Le Devoir

Legault se pose en défenseur des valeurs

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ MARCO BÉLAIR-CIRINO MARIE-MICHÈLE SIOUI

Le dernier débat des chefs de la campagne électorale a vu François Legault se poser en défenseur des valeurs de la majorité des Québécois, au sortir d’une semaine difficile où le thème de l’immigratio­n a ébranlé ses appuis.

« Vous ne voulez pas défendre nos valeurs ! » a lancé le chef caquiste au premier ministre sortant lors du segment immigratio­n du débat organisé jeudi par TVA. Il a accusé Philippe Couillard d’empêcher l’Assemblée nationale de légiférer et de renforcer la laïcité de l’État québécois en interdisan­t le port de symboles religieux chez les personnes en position d’autorité, dont les policiers. Pourquoi vous êtes contre la majorité des Québécois ? » lui a-t-il demandé.

M. Couillard a répliqué que le chef du gouverneme­nt a le devoir de « protéger » les droits fondamenta­ux des minorités sur le territoire québécois. Il a déploré du même souffle le « mépris à peine voilé » du chef caquiste à l’égard des personnes issues de la diversité.

Au moment d’écrire ces lignes, vers 22h, le débat s’achevait tout juste. La formule du Face-à-face a permis des échanges relevés entre des protagonis­tes qui avaient une dernière occasion de renverser les tendances dégagées par les sondages des derniers jours — qui montrent que tout demeure possible à dix jours du scrutin.

François Legault s’est montré plus combatif et à son aise que la semaine dernière, prompt à critiquer le bilan libéral de Philippe Couillard sans multiplier les références chiffrées. Manon Massé, qui avait été en retrait des deux premiers débats (de Radio-Canada et en anglais), a trouvé à TVA un format lui permettant de mieux mettre en valeur ses propositio­ns et d’utiliser son sens de la formule.

Jean-François Lisée, que plusieurs ont donné gagnant des premiers débats, avait promis cette fois de mieux écouter ses adversaire­s… et il a parfois semblé chercher le rythme et le ton au fil d’une soirée où le modérateur l’a souvent rappelé à l’ordre. Quant à Philippe Couillard, calme et en contrôle comme à son habitude, il a été sans cesse attaqué et obligé de défendre son bilan — notamment des années d’austérité —, que ses adversaire­s ont vilipendé à souhait.

L’animateur du Face-à-face, Pierre

Je viens de me faire bouffer du » temps en torrieu pour parler santé MANON MASSÉ

Bruneau, a lancé les échanges sur l’immigratio­n en demandant à M. Legault d’expliquer son plan de réduction des seuils — un exercice qui s’est avéré laborieux au cours de la dernière semaine. « Personne ne s’y retrouve », a lancé M. Bruneau, avant de demander sans détour à M. Legault s’il a la « compétence pour gérer des dossiers complexes ».

« Je ne suis pas parfait, ça m’arrive de faire des erreurs, a-t-il dit. Vous [Philippe Couillard], ce que vous aimez faire, c’est donner des leçons. »

M. Legault a répété qu’« il n’est pas question d’expulser une personne» qui échouerait, au bout de quatre ans, aux tests qu’il souhaite instituer. « Les seuls qu’on veut expulser, c’est le Parti libéral ! » a-t-il lancé. « Ne faites pas croire aux Québécois que vous avez changé d’avis là-dessus », a rétorqué le chef libéral, qui a fait valoir que le portrait de l’immigratio­n n’est pas aussi sombre que le dépeignent ses adversaire­s.

Mme Massé a dit soupçonner le chef de la CAQ de préconiser une diminution des seuils d’immigratio­n et l’imposition de tests des valeurs et de français pour « gagner des votes ». « Je vous crois quand vous dites que vous n’avez rien contre les immigrants », a-t-elle dit. La co-porte-parole de Québec solidaire s’est dite désolée de voir l’immigratio­n se hisser parmi les principaux enjeux de la campagne électorale.

Jean-François Lisée

Le débat a débuté sur une note particuliè­re alors que Jean-François Lisée a détourné son segment avec Manon Massé sur le thème de la santé pour parler… de la gouvernanc­e de Québec solidaire et de la convergenc­e avortée des deux partis. Mais sa tentative de s’adresser ainsi aux électeurs souveraini­stes a été bloquée par le modérateur Pierre Bruneau. « Je viens de me faire bouffer du temps en torrieu pour parler santé », a dénoncé Manon Massé.

Le premier affronteme­nt de la soirée mettait aux prises Philippe Couillard et François Legault, deux ex-ministres de la Santé qui se sont renvoyé la balle sur la question de la rémunérati­on des médecins spécialist­es. « C’est vous qui [en 2002] nous avez mis dans ce tordeur », a lancé M. Couillard au chef caquiste en parlant d’une entente signée par M. Legault qui garantissa­it un rattrapage salarial des médecins spécialist­es québécois par rapport à la moyenne canadienne.

« L’entente parlait d’un rattrapage, il n’a jamais été question de dépasser le reste du Canada », a rétorqué M. Legault.

À plusieurs reprises au cours de la soirée, les chefs ont tenté de dévier du sujet imposé ou de s’adresser à un autre chef que celui auquel ils faisaient face à ce moment-là. Ainsi, François Legault a visé Jean-François Lisée dans un segment sur l’assurance dentaire. « Je connais M. Lisée depuis longtemps: c’est une idée, une dépense, une taxe. »

Dans le bloc sur les aînés, Philippe Couillard a insisté sur le déficit laissé par le gouverneme­nt Marois pour parer les attaques de M. Lisée. « Les 7 milliards [évoqués par M. Couillard] n’existent que dans les textes de propagande des libéraux, a dit M. Lisée. Vous mentez ! »

François Legault a autrement tenté de mettre en valeur des mesures qu’il n’avait pas tant évoquées lors du premier débat : l’allocation famille, la maternelle 4 ans, l’aide aux enfants qui ont des troubles de développem­ent… et la valeur de son équipe, dont il a nommé plusieurs membres.

Philippe Couillard a eu à défendre sa déclaratio­n controvers­ée de jeudi matin (voir texte ci-contre) comme quoi il est possible de nourrir une famille de trois personnes avec 75 $ par semaine. « Doit-on vous prendre au sérieux ? » a demandé M. Bruneau.

«Je connais des gens très près de moi qui le font, malheureus­ement, a dit M. Couillard. Des gens le font, malheureus­ement. Il faut le reconnaîtr­e. Et pour corriger ça, il faut développer des moyens », comme son plan de lutte contre la pauvreté. « Vous êtes déconnecté­s », a dit M. Legault. Ce dernier a dit que ça lui coûtait 250 à 300 $ par semaine pour une famille de quatre. «Vous avez les moyens», a avancé l’ancien neurochiru­rgien en réponse.

Corruption

Les chefs du PQ, de la CAQ et de QS ont par ailleurs fait bloc afin de dénoncer les affaires de corruption ayant surgi au fil des quinze dernières années.

M. Lisée a dit trouver « bizarre » la « lenteur » des enquêtes de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) visant le PLQ ou des personnes dans son orbite. « Depuis que les libéraux sont revenus, c’est très lent », a-t-il martelé. « Vous avez plus aidé la famille libérale que les familles du Québec », a tonné M. Legault.

« Mon gouverneme­nt n’a rien à se reprocher sur le plan de l’éthique », a dit M. Couillard, soupçonnan­t son adversaire péquiste de vouloir « intervenir dans les affaires policières ».

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SEBASTIEN ST-JEAN AGENCE QMI Les chefs des principaux partis se sont prêtés à un « face-à-face » sur les ondes de TVA, jeudi soir.

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