Pour un réseau de CPE fortifié
L’inégalité éducative, hélas, ne commence pas au seuil de la petite école primaire, mais plutôt au berceau. Les enfants n’ont pas tous droit au même démarrage, et dans certains milieux, l’environnement n’est propice ni aux soins ni à la sécurité ou même à la stimulation garants d’un développement épanoui.
C’est précisément pour pallier ces iniquités de la vie que le Québec s’est doté en 1997 d’un réseau de centres de la petite enfance (CPE) — gracieuseté de Pauline Marois — qui fait l’envie de plusieurs nations et qu’on peut sans gêne qualifier d’acquis social d’importance.
Or, voilà qu’à la faveur d’une campagne électorale obsédée par le prêt-à-porter plutôt que la vision d’ensemble, l’âge tendre de 4 ans se trouve au coeur d’une querelle opposant l’universalité de la maternelle à l’accès élargi aux CPE.
Nous croyons que l’un ne devrait pas exclure l’autre. Que l’accessibilité aux CPE devrait être élargie (plus de places) et solidifiée (moins cher) et que les maternelles 4 ans, déjà offertes dans certains milieux défavorisés où la fréquentation de la garderie est quasi nulle, devraient demeurer en guise de présence complémentaire. Les deux services cohabitent déjà et ont démontré chacun à leur manière tous les bienfaits d’une intervention éducative précoce, autour de laquelle les experts sont unanimes. En milieu défavorisé, là où elles existent, les maternelles 4 ans gratuites ont fait de véritables petits miracles, permettant littéralement à certains enfants d’apprendre les rouages du langage et de plonger dans la socialisation, inconnue jusque-là.
Partout au Québec, l’arrivée des CPE — à 5 $ par jour au début, rappelonsnous ! — fut associée à une bouffée d’air frais : paix d’esprit des parents, présence accrue (et rentable) des femmes sur le marché du travail, réussite scolaire future mieux assurée pour les enfants, bref, que du doux et du sucré. Hormis… les listes d’attente. Hormis… l’offre à géométrie variable entre CPE et garderies privées. Hormis… les compressions qui, sous le règne libéral, ont grevé certains des acquis associés à ce fleuron québécois. Fin août, dans Le Devoir, on apprenait que certains budgets de CPE étaient bouclés avec des fonds destinés aux enfants à besoins particuliers, une aberration comptable mettant en péril la mission même des services éducatifs.
Le concert de promesses entourant la prise en charge collective des enfants de 4 ans a enterré le bruit de fond principal : et la qualité des services, qu’en faisons-nous ? Entre gratuité et accessibilité, il ne faut pas perdre de vue cet axe essentiel. Dans un rapport publié en 2012 sur la question, c’est d’ailleurs précisément ce sur quoi insistait le Conseil supérieur de l’éducation ; son diagnostic des services éducatifs destinés aux 4 et 5 ans reposait sur une triade : l’accès, la qualité et la continuité.
François Legault, de la CAQ , milite pour l’accès universel et gratuit à la maternelle 4 ans, mais il a oublié de mettre une dose de réalisme dans son plan de match : capacité physique des écoles et pénurie d’enseignants devraient suffire à plomber ses ambitions. Vers quel casse-tête structurel douloureux cette proposition nous destine-t-elle ! Les libéraux promettent l’accès gratuit aux services pour les 4 ans et l’ajout de 2000 places en services de garde subventionnés, ce qui est intéressant. Mais les incitatifs fiscaux aux parents qui destinent leurs enfants aux garderies privées demeurent : c’est un problème notable, à l’origine d’un affaiblissement majeur du réseau.
Québec solidaire suggère l’accès universel et gratuit aux CPE, et a eu la bonne idée de songer à une politique des services éducatifs pour les 0-5 ans. La profession de foi à l’endroit des CPE du Parti québécois est toutefois la plus alléchante, disons-le : promesse de places additionnelles, retour au tarif unique, gratuité pour les faibles revenus, contrôle de qualité rehaussé. De quoi retrouver les bases d’un réseau dont on peut s’enorgueillir.