Le Devoir

Les Louanges, le chanteur et le citoyen

Les Louanges lance La nuit est une panthère

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Le sujet est dans l’air ; hier devant un café, notre conversati­on a finalement dévié vers la politique. « Ah ! Mais tant mieux si tu veux écrire ça — d’ailleurs, ce soir à mon lancement, je vais prendre un petit moment pour le dire : dans dix jours, on va voter », dit Vincent Roberge, alias Les Louanges, qui lançait hier devant public La nuit est une panthère, son tout premier album, l’une des plus rafraîchis­santes parutions de cette rentrée automnale.

« Bon, c’est sûr que je vais le dire à des gens de mon âge, mon public cible — cela dit même si je m’adresse à tout le monde —, mais il faut dire qu’on a besoin de se parler. Qu’il faut aller voter, même si de toute façon, j’imagine que dans la salle, tout le monde va voter orange. C’est juste impensable de ne pas agir maintenant pour l’avenir si on se préoccupe de l’environnem­ent », une préoccupat­ion majeure du jeune homme. La santé de la planète, avant celle de l’économie de la province et de l’argent qu’on prétend vouloir remettre dans nos poches : « Un Québec plus riche va juste nous permettre de mourir à l’air conditionn­é quand le monde, lui, brûlera », balance-t-il.

À bientôt 23 ans, Vincent Roberge, qui s’exprime sous le nom de scène Les Louanges depuis près de trois ans, n’est pas exactement un chanteur engagé, même si quelques-unes de ses nouvelles chansons effleurent notre situation politique et sociale. Comme Romains, par exemple, « où je fais sauter la soupape sur ce qui me gosse en général. Le problème, c’est le discours, inexistant : du monde qui se crie par la tête, tout le temps. Celui qui se démarque, c’est celui qui dit les pires affaires. Tout se perd ».

Pas un chanteur engagé, mais un citoyen concerné. Qui se demande si l’enfant qu’il aura pourra respirer à l’air libre sur cette planète. Cela traduit la sensibilit­é propre à Roberge, un observateu­r allumé du monde qui l’entoure, un fabulateur doué qui s’inspire de détails de sa vie quotidienn­e ou de celle des gens qu’il épiait de son balcon d’Hochelaga-Maisonneuv­e pour composer des chansons trompeuses: en surface, c’est de la pop aux accents de jazz-funk-fusion. Sous la couverture, on découvre un vrai poète pop contempora­in, inspiré autant par Frank Ocean que par Richard Desjardins (« L’album

Boom, je le connais par coeur », assuret-il), MF Doom et Martin Léon, dont il pourrait être le fils spirituel.

Plus chanson-rock, son premier EP, Le

mercure (2016), était selon lui « une digression dans [son] parcours» qui l’a mené au Festival de Granby et aux Francouver­tes en 2017 — on écoute son nouvel album ébahi : qu’est-ce qu’il en a fait, du progrès, depuis le concours ! Sa chanson jazz-rock a de beaux habits neufs, aidé qu’il fut par son joli petit orchestre et son complice réalisateu­r Félix Petit, « mon sensei, celui qui m’a aidé à me recentrer ».

« Je suis allé à l’école pour apprendre le jazz, explique Roberge. Le premier album que j’ai acheté dans ma vie, c’était

Demon Days de Gorillaz — ça prouve que je ne suis pas ben vieux… Moi, j’ai trippé sur Robert Glasper, Thundercat, et comme tout le monde sur les albums

Good Kid, M.A.A.D City et To Pimp a Butterfly » de Kendrick Lamar. Comme plusieurs musiciens de cette génération émergente éduquée avec la discothèqu­e du monde au bout des doigts, Roberge est une éponge d’influences. On pense surtout à celle de Thundercat dans son style de chanson jazzée et fluide maculée de synthétise­urs bien choisis et de piano jazz — joué par Jérôme Beaulieu du réputé trio jazz contempora­in montréalai­s MISC, rien de moins !

Les Louanges groove avec une attitude ludique et débonnaire, néanmoins bien ancrée dans la chanson québécoise, un peu dans le même esprit que celui de son ami Mon Doux Saigneur, version jazz-funk. «Je me pose beaucoup la question : c’est quoi, de la chanson ? J’ai le point de vue d’un étudiant en musique et d’un membre de la francophon­ie. Les réseaux de diffusion de la chanson, je les ai parcourus. Or, ma vision de la chanson semble être à mille lieues » de ce qui semble être la définition commune du genre.

«Je pense que le problème avec la chanson, c’est qu’elle semble porter seulement sur un type d’armature, un squelette harmonique, composé à la guitare ou au piano, avec un texte. Moi, mon instrument principal, finalement, c’est Logic Pro », le logiciel de compositio­n musicale d’Apple. « J’ai passé un an à jouer sur un clavier MIDI, à gosser des sons de synths, à faire des boucles de rythmes. Pour moi, c’est ça : un petit élément, une ligne de basse, un timbre de clavier, qui va construire toute la chanson. C’est pour ça que la chanson [telle qu’elle est traditionn­ellement définie] me paraît contraigna­nte. Bon, après, tout devient de la chanson, en fin de compte. »

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 ?? MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? Vincent Roberge, alias Les Louanges, se définit plus comme un citoyen concerné qu’un chanteur engagé.
MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Vincent Roberge, alias Les Louanges, se définit plus comme un citoyen concerné qu’un chanteur engagé.

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