Verts solitaires. Une voix inaudible dans la campagne.
Une voix inaudible dans la campagne
Il ne sert à rien d’être en avance sur son époque, sauf lorsque celle-ci est en retard d’une révolution. Malgré les enjeux climatiques qui désespèrent bien des gens, le Parti vert du Québec demeure le grand absent de cette campagne électorale, à la fois dans les médias traditionnels, dans les débats et, forcément, dans les esprits. HEC Montréal vient d’organiser un débat sur l’environnement, mais sans eux. Ils auraient pu occuper la chaise de la ministre assignée au dossier, Isabelle Melançon, qui y brillait par son absence. Je lisais cette semaine que certains scientifiques prévoient que notre civilisation ne verra jamais le XXIIe siècle. Le PLQ, peut-être.
Vendredi dernier, j’ai donné rendezvous à 6 des 97 candidats du Parti vert entre la route 132 et le fleuve Saint-Laurent, ce sillon symbolique dont on prédit qu’il risque de devenir une zone morte. En arrière-plan de cette rencontre, l’emblème de notre mégalomanie pharaonique, le « futur nouveau » pont Champlain. Un détail visuel de 4 à 5 milliards. Avec un peu de chance, on finira par traverser à pied.
Un sondage Léger donnait récemment 9 % des intentions de vote chez les 18-34 ans au PV, contre 8% pour Québec solidaire. C’est timide, mais révélateur. Le PV est fédéraliste, ça ne semble pas déranger les jeunes qui préfèrent une planète à un pays.
Mais passons. Passons aussi sur la bisbille avec l’ex-candidat vedette qu’ils n’ont pas su gérer, le chanteur Jamil, chez qui j’ai mangé dimanche dernier. Vous lirez les journaux à potins. Les verts sont encore green à bien des niveaux. Jamil est passé à autre chose et il a même mis du vert dans mon assiette. J’ai épargné un canard.
Demain, s’il en reste
Une chose qu’on ne pourra reprocher aux verts, c’est de manquer de cohérence ou de vision. Malgré l’inexpérience, il y a des personnes extrêmement valables dans cette équipe, des passionnés et certains érudits. Ils ont le vent dans les voiles à l’Île-du-PrinceÉdouard et en Colombie-Britannique.
On les qualifie d’« activistes écosocialistes ». À ce jeu, les candidats de la Coalition avenir Québec sont des activistes écocapitalistes. L’autre « éco », l’économique. Tout le monde s’active à pousser sur ses valeurs. Ou celles du bien commun. Car le programme de 120 pages des verts est pétri de justice sociale (eux aussi, ils ont le dentiste gratuit et la gratuité scolaire), de propositions appuyées par une foule d’experts scientifiques en matière de climat, une taxe sur le carbone de 200 $ la tonne, par exemple.
En clair, c’est 47 cents de plus le litre à la pompe. Ils sont d’ailleurs les seuls à proposer cette taxe, même si QS vient d’en ajouter une avec son dernier plan de « transition économique » : 110 $ la tonne en… 2030. C’est trop peu, trop tard en regard de l’urgence, mais c’est tout de même plus ambitieux que de rouvrir le parc du Mont-Tremblant aux motoneigistes (CAQ).
Les verts sont également les seuls à encourager une alimentation moins carnée (15 % des GES mondiaux pour l’agriculture — dont 75 % attribuables à la viande — au même titre que le transport), à proposer une initiation à la démocratie, le droit de vote à 16 ans et un crédit d’impôt si tu exerces ce droit. Pourquoi pas ? Mon B va avoir 15 ans et il commence à s’intéresser à la politique. L’avenir, s’il en reste, lui appartient davantage qu’à sa grand-mère. Et je suis certaine qu’il est contre le broyage mécanique des poussins mâles vivants. Vous aussi? C’est dans le programme des verts.
Changer les mentalités
« Un parti peut traiter les symptômes, mais il faut changer la culture, les mentalités », souligne Adis Simidzija (candidat dans Trois-Rivières), qui me cite la philosophe Hannah Arendt et le sociologue Pierre Bourdieu en s’enfilant un Subway. Ce militant anticapitaliste éloquent votera cette année pour la première fois, à l’âge de 30 ans.
« Quand on fait du porte-à-porte, les gens ne nous parlent pas d’environnement », fait remarquer Chad Walcott, candidat dans N.-D.G., 30 ans aussi. « Ils veulent savoir combien ils vont recevoir d’argent s’ils votent pour nous. Les vieux partis ont habitué les électeurs à vendre leur vote. »
« Je peux espérer 2 % de vote, je m’en fous », ajoute Stéphanie Dufresne (Champlain), 43 ans, une géographe allumée, mère célibataire de deux enfants qui possède une maîtrise en environnement. «Tous les changements sont difficiles. Mais c’est plus facile quand tu es inspiré. C’est quoi gagner ? Ce n’est pas seulement le vote. J’ai guéri mon cynisme personnel en me portant candidate. Ce qui est décourageant, c’est d’être seule chez moi. »
« Lorsqu’on me dit que je vais perdre, je suis encore plus déterminé. On va garder la conversation active durant les quatre prochaines années », lance le flamboyant Chad, qui a étudié en science politique, dont l’un des frères joue dans la LNH et l’autre est comédien. Il a l’étoffe d’un chef, je mets un dix là-dessus. Et il est capable de faire des métaphores de pogo, relish-moutarde en plus.
Leur chef actuel? En deux heures d’entrevue, le candidat de Verdun, Alex Tyrell, 30 ans, en a passé la moitié à consulter son téléphone devant moi. Une chance qu’il n’est pas encore premier ministre. Sans méchanceté, il a le charisme d’un poteau boudé par les pancartes.
De jeunes militants écologistes, résidents de sa circonscription, m’ont mentionné dans une manif pour la planète, samedi dernier, que ses interventions publiques avaient l’air « douloureuses»: «Je voterais pour les verts, mais pas pour le chef.» On peut dire cela de bien des partis, remarquez. Il faut parfois faire preuve d’imagination.
Mais, détail, détail, un « cheuf », ça se remplace. Une planète, moins.
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Notre inexpérience nous a permis de tout démarrer sur une page blanche MOHAMED HAGE, COFONDATEUR DES FERMES LUFA
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