’abord la fin août, puis maintenant la fin septembre.
L’industrie laitière ne peut à nouveau subir des impacts négatifs avec cet accord commercial PIERRE LAMPRON