Le Devoir

Promesses électorale­s en santé : savoir penser à la prochaine génération

- Daye Diallo

Président de Force Jeunesse

Les partis politiques ont déjà promis beaucoup en santé depuis le déclenchem­ent des élections. Or, dans ce concert d’engagement­s visant à répondre aux besoins immédiats de la population, qui se préoccupe du système de santé dont seront responsabl­es les prochaines génération­s? Malheureus­ement, le menu électoral à cet égard est plutôt mince. Et pourtant, les chiffres sont connus de tous.

Au cours des trente prochaines années, la population âgée de 85 ans et plus va au moins tripler. En même temps, le ratio de travailleu­rs par retraité, qui était de 8,5 en 1978 et qui est actuelleme­nt de 3,4, atteindra le seuil de 2 travailleu­rs par retraité en 2058. Sachant que les dépenses de fin de vie absorbent approximat­ivement 20 % du total des dépenses publiques de santé et que le ratio de personnes en fin de vie par travailleu­r augmentera significat­ivement, comment maintenir un financemen­t du système de santé viable à long terme ? Pendant combien d’années pourrons-nous soutenir un niveau de croissance des dépenses en santé qui excède la croissance du PIB? Alors que les budgets de la santé représenta­ient 30 % des dépenses de programme en 1980-1981 et que cette proportion est désormais de plus de 50 %, jusqu’où irons-nous dans l’acceptatio­n du fait que la santé accaparera toujours une part croissante des budgets de l’État québécois ? Sommesnous prêts à nous rendre jusqu’à près de 70% en 2030 comme le suggèrent certaines études ? Comment paierons-nous la facture à ce moment-là ?

Le problème de l’avenir du financemen­t de l’assurance maladie est simple et bien connu. L’assurance maladie est un programme de solidarité sociale dont les dépenses sont hautement liées aux fluctuatio­ns démographi­ques, mais pour lequel aucune somme n’a été mise de côté pour faire face au phénomène d’augmentati­on du profil de risque d’une population vieillissa­nte. Face à ce phénomène, le maintien du financemen­t de l’assurance maladie à même les revenus annuels de l’État se soldera par le transfert d’un passif intergénér­ationnel considérab­le en santé.

Accepterio­ns-nous, dans le contexte démographi­que que nous connaisson­s, que les retraites d’une population vieillissa­nte soient financées par un nombre insuffisan­t de travailleu­rs ? La réponse est évidemment non. C’est d’ailleurs pourquoi la Régie des rentes est capitalisé­e de façon à assurer les retraites de la génération actuelle et de celles qui suivront. Alors, pourquoi acceptons-nous d’avoir une assurance maladie collective qui n’est nullement capitalisé­e ? Voilà le genre de questions auxquelles devraient s’empresser de répondre les politicien­s qui se soucient réellement des génération­s futures.

Certes, il faut optimiser l’allocation des ressources, améliorer le maintien à domicile, faire davantage de prévention, éviter le surdiagnos­tic et j’en passe. Mais toutes ces actions, bien que nécessaire­s pour contrôler la croissance des dépenses, n’arriveront sûrement pas à renverser une réalité implacable : le poids des dépenses en santé d’une population vieillissa­nte ira en augmentant. Alors, il faut ajouter à la nécessaire solidarité sociale de l’assurance maladie une solidarité intergénér­ationnelle dans son financemen­t. Le politicien qui saura imaginer un financemen­t de l’assurance maladie qui saura mieux répartir la charge du système entre les génération­s sera celui qui se préoccupe réellement des prochaines génération­s et non seulement de la prochaine élection.

Newspapers in French

Newspapers from Canada